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Actualités - CHRONOLOGIE

Le député de Jbeil affirme avoir reçu des avertissements avant l’attentat qui a visé Marwan Hamadé Farès Souhaid démonte le « système de colonisation syrienne au Liban » (photo)

Détermination. Pugnacité. Franc-parler. Profondeur dans les idées et dans le discours politique. Cette alliance de qualités, entre mille autres, représente le député de Jbeil Farès Souhaid. Même aux heures les moins faciles. Même dans les moments où il avoue que lui et certains de ses compagnons dans l’opposition ont reçu de « bons conseils » de la part de go-between les invitant à « prendre garde », et ce « quelques jours seulement avant l’attentat qui a visé Marwan Hamadé ». Farès Souhaid n’est nullement déstabilisé par la phase de turbulences que le pays traverse actuellement, pris dans l’étau d’un bras de fer entre la Syrie et la communauté internationale. Il n’hésite pas à plaisanter, se faisant du mauvais sang en se demandant ironiquement ce qu’il fera « quand on lui gèlera les avoirs (évidemment fictifs) qu’il a aux États-Unis ». Malgré la situation, son message n’en est que plus limpide : ce qu’il entend faire, par le biais de cet entretien à L’Orient-Le Jour, c’est « déconstruire le système mis en place par la colonisation syrienne » et démonter l’argumentation de Damas selon laquelle les Libanais sont une horde de tribus incapables de s’entendre et de gouverner le pays seuls, sans tutelle. « Comme il y a eu un processus de colonisation syrienne depuis trente ans, il faut aujourd’hui que l’opposition pense aux moyens de décoloniser le Liban. La Syrie n’a pas usé uniquement des instruments sécuritaires pour gouverner le pays – les services, la répression ou la mainmise sur les médias et les partis. Elle a également mis en place un cycle de corruption impliquant une partie de la classe politique libanaise et syrienne, dans lequel est incorporée une partie de la société libanaise. Et le citoyen libanais, qui a perdu le courage de briser ce cycle, rêve désormais d’y adhérer. Les piliers de ce cycle ne sont pas seulement représentés par la classe politique libanaise, mais aussi par les secteurs bancaire, touristique, les grands centres hospitaliers, quelques universités, le secteur de construction de routes, l’importation de l’essence, le cellulaire », affirme Farès Souhaid. Partant, dit-il, Damas peut compter sur une partie de la société libanaise lors des échéances électorales. Et la logique de la corruption défendue par certains se confond, note-t-il, avec la logique communautaire : « Puisqu’il y a des personnalités musulmanes qui volent pour leur communauté, il faut aussi que les chrétiens entrent dans ce cycle de corruption et volent pour redistribuer à leur communauté ». Ainsi, chacune des communautés légitime-t-elle l’autre au sein de ce cycle. L’explication de ce phénomène est simple, analyse-t-il : « Pendant la guerre, la société libanaise a perdu ses points de repères moraux. L’élite libanaise, musulmane ou chrétienne, avait quitté le pays dans sa majorité. Les gens qui sont restés ont bénéficié de l’assistance des milices. Une fois que les chefs de milice sont passés de la rue à l’État, ils ont assuré à nouveau leur assistance par l’intermédiaire d’une caisse commune, celle de l’État. » Pour le député, « la première action à entreprendre pour décoloniser est de briser ce cycle de corruption, à l’aide de techniciens, en désactivant ses intérêts, ce que seul un État de droit peut faire ». Le discours communautaire du pouvoir Mais cette action en soi ne suffit pas. Il faut ensuite : – rétablir les liens entre les communautés, non seulement sur l’idée du vouloir-vivre en commun, mais en créant des secteurs productifs communs ; – prendre conscience du fait que le système consensuel et pluraliste libanais – qui donne des droits aux individus et des garanties aux communautés – représente une « expérience pilote ». Le député évoque dans ce cadre les problèmes auxquels fait face le système laïque partout dans le monde. « Reste le problème sécuritaire. Les Syriens agitent cette menace contre la société libanaise, pour prétendre que seule la présence syrienne représente un frein inhibiteur à la reprise des combats entre Palestiniens, chrétiens, etc. C’est une thèse défendue par Sleiman Frangié, Élie Ferzli, Karim Pakradouni, Émile Lahoud. Ce qui est surprenant, c’est que c’était la théorie du Front libanais de 1976. Or les courants qui faisaient partie de ce front sont aujourd’hui à Kornet Chehwane et parlent de convivialité, d’ouverture à l’islam, de possibilité de gérer le pays sans la présence syrienne. Quant aux gens du pouvoir, sous couvert de protection de la communauté chrétienne, sont