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Actualités - OPINION

Les « lahoudistes » n’entendent pas laisser Hariri façonner le cabinet à sa guise

Les cheminots loyalistes enfournent à tour de bras du charbon dans la chaudière, pour faire arriver le train gouvernemental en gare le plus vite possible afin de contrer les visées dilatoires de l’opposition, qui mise sur une démonstration probante d’incapacité, de blocage, du système qu’elle récuse. Dès lors les proches du régime soutiennent que dans les tout prochains jours, peut-être même dans les heures qui viennent, on devrait être fixé sur le volume, la composition du prochain cabinet, ainsi que sur la répartition des portefeuilles. Un effort de célérité qu’entravent, à dire vrai, d’innombrables considérations de fond ou de forme. Dont les conditions posées par les partis sollicités ou par les ministrables. Autre difficulté de taille : le camp proche de Baabda ne veut pas d’une solution de facilité fifty-fifty. Comme la mise sur pied d’une équipe de nature purement transitoire, à caractère essentiellement technocratique. Une passerelle entre le mandat initial et le mandat prorogé, en attendant que se dégonflent les pressions extérieures sur la Syrie et sur le Liban. Et que l’on puisse envisager de former un gouvernement d’union nationale. Cette formule, les lahoudistes radicaux la rejettent, en réclamant un « vrai » gouvernement. Nuançant l’empressement que ses fidèles manifestent, le chef de l’État estime pour sa part qu’il faut quand même laisser au président Hariri assez de temps. Pour composer un gouvernement politique élargi englobant les partis et suffisamment fort pour faire face à la délicate situation présente. Cependant, le président Lahoud a précisé lundi, à l’adresse du président du Conseil, qu’il faut trancher rapidement. Ils se sont, du reste, déjà entendus sur le volume du cabinet. Mais des questions essentielles, comme la participation des partis, demeurent en suspens. Il semble que le président Hariri doive donner son avis, sur ce point, dans les 48 heures. Au cas où il se récuserait, la tendance serait à désigner Omar Karamé. Divergence fondamentale Une probabilité que conforte ce constat de base : sur le fond, les présidents Lahoud et Hariri sont loin d’être d’accord. Ils n’ont pas les mêmes vues en ce qui concerne le rôle du prochain gouvernement. – Le chef de l’État pense qu’un cabinet politique élargi, composé de parties qui ont approuvé la prorogation, ferait l’affaire. Maintenant que l’opposition, par son refus de la main tendue, a fait capoter le projet de cabinet d’union nationale proprement dit. Le président Lahoud insiste sur la nature politique de la formation, par nécessité d’une couverture dans ce domaine face aux défis de l’heure. Et pour montrer au-dehors que la majorité des composantes politiques du pays se tient à ses côtés. Démentant de la sorte l’opposition qui affirme que le pouvoir ne bénéficie pas d’un soutien politique assez prononcé. Et abondant dans le sens du discours de confrontation développé récemment par le président Assad de Syrie. – Le président Hariri part, de son côté, d’une tout autre optique. Il estime qu’il faut une équipe de travail effective, spécialisée, compétente. Donc que la présence des partis n’est pas nécessaire. Qu’il faut une formation condensée, de 18 ministres au plus, technocrates en majorité, avec quelques politiques non partisans. Un gouvernement qui lutte contre les vrais problèmes qui préoccupent la population. Sans constituer un défi politique pour quiconque, à l’extérieur. Et sans diviser encore plus le pays. Une marche, une étape, vers la mise en place ultérieure d’un gouvernement d’entente nationale, après assainissement du climat intérieur. Globalement, le différend se résume ainsi : lahoudistes et haririens se soupçonnent réciproquement de vouloir contrôler le Conseil des ministres en gestation. Les premiers pensent que Hariri ne devrait pas rêver d’avoir un gouvernement à sa solde, comme récompense pour sa soumission à l’amendement. Et les deuxièmes estiment que le régime a déjà reçu assez avec la prorogation. Le poids des pressions Les noms aussi prêtent à tiraillements. Et encore plus, évidemment, l’attribution des portefeuilles majeurs. Ou encore la représentation des régions. Les veto ou les conditions extrêmes pleuvent de partout. Tandis que les chefs disputent encore sur le fond, derrière, sans attendre les résultats, on se bat déjà sur les formes. Retour à la charnière Hariri. Le président du Conseil s’efforce (désespérément) de convaincre le président Lahoud, mais aussi le président Berry, de la justesse de ses vues. Il insiste : faute d’un cabinet d’union nationale, il faut un cabinet qui soit une planche de salut, un matelas amortissant les chutes dans cette phase dangereuse. Il propose donc une équipe dite techno-politique bénéficiant d’un large préjugé favorable de la part de la population, ce qui impressionnerait positivement les parties extérieures qui exercent de si fortes pressions sur Beyrouth comme sur Damas. Des pressions que Washington et Paris sont d’ailleurs en train d’intensifier. Comme l’illustre la motion adressée par deux parlementaires américains à la Maison-Blanche réclamant le gel des avoirs aux USA d’officiels libanais coopérant avec la Syrie. Le président Hariri ne pense pas qu’il soit raisonnable, dans les conditions de guerre contre le terrorisme international marquant la politique étrangère de l’Occident, d’adopter une attitude de confrontation envers les USA et la France. Autrement dit, il est convaincu qu’ils sont résolus à aller très loin, jusqu’au bout, pour obtenir gain de cause. Il juge utile donc de traiter les frictions le plus calmement possible, par les voies diplomatiques et l’ouverture. Pour les lahoudistes, il faut certes tenter de coopérer avec Hariri. Mais cela ne signifie pas qu’on doit le laisser former un gouvernement à sa guise. Libre à lui de se récuser, s’il ne parvient pas à composer un gouvernement acceptable. Sur cette perspective, les haririens indiquent que leur chef ne passerait pas ensuite à l’opposition, comme il avait menacé de le faire en été. Il ne rejoindrait donc pas Kornet Chehwane et Joumblatt, mais resterait indépendant, équidistant de tous et constructif. Enfin, les prosyriens, de leur côté, affirment que Damas ne se mêlera pas de la question du gouvernement libanais, pour ne pas donner prise aux critiques de l’Occident. Mais ils ajoutent que par leurs conseils, les Syriens tenteront d’aider à aplanir les difficultés, s’il s’en présente. Philippe ABI-AKL
Les cheminots loyalistes enfournent à tour de bras du charbon dans la chaudière, pour faire arriver le train gouvernemental en gare le plus vite possible afin de contrer les visées dilatoires de l’opposition, qui mise sur une démonstration probante d’incapacité, de blocage, du système qu’elle récuse. Dès lors les proches du régime soutiennent que dans les tout prochains...