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Actualités - OPINION

Perspectives Une réelle représentativité de la loi électorale au cœur des appréhensions des députés Décrédibilisées par une confiance squelettique, les prétentions du gouvernement n’en deviennent que plus utopiques

C’est historique. Jamais ou presque dans l’histoire du Liban un gouvernement n’aura eu une confiance parlementaire aussi faible, aussi squelettique : 59 députés seulement, sur les 108 présents (soit moins de la moitié de la Chambre), ont adhéré à la déclaration ministérielle du cabinet Karamé. À se demander ce que ce vote aurait donné si le Parlement représentait véritablement la volonté populaire, s’il avait été le fruit d’une loi électorale juste et saine, s’il n’était pas, dans sa majorité, destiné « en principe » à répercuter les diktats du régime en place depuis au moins quatre ans, ainsi que ceux du tuteur syrien. Et même si Sleimane Frangié a mathématiquement raison de dire que quel que soit le chiffre, la confiance a été donnée, le résultat de samedi vient confirmer une triple et dangereuse lacune. Il y a, d’abord, un manque profond de crédibilité, dont a commencé à pâtir, même avant sa formation, le premier gouvernement du mandat prorogé, affublé dès sa naissance par Richard Armitage d’un retentissant « made in Damascus ». Un manque de crédibilité doublé d’une insuffisance sensible de légitimité. Les mots que Nassib Lahoud a martelés en plein hémicycle résonneront encore longtemps : « Depuis dix ans, le Conseil des ministres n’est que la vitrine d’un véritable pouvoir qui se trouve ailleurs. Au mieux est-il le partenaire, faible, du système sécuritaro-politico-judiciaire qui règne sur tous les rouages du pouvoir. » Ainsi, pour de très nombreux députés, le gouvernement Karamé n’est qu’un cache-sexe, arachnéen de surcroît, du véritable pouvoir. Un masque de bonne conduite, une caution. Une poudre aux yeux jetée très intelligemment pour leurrer l’opinion publique sur l’appétence du cabinet et de ceux qui tirent, en coulisses, ses fils, à l’égard des valeurs républicaines, démocratiques et libérales. Très intelligemment puisque le choix des décideurs s’est porté sur l’effendi tripolitain, dont les qualités personnelles ont été louées par la grosse majorité de l’opposition. Des décideurs qui ont également eu la décence de nommer au sein de l’équipe quelques ministres, certes pas nombreux, dont l’intégrité et les compétences sont unanimement reconnues et respectées. Et « last but not least », de quelle marge de manœuvre peut disposer un gouvernement récipiendaire d’une pareille confiance ? À cette question, n’importe qui serait tenté de répondre, tout naturellement, par le mot « aucune ». D’autres, plus familiers de la praxis politique libanaise, répliqueront que le Parlement, depuis bien longtemps, n’est plus souverain, ni maître de ses décisions ; qu’il est incapable, dans tous les cas, de la moindre interpellation ou d’une quelconque demande de comptes. Il n’empêche, cette équipe a singulièrement manqué du moins d’intelligence sinon de bon sens, en plaçant la barre à des hauteurs qui auraient rebuté même le plus aventureux, le plus téméraire des Serguei Bubka ; et, surtout, que sa durée de vie n’est pas censée excéder les sept mois – mais tout le monde sait que les voies du tuteur syrien sont impénétrables. La déclaration ministérielle du gouvernement Karamé pullule ainsi de promesses, à tous les niveaux. Des promesses vitales, ultrapopulaires même, mais dénuées de tout mécanisme d’application : assurer l’électricité, abaisser les frais liés à la téléphonie mobile, réduire le poids du service militaire, appliquer l’accord de Taëf, respecter la légalité internationale, et, surtout, accoucher d’une loi électorale représentative. Sauf que mesurés à l’aune du chiffre 59, ces prétentions, ces engagements, qu’aucun cabinet n’a pu réaliser, n’en deviennent véritablement que plus utopiques. Le nombre élevé de députés à avoir exprimé haut et fort leurs doutes sur la volonté ou la capacité du gouvernement à mettre sur pied une telle loi en témoigne. L’appel de Bkerké en faveur d’une surveillance internationale des élections printanières aura sans doute un écho de plus en plus important au fur et à mesure des semaines à venir. D’ailleurs, en véritable renard de la politique locale, Omar Karamé a préféré assurer le court terme, en prévenant l’opposition, qui garde pour lui les yeux de Chimène, de lui conserver sa place au chaud « à la moindre entrave à l’action des appareils de contrôle ». Mais l’effendi, encore plus que « n’importe quel » Premier ministrable, est animé d’un feu qu’il estime sacré : réussir là où Rafic Hariri a échoué, indépendamment des raisons qui expliquent son insuccès. Il sait, comme l’a déploré Misbah Ahdab, que « la saison politique » a changé, qu’il ne souffrira pas, en principe, des mêmes avanies dont a été victime son prédécesseur. Et le souvenir de son départ presque honteux du Sérail en 1992 ayant apparemment totalement disparu, Omar Karamé a décidé, samedi, de s’en remettre a la vox populi. De laquelle il attend désormais la confiance que la majorité des élus de la nation, absents compris, lui a refusée. Impossible n’est pas tripolitain ? L’effendi, pour l’instant, est le seul à le penser. Ziyad MAKHOUL
C’est historique. Jamais ou presque dans l’histoire du Liban un gouvernement n’aura eu une confiance parlementaire aussi faible, aussi squelettique : 59 députés seulement, sur les 108 présents (soit moins de la moitié de la Chambre), ont adhéré à la déclaration ministérielle du cabinet Karamé. À se demander ce que ce vote aurait donné si le Parlement représentait...