Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Des écueils presque partout, en attendant l’intervention de Damas Accouchement difficile pour le cabinet Karamé (photo)

Le Liban – à travers du moins sa classe politique – est-il réellement « ingouvernable » ? Il est légitime de se poser la question, tant la naissance du nouveau gouvernement se heurte à des considérations diverses et à des obstacles variés, que toute la bonne volonté du Premier ministre Omar Karamé n’arrive pas encore à aplanir. Car c’est bien de « bonne volonté » qu’il faut parler pour qualifier l’entreprise actuellement menée par M. Karamé pour tenter de réunir autour de lui l’équipe la plus cohérente et la plus représentative qu’il lui soit donné de former. Ce qui n’est certes pas chose aisée puisque, subodorent sans doute à juste titre certains analystes, la marge de manœuvre du chef du gouvernement désigné n’est pas aussi large qu’il le laisse paraître. Selon des sources bien informées, Omar Karamé est arrivé jeudi à la tête du gouvernement avec trois idées en tête: mettre en place un cabinet d’unité nationale, éviter à tout prix le gouvernement de confrontation locale et internationale, et former une équipe de travail regroupant des personnalités intègres et de confiance. Dans ce cadre, il s’est opposé à la présence de partisans aux ministères dits de services, favorisant la participation de technocrates. Sauf que les desiderata du Premier ministre se sont vite heurtées, hier, à la dure réalité de la jungle politique libanaise. Si bien qu’hier soir, en raison de la multiplication des pressions et des exclusives de part et d’autre, la dynamique initiée en quatrième vitesse pour la naissance du gouvernement a considérablement ralenti... Après minuit, certaines sources s’attendaient cependant à ce que le ciel commence à se dégager progressivement, grâce à l’intervention habituelle de Anjar visant à débloquer tout le processus. Il est donc attendu, selon des sources loyalistes, que la Syrie déploie des efforts dans les vingt-quatre heures pour trancher l’inextricable nœud gordien. Karamé, Bkerké et Kornet Chehwane Mais quelles sont donc les zones de turbulences qui ont empêché pour l’instant l’émergence du cabinet ? Dans un premier temps, Omar Karamé a pensé intégrer dans son équipe Boutros Harb (ministère d’État) et Nayla Moawad (Santé), ses compagnons du Liban-Nord et du Front national de réforme, qui sont dans l’opposition, selon certaines sources, pour assainir le climat. Aussi a-t-il rencontré les deux députés jeudi, qui ont arrangé hier une rencontre avec le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, à Bkerké. Mme Moawad et M. Harb n’ont pas envisagé de participer au cabinet, mais ils ont voulu faire un pas en direction de leur allié électoral indéfectible de Tripoli en désamorçant quelque peu le climat ambiant, sans pour autant transiger sur leur position. Plusieurs sources du Rassemblement de Kornet Chehwane, dont M. Harb lui-même, affirmaient d’ailleurs en soirée qu’ils n’ont aucunement l’ambition de participer au gouvernement et qu’ils campent sur leurs principes. Omar Karamé a donc pris le chemin de Bkerké hier soir pour un entretien qui a duré quinze minutes, selon certaines sources, et une demi-heure, selon d’autres. Le Premier ministre a réclamé au patriarche maronite une participation de Kornet Chehwane au gouvernement. De son côté, Mgr Sfeir a souhaité à M. Karamé de réussir dans sa mission, précisant qu’il n’intervient pas dans les nominations ministérielles et qu’il reste à égale distance de tous concernant la formation du gouvernement. Mais, ont indiqué certaines sources, le patriarche a néanmoins réitéré sa position de base concernant la complexité de la situation actuelle et le mécontentement général qui règne sur la scène locale. À la lumière de cette rencontre, il est donc très improbable que l’opposition rejoigne les rangs du nouveau gouvernement. Frangié, Murr et l’Intérieur Par ailleurs, Omar Karamé n’a pas caché son irritation après avoir entendu les propos tenus jeudi par Michel Murr à Baabda qui a considéré comme acquis le ministère de l’Intérieur à Élias Murr. Et pour cause : le nouveau Premier ministre rejette complètement toute idée