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Actualités - OPINION

Re-redéploiements...

Quelle trouvaille, tout de même, que ce terme de « redéploiement » consacré par l’accord de Taëf et désignant la subtile manœuvre qui consiste à retirer des unités militaires de certaines positions pour leur en assigner d’autres un peu plus loin : sans évidemment que ces mouvements impliquent nécessairement un rapatriement de ces troupes. Voilà qui revient à ne retirer ses billes d’une poche que pour mieux les enfourner dans l’autre. Jusqu’à nouvel ordre, c’est cette même impression de déjà-vu, pour ne pas dire de tour de passe-passe, que laisse l’opération syrienne entamée hier matin et qui n’affecte d’ailleurs qu’une modeste partie des effectifs présents sur notre sol depuis déjà 28 ans. À l’évidence, il ne s’agit là que d’un geste d’apaisement adressé à la communauté internationale, et en premier lieu à l’Amérique, et qui ne saurait raisonnablement convaincre que s’il est suivi d’une série de mesures plus concrètes. Fait significatif, c’est l’ambassadeur syrien à Washington Imad Moustapha qui, le premier, a fait l’annonce de ce mouvement qu’il a qualifié de « majeur ». Et tout en expliquant que la situation au Liban inspire davantage confiance, le diplomate s’est réjoui d’une décision propre selon lui à satisfaire toutes les parties. Ce clin d’œil appuyé à l’Oncle Sam ne sera pas trop apprécié en revanche par les autorités de Beyrouth, dont on peut même se demander si elles ont été prévenues à l’avance du timing précis de ce redéploiement. Il a l’air fin en tout cas, le pouvoir local, qui, pour contrer la résolution 1559, se propose de vendre à l’Assemblée générale des Nations unies l’invendable fiction d’un Liban effectivement maître de sa décision : et seul habilité donc à traiter avec Damas de la présence sur son territoire de l’armée syrienne. Faudra-t-il donc remercier la Syrie d’avoir elle-même fait un sort à ce genre de balivernes en quêtant de manière aussi voyante la tolérance, la bienveillance de Washington ? En viendra-t-on à se féliciter du scandale de la reconduction manu militari du mandat Lahoud, qui, tout en rameutant la planète sur les agissements de Damas, a suscité une salutaire prise de conscience interne et sécrété pour la première fois un large, un sérieux et crédible mouvement d’opposition multiconfessionnelle ? Est-ce en harcelant ses partisans à coups de rafles et perquisitions que le pouvoir espère réduire un Walid Joumblatt, dont la stature, de par son attachement forcené aux libertés publiques et son courageux refus des ingérences syriennes, dépasse de très loin aujourd’hui celle d’un chef traditionnel druze ? Et comment un comportement aussi mesquinement vindicatif peut-il donner quelque consistance aux bonnes résolutions prêtées au régime, au changement des mentalités, auquel il appelle lui-même ? À quand enfin d’autres Joumblatt, qui, sans remettre en cause leurs principes arabes et leurs choix stratégiques, rejettent le prétexte sécuritaire brandi pour justifier le règne des Moukhabarate, comme le souligne le manifeste publié hier par son bloc parlementaire ? S’agissant d’une classe politique libanaise aussi versatile que veule et dont une bonne partie s’est accommodée tour à tour et sans transition, sans trop d’états d’âme, de l’ordre israélien comme de l’hégémonie syrienne, c’est l’éternelle histoire de la poule et de l’œuf. Faut-il bouger sur place pour appeler les vents favorables ? Faut-il plutôt attendre que le vent ait franchement tourné pour se risquer à mettre le nez dehors ? Walid Joumblatt, ses compagnons et ses alliés de Kornet Chehwane, du Forum et de la Gauche démocratique ont choisi, eux, de bouger. Ils ont opté pour l’œuf. Aux autres, la poule. Mouillée, comme de bien entendu. Issa GORAIEB
Quelle trouvaille, tout de même, que ce terme de « redéploiement » consacré par l’accord de Taëf et désignant la subtile manœuvre qui consiste à retirer des unités militaires de certaines positions pour leur en assigner d’autres un peu plus loin : sans évidemment que ces mouvements impliquent nécessairement un rapatriement de ces troupes. Voilà qui revient à ne...