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Actualités - OPINION

Gel des dossiers litigieux « pour supplément d’étude » Les règles de la nouvelle cohabitation Lahoud-Hariri baignent toujours dans le flou

Les professionnels, qui misaient sur la séance du Conseil des ministres pour savoir sur quel pied danser désormais, comment se comporter avec les présidents, ont dû déchanter. Car la rencontre n’a pas permis de dégager les contours, les règles de la nouvelle cohabitation. L’on a en effet contourné le problème en gardant soigneusement au frigo (canicule oblige) les dossiers litigieux. Qui par le passé ont donné lieu à tant d’empoignades homériques entre lahoudistes et haririens, quand ce n’était pas entre les deux présidents eux-mêmes. C’est le chef de l’État qui a demandé le gel des dossiers pour supplément d’étude. Il n’est donc pas déraisonnable que le régime, évidemment surchargé d’obligations ces jours-ci, n’a pas encore eu le temps de réfléchir à la question récurrent de la régulation des relations interprésidentielles. Autrement dit, que le président Lahoud n’a pas encore décidé du cadre de ses rapports avec le président Hariri. Sans quoi, il aurait sans doute tenu avec ce dernier une séance de mise au point. Pour une entente sur les principes ou les mécanismes à suivre durant le mandat prorogé. Étant sous-entendu que Hariri serait lui aussi prorogé et désigné pour former le prochain gouvernement. Si l’on ne garde pas l’actuel, en le replâtrant, jusqu’aux législatives. Mais, comme l’observe un ministre, le climat reste lourd, tendu au sein du pouvoir exécutif. Hariri, forcé de s’incliner, n’en pense pas moins et le fait sentir. Par exemple, en resserrant ostensiblement ses liens avec Joumblatt, pour diabolisé que soit ce dernier aux yeux des lahoudistes ou même des prosyriens. Cependant, personne ne veut faire sauter le couvercle de la marmite, ajoute ce ministre. Qui indique que les tiraillements restent feutrés, sans les éruptions épisodiques de jadis. En réalité, Hariri fuit une escalade qui lui semble inutile. Peut-être parce qu’on lui a fait comprendre qu’il ne lui est pas possible de démissionner ou de passer à l’opposition, comme il l’avait annoncé au cours de l’été. Car ce serait se ranger aux côtés non seulement des contempteurs du régime, mais également des adversaires des décideurs. Les deux éléments se confondant désormais à cause de la bataille cruciale de l’amendement. Autrement dit, désormais, qui n’est pas avec Baabda est considéré comme étant contre Damas. Cela étant, il n’est pas exclu que Hariri soit effectivement convaincu lui-même qu’avec le changement de données, il serait mauvais de lâcher la barre. Et qu’il vaut mieux attendre et voir. Le rapport d’Annan ou d’autres développements. Quoi qu’il en soit, selon le témoignage d’un ministre lahoudiste, la séance du Conseil des ministres se résume, politiquement, à un accord tacite de désengagement, de non-agression. Sans plus. Sans qu’on se mette d’accord sur un système de règlement des litiges. Mais, à en croire cette source, Hariri aurait tenté de faire un peu de provoc. À travers le choix des sujets qu’il a portés à l’ordre du jour, et dont certains restent brûlants. Pour voir comme le président allait réagir. Et pour donner un coup de sonde au sujet des assertions loyalistes sur un large changement de cap, comme de méthode, sous le nouveau mandat. Bien plus puissant que le premier, assurent les lahoudistes. Ces derniers recommencent leurs critiques : à leur avis, au lieu d’inscrire des questions notoirement conflictuelles à l’ordre du jour, le président du Conseil aurait dû en parler d’abord avec le chef de l’État. Pour tenter de trouver des solutions médianes à l’amiable. Et, en cas d’impasse, pour se résigner à laisser de côté ces problèmes, en les confiant éventuellement à l’arbitrage de commissions mixtes. Manque de confiance en soi ? Mais cette approche laisse percer un doute, assez étonnant, sur les capacités du pouvoir. En effet, a priori, surtout après la démission des quatre ministres, le camp du régime devrait insister lui-même sur la nécessité de ne rien geler, pour ne pas paralyser l’État. De faire donc travailler le Conseil des ministres. Pour s’en remettre, en cas de différend, à la procédure constitutionnelle de vote. Ce n’est pas ce que les lahoudistes semblent souhaiter. Pourquoi ? D’après un opposant, peut-être parce qu’« on » leur a fait comprendre que la prorogation n’abolit pas la règle d’un pouvoir partagé (ou copartagé), consensuel. Qu’elle ne signifie pas qu’ils prennent tout seuls en main les rênes de la République. Car s’il en était ainsi, si une seule partie devait être en charge, il n’y aurait plus moyen pour les décideurs de diviser pour régner, estime cet opposant. Toujours est-il que tout est reporté. Certains ministres indépendants pensent que le président Hariri a tenté, à travers l’ordre du jour qu’il a retenu, de mettre le chef de l’État dans l’embarras. En renforçant les arguments dont il pourrait user lui-même, éventuellement, pour justifier son retrait du pouvoir. Il dirait en effet qu’on ne laisse pas le gouvernement travailler puisqu’on refuse de discuter des projets proposés. Cette interprétation semble toutefois un peu trop subtile puisque, répétons-le, Hariri a choisi de ne pas se mettre hors jeu, de ne pas passer à l’opposition. En revanche, le blocage constaté hier peut renforcer les atouts de Hariri auprès des décideurs. Il leur ferait valoir, en effet, que malgré les promesses redondantes faites à l’orée du nouveau mandat, rien n’a changé au fond, surtout pas la mentalité obstructionniste du régime. Mais des sources ministérielles informées soulignent que le temps n’est pas aux petites tactiques. Que le principal avantage que Hariri, qui rencontrerait sous peu le président Assad, pourrait faire valoir reste le rôle d’homme de l’apaisement qu’il joue actuellement. On sait en effet que lors de son entretien dominical avec Joumblatt, il a conseillé à ce dernier de calmer le jeu. Quant au sort du cabinet, Hariri évite de donner des indications. Interrogé hier par le ministre de l’Agriculture Ali Hassan Khalil si c’était la dernière séance, il a répondu par un « on verra bien » évasif. Des sources généralement bien informées croient cependant savoir qu’il présentera sa démission le 2 octobre. Un détail encore à signaler : selon Berry, les Syriens également veulent calmer le jeu sur la scène intérieure. Ils laissent entendre qu’ils ne soutiennent pas les campagnes dirigées contre Joumblatt. Et du côté du régime, on laisse entendre la même chose. Philippe ABI-AKL
Les professionnels, qui misaient sur la séance du Conseil des ministres pour savoir sur quel pied danser désormais, comment se comporter avec les présidents, ont dû déchanter. Car la rencontre n’a pas permis de dégager les contours, les règles de la nouvelle cohabitation. L’on a en effet contourné le problème en gardant soigneusement au frigo (canicule oblige) les dossiers...