d’un gouvernement préfabriqué, prêt-à-porter, à la tête duquel il serait parachuté. Ensuite, le portefeuille de l’Intérieur a fait hier l’objet d’une véritable petite guerre entre Sleimane Frangié et Élias Murr. Si, en début de soirée, il semblait acquis que M. Frangié irait à Sanayeh et que M. Murr aurait un autre portefeuille, les choses ont changé après minuit. On apprenait en effet, à travers des sources loyalistes, que l’affaire de l’Intérieur n’avait toujours pas été débloquée et que le président Émile Lahoud et Élias Murr n’étaient pas prêts à concéder ce portefeuille à M. Frangié. Ce qui n’étonne guère, étant donné le vif intérêt que Baabda porte à Sanayeh. Partant, le bloc parlementaire de Sleimane Frangié a annoncé qu’il y avait un choix à faire entre trois options: l’octroi du portefeuille de l’Intérieur à M. Frangié, la représentation du bloc Frangié par César Moawad à un ministère dit de services et par un député sunnite du bloc, ou la résignation de l’ensemble du groupe, quitte à ce qu’il n’accorde pas sa confiance au gouvernement. Toute la donne a donc été remise en cause. Cependant, tard en soirée, on s’attendait que, une fois l’intervention syrienne concrétisée, Sleimane Frangié soit affecté au ministère de l’Intérieur et Élias Murr à un autre ministère. Tout aussi ardue, la question du ministère des Affaires étrangères. Le palais Bustros fait l’objet des convoitises de Nabih Berry, qui veut y placer Ali el-Khalil. Baabda préfère pour sa part que le poste revienne à un maronite ou un sunnite. Omar Karamé, lui, préférait voir l’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, au palais Bustros. Mais, tard en soirée, on apprenait que Baabda s’opposait à la nomination de M. Husseini et que le poste reviendrait en définitive à Mahmoud Hammoud, du reste apprécié par Damas. Ferzli et Arslane Le ministère de l’Information n’a pas échappé non plus aux alliances et contre-alliances. Pressenti aux Affaires étrangères, Hussein Husseini a lié sa nomination à celle d’Albert Mansour à ce poste. Un poste également convoité par Michel Samaha et par le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli. Lequel a également fixé ses propres conditions pour participer au cabinet. Il est en effet vice-président de la Chambre, et il ne peut pas, sur le plan du protocole, obtenir un ministère d’État, tout comme il ne peut pas devenir vice-président du Conseil, poste qui échoit naturellement à Issam Farès. M. Ferzli est donc à la recherche d’un ministère. Le ministère des Finances a également posé problème. M. Karamé voulait Élias Saba, mais c’est l’option Adnane Kassar qui a été privilégiée durant toute la journée. En échange, M. Saba devait aller à l’Économie. Tard en soirée, cependant, le nom d’Élias Saba était de nouveau pressenti pour les Finances. Le ministère du Travail a lui aussi fait l’objet d’un conflit hier. Selon des sources bien informée, le « amaliste » Hassan Farran a déjà fait, hier, son inspection du ministère. Mais Omar Karamé ne veut pas de représentants des partis aux ministères dit de services. Talal Arslane est venu compliquer les choses en réclamant, en plus du ministère des Déplacés, celui du Travail pour un ministre druze. Or le problème de la représentation druze n’est pas résolu, dans le sens où M. Karamé refuse d’accorder un poste à Wi’am Wahab pour ne pas provoquer Walid Joumblatt. Devant toutes ces complications, le nouveau Premier ministre à demandé plus de temps pour réfléchir. Des complications qui arrangent évidemment Damas, témoin passif, mais plus pour très longtemps, notent certains observateurs. Damas, qui peut ainsi prétendre devant les puissances occidentales que les Libanais sont incapables de s’entendre quand on les laisse tout seuls. Et leur faire croire, insidieusement, qu’ils ont donc besoin d’une tutelle permanente. Michel HAJJI GEORGIOU
Le Liban – à travers du moins sa classe politique – est-il réellement « ingouvernable » ? Il est légitime de se poser la question, tant la naissance du nouveau gouvernement se heurte à des considérations diverses et à des obstacles variés, que toute la bonne volonté du Premier ministre Omar Karamé n’arrive pas encore à aplanir. Car c’est bien de « bonne volonté »...