en train de prôner une alliance stratégique entre les chrétiens maronites et le pouvoir syrien », relève M. Souhaid. Avant de rappeler que l’OLP, depuis 1994, avait réclamé le désarmement des camps, et qu’à l’époque, « le gouvernement et l’armée avaient refusé ». Et pour cause : les camps devaient servir « d’épouvantail » pour les Libanais et de justificatif aux Syriens pour réclamer à la communauté internationale leur maintien au Liban. La même logique vaut pour le problème islamiste « hypertrophié, une épée de Damoclès remarquablement manipulée par le pouvoir et les Syriens, qui vendent les chrétiens à la Syrie et les musulmans aux États-Unis ». « Mais les Libanais ont tiré les leçons de la guerre. Après cette expérience de trente ans de colonisation syrienne, ils sont conscients qu’ils peuvent gérer eux-mêmes leurs propres affaires, à condition qu’on les laisse seuls », souligne-t-il. L’attentat contre Hamadé C’est avec la même minutie que Farès Souhaid dénonce les arguments, fondés sur l’attentat qui a visé Marwan Hamadé ou les incidents de Majdel Anjar, selon lesquels la sécurité libanaise est précaire. « Cette précarité émane d’une volonté de déstabilisation de la part du pouvoir en place et de la Syrie. Le régime syrien et le pouvoir libanais, Émile Lahoud compris, ne peuvent vivre dans l’illégalité internationale après la 1559 sans opérer une déstabilisation sécuritaire de facto. C’est pourquoi j’incrimine directement, sans avoir aucune information, les services de renseignements syriens et libanais dans l’attentat contre Marwan Hamadé et d’avoir traité le problème du détenu Ismaïl Khatib de manière à exciter cet élan islamiste à Majdel Anjar », dit-il. « Techniquement », ajoute-t-il, il faudrait s’attendre à plus de déstabilisation. « Mais le régime syrien n’a pas le courage d’entrer dans une confrontation avec la communauté internationale à l’instar de Saddam Hussein. Il va finir par plier. À ce moment-là, il va y avoir une réaction en chaîne dans les compromis que les Syriens vont présenter à la communauté internationale. Seul un accord libano-syrien peut garantir à la Syrie une force d’appui qui s’appelle le Liban pour pouvoir affronter le problème du conflit israélo-palestinien, d’une part, et le problème de la pression de la communauté internationale, d’autre part. Les Syriens ont dénigré le Liban. Ils ont cru que les Libanais n’étaient que des corrompus et des petites gens qui ne pensaient qu’à faire de l’argent facilement, en échange d’un abandon de souveraineté », ajoute-t-il. « Le régime syrien, qui est en train de faire des patrouilles de surveillance mixte avec les Américains à la frontière irakienne, n’est pas un régime de confrontation. C’est un régime qui est faible devant les forts et fort devant les faibles », souligne Farès Souhaid. Farès Souhaid ne masque pas sa déception à la suite du discours du président Bachar el-Assad. « Assad père a établi une mainmise syrienne sur le pays, et il a quand même gagné l’appui de la communauté internationale. Assad fils, en quatre ans, a raté une occasion de réconciliation avec les Libanais, a essayé de garder sa mainmise sur le Liban au moment où une opposition islamo-chrétienne émergeait, et a perdu l’amitié de la communauté internationale », dit-il. Il regrette aussi l’évocation du discours de la guerre par Assad. « Il faudrait l’inviter à faire partie d’un groupe de réflexion avec des Libanais qui ont fait la guerre, qui en ont payé le prix et qui en sont revenus », se contente-t-il de dire. Et de conclure sur un message d’espoir : « Un Liban pluraliste, souverain et indépendant est un facteur de stabilisation régional après l’effritement du Baas irakien et le 11 septembre. Les Syriens, eux, essayent de dire qu’il est un facteur de déstabilisation internationale et que seul Damas peut maintenir la stabilité. La 1559 a donné aux Libanais une matière juridique internationale pour qu’ils assument leur revendication historique, celle de prendre les rênes du pouvoir dans leur pays. Mais j’espère quand même que les Syriens pourront opérer une mutation vers la Syrie moderne, tout comme j’espère toujours une réconciliation historique entre la Syrie et le Liban, pour combler le fossé qui existe entre les deux pays depuis 1943 et qui n’a fait que s’accentuer au cours des quatorze dernières années. » Michel HAJJI GEORGIOU

Détermination. Pugnacité. Franc-parler. Profondeur dans les idées et dans le discours politique. Cette alliance de qualités, entre mille autres, représente le député de Jbeil Farès Souhaid. Même aux heures les moins faciles. Même dans les moments où il avoue que lui et certains de ses compagnons dans l’opposition ont reçu de « bons conseils » de la part de go-between...