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Actualités - interview

Interview - Plus d’exceptions pour les carrières illégales, promet le ministre de l’Environnement Wi’am Wahhab : « Je refuse d’être un faux témoin » (Photo)

Depuis son accession au poste de ministre de l’Environnement au sein du cabinet du président Omar Karamé, et lors d’un entretien avec L’Orient-Le Jour, Wi’am Wahhab affiche une double ambition : celle de jouer un rôle au sein de sa communauté druze « pour contrer le monopole de la décision au Chouf », et celle de régler au mieux durant son mandat deux grands dossiers environnementaux, les carrières et le traitement des déchets ménagers, « avec un feu vert des présidents du Conseil et de la République ». Celui dont l’arrivée au gouvernement a été unanimement considérée comme un défi au leader druze Walid Joumblatt refuse d’être considéré comme un nouveau venu dans la politique, déclarant être impliqué dans la vie publique depuis des années. Posant sur son interlocuteur un regard insondable et fixe, qui semble guetter ses moindres réactions à un discours bien pesé, il évoque à plus d’une reprise, dans des sortes d’envolées lyriques, ses lectures de Gebran Khalil Gebran « qui ont fait naître en moi une révolte, entretenue et avivée par la pensée socialiste de Kamal Joumblatt ». « Dès le début des années 90, j’ai commencé à me consacrer à la politique, indique le nouveau ministre de l’Environnement, qui a auparavant été journaliste. J’étais conseiller du ministre Talal Arslane pour quelque temps, avant de me présenter aux élections de 1996 au Chouf et de récolter 12 000 voix. C’était un bon résultat compte tenu du fait que je n’avais pas d’autres atouts que mes idées politiques, hostiles au féodalisme qui monopolise la décision des électeurs de la région. » Ces idées sont-elles toujours les siennes ? « Certainement, répond-il, j’en suis convaincu. Il ne faut pas maintenir la population dans un cocon. Le monde entier se dirige vers la démocratie et la liberté, et, chez nous, il y a toujours des gens qui monopolisent la décision populaire. Dans certaines régions, les habitants ne peuvent faire installer un compteur d’électricité ou voir leur rue asphaltée sans l’intervention, voire la protection, d’une personne influente. Je fais partie de ceux qui ont souffert de cette situation. » A-t-il personnellement été lésé à un moment ou à un autre ? « Non, il ne s’agit pas de moi, mais je souffrais de voir cet état de choses se perpétuer, et j’entendais les gens se plaindre, souligne-t-il. En 2000, j’ai exposé ma pensée au président Émile Lahoud lors d’une conversation ; je lui ai dit qu’il m’est impossible d’approuver un État qui place un intermédiaire entre lui et moi, m’obligeant à avoir recours à ce pôle d’influence parce que les institutions étatiques ne m’assurent pas les services minimaux. » Quoi qu’il en soit, M. Wahhab fait actuellement partie de ce régime qu’il critique. Que va-t-il faire ? « Pour ce qui me concerne, je compte diriger mon ministère de manière exemplaire, déclare-t-il. Je refuse de me transformer en faux témoin. » Mais son arrivée au gouvernement ne constitue-t-elle pas un défi au leader druze Walid Joumblatt et à sa ligne politique, comme beaucoup d’observateurs l’ont relevé ? Pour répondre à cette question, le nouveau ministre préfère s’attarder sur les raisons de son conflit avec M. Joumblatt. « Il est vrai qu’il y avait un froid dans les années 90, mais ce qui a vraiment fait éclater le conflit entre M. Joumblatt et moi, c’est ma candidature aux élections législatives, dit-il. Qu’ai-je fait pour mériter de devenir un ennemi ? Ai-je dépassé les limites parce que j’ai décidé d’exercer mes droits en tant que citoyen ? » Mais sa nomination au gouvernement n’est pas une simple question de défi lancé à M. Joumblatt, insiste-t-il. « Ma candidature à un poste ministériel a été évoquée à plusieurs reprises dans le passé, et elle s’est concrétisée lors de la formation de ce cabinet, déclare-t-il simplement. J’ai joué un rôle politique neutre durant les trois dernières années. J’ai entretenu des relations autant avec Joumblatt qu’avec Arslane et, à leur demande, j’ai souvent fourni des efforts pour redonner un rôle aux institutions druzes. J’ai servi d’intermédiaire entre M. Joumblatt et d’autres parties à plusieurs reprises. Mais la nature de notre désaccord actuel est politique, et il n’est pas le seul homme politique avec lequel je ne suis pas d’accord. « Dans son discours, il dénonce à plusieurs reprises le « féodalisme qui existe dans toutes les communautés », affirmant que « les voix du changement se font entendre ». Toutefois, il y a des figures issues de familles politiques traditionnelles dans ce gouvernement. Le ministre Sleimane Frangié, pour ne citer que lui... « Oui, mais il faut juger les gens d’après leurs actes, répond M. Wahhab. Jusqu’à présent, j’ai senti que l’équipe gouvernementale était soudée. Pour ce qui est du ministre Frangié, il m’a déjà assuré que, dans le dossier des carrières, il serait prêt à ordonner la fermeture de tous les sites illégaux décidée par le ministère de l’Environnement sans faire d’exceptions pour quiconque. » « J’ai eu le feu vert pour agir » À la question de savoir pourquoi on lui prête la réputation de retourner souvent sa veste en politique, il indique, une pointe d’irritation dans la voix : « Je ne comprends pas de quels retournements de veste on m’accuse. Ce n’est qu’un prétexte pour réduire les gens en esclavage. Ces hommes politiques qui m’accusent de cela ne changent-ils pas eux-mêmes de position tous les jours ? Aucun homme politique ne campe sur une même position plus d’une semaine. Seul le citoyen n’a pas le droit de changer d’avis à leurs yeux. » En ce qui concerne le portefeuille dont il a été chargé, M. Wahhab se montre désireux d’avancer dans le règlement des grands dossiers environnementaux durant son mandat, en priorité ceux des carrières et du traitement des déchets ménagers, et donne une place de choix au rôle joué par les médias et la presse, auxquels il compte avoir souvent recours. « J’ai eu le feu vert des présidents Lahoud et Karamé pour agir », confirme-t-il. Comment compte-t-il procéder dans le dossier des carrières sachant que d’énormes intérêts sont en jeu, bloquant les solutions radicales depuis plus d’une dizaine d’années ? « Je refuse de baisser les bras, mais je ne prendrai pas pour autant de décision radicale et rapide, afin d’éviter que les prix des matières premières ne grimpent de nouveau, souligne le ministre. Voilà pourquoi je compte lancer un débat scientifique lors d’un congrès auquel toutes les parties intéressées participeront. Je fonderai mon action sur les recommandations prises lors de ce congrès qui se tiendra prochainement. Mais ce qui est sûr, c’est que les “protections” politiques ne sont plus en vigueur. Nous ferons de même pour les déchets ménagers. » Travaillera-t-il à redonner à ce ministère certaines des prérogatives qui lui manquent pour agir ? « Certainement, il existe plusieurs propositions en ce sens, affirme-t-il. On pourrait créer une police verte entre autres. » Pourquoi les décisions du ministère de l’Environnement ne deviendraient-elles pas contraignantes ? « Certainement, ce sera l’une de mes recommandations, dit-il. Mais mon dernier recours sera la presse. Je ne permettrai plus à aucun homme politique influent d’empoisonner la vie des citoyens pour protéger les intérêts des uns et des autres. » Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir... Suzanne BAAKLINI
Depuis son accession au poste de ministre de l’Environnement au sein du cabinet du président Omar Karamé, et lors d’un entretien avec L’Orient-Le Jour, Wi’am Wahhab affiche une double ambition : celle de jouer un rôle au sein de sa communauté druze « pour contrer le monopole de la décision au Chouf », et celle de régler au mieux durant son mandat deux grands dossiers...