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Actualités - CHRONOLOGIE

Les funérailles de Gibrane Badine, Karim Khoury et Évelyne Abou Dib ont eu lieu hier L’assassinat des trois Libanais en Irak, un acte crapuleux

Gibrane Badine, 55 ans, Karim Khoury, 37 ans, et son épouse Évelyne Abou Dib, 29 ans, abattus par balles dans leur villa de Bagdad vendredi dernier, ont été enterrés hier au Liban. L’unique témoin libanais du crime, Chukri Nmeir, qui a échappé par miracle à la fusillade, est arrivé samedi au Liban, racontant les détails du drame. L’affaire est une histoire d’enlèvement qui a mal tourné, car les hommes armés s’en étaient pris avant tout à Karim Khoury, PDG d’une entreprise agroalimentaire, afin de le kidnapper et d’exiger ensuite une rançon pour sa libération. Il était 6 heures du matin, le vendredi 10 septembre à Bagdad, quand des inconnus en tenue militaire ont frappé à la porte de la villa, située dans le quartier des ambassades dans la capitale irakienne. C’est dans ce bâtiment que logent les quatre Libanais Karim Khoury et son épouse Évelyne Abou Dib, Gibrane Badine et Chukri Nmeir. Les trois hommes travaillent dans une entreprise agroalimentaire au financement libanais, irakien et saoudien. L’homme d’affaire libanais, Sami Khoury, frère aîné de Karim et ami de longue date de Gibrane Badine, est l’un des plus gros investisseurs de cette compagnie. Chukri Nmeir, installé au Canada, avait été invité par son ami Gibrane à quitter l’Amérique pour l’Irak ; le pays était en pleine expansion et l’entreprise rentable. Nmeir, seul survivant, raconte les détails du drame à L’Orient-Le Jour. Pour s’assurer plus de sécurité, les quatre Libanais, selon lui, avaient transformé la villa de deux étages. Le premier niveau abritait les bureaux de l’entreprise et le deuxième avait été consacré à l’habitat. De telles précautions les aidaient à réduire leurs déplacements. Des gardes irakiens montaient la garde 24 heures sur 24 devant l’immeuble. De plus, le couple Khoury ainsi que Badine et Nmeir avient pris l’habitude de ne pas sortir après 21 heures. Les trois hommes ne se sont jamais réellement sentis en danger en Irak. Leur entreprise employait 50 Irakiens et ne traitait pas avec les Américains. Il y a de cela deux mois, des miliciens irakiens s’étaient emparés, à Falloujah, de camions appartenant à l’entreprise. Ils ont vite fait de les remettre à leurs propriétaires libanais, qui ont très bonne réputation auprès des Irakiens. Vendredi dernier à 6 heures donc, le PDG de l’entreprise, Karim Khoury, et son épouse Évelyne se préparent à se rendre à Souleimaniya, dans le nord de l’Irak. Ils attendent l’arrivée de leur chauffeur irakien. Dehors, quatre voitures stationnent devant la villa. Deux ont l’air d’appartenir à la police irakienne. Une dizaine hommes armés, certains en civil et d’autres en habit militaire, frappent à la porte. Croyant qu’il avait affaire à la police irakienne, le gardien leur permet d’accéder au bâtiment. Toujours selon Nmeir, les miliciens font irruption dans la villa, obligent les quatre Libanais qui étaient au deuxième étage à descendre au premier, dans les locaux qui abritent les bureaux de l’entreprise. Ils entourent Karim Khoury et obligent les trois autres Libanais – dont Nmeir – avec le gardien irakien de la villa à s’étendre sur le ventre dans une petite pièce. Quand ils sortent du bâtiment avec le PDG de l’entreprise, les miliciens sont surpris de voir arriver le chauffeur de ce dernier. Ne voulant pas de témoins de l’acte crapuleux qu’ils s’apprêtaient à commettre – un enlèvement pour une rançon –, ils tirent sur le chauffeur, le blessant gravement, et abattent Khoury, à l’entrée du bâtiment. À l’intérieur de la villa, Gibrane Badine, Évelyne Abou Dib, Chukri Nmeir et le garde irakien entendent les coups de feu. Les miliciens font à nouveau irruption dans le bâtiment, ils entrent dans le petit bureau où les Libanais sont toujours recroquevillés sur eux-mêmes. Ils les mitraillent. Évelyne Abou Dib et Gibrane Badine sont tués sur-le-champ. Chukri Nmeir, qui avait placé son bras autour de sa tête, est atteint à la main. Il fait le mort, attend la fin de la fusillade et le départ des assassins, qui ont volé, avant de partir, plusieurs ordinateurs portables et quelques téléphones cellulaires mais qui ne sont pas parvenus à ouvrir le coffre-fort. Nmeir est le seul rescapé. Quelques heures plus tard, il rejoint la frontière irako-syrienne pour regagner le Liban. Dans la matinée de samedi, il était dans l’appartement de Gibrane Badine à Hazmieh, le bras bandé, toujours en état de choc. Le rapatriement des dépouilles mortelles Les corps des trois victimes libanaises ont été rapatriés hier par voie terrestre via la Syrie. C’est à huit heures hier matin que les dépouilles mortelles sont arrivées au poste frontalier de Masnaa, pour être transportées ensuite, par des ambulances de la Croix-Rouge, à l’hôpital américain de Beyrouth. Contrairement à l’habitude – comme c’était le cas des dépouilles mortelles des Libanais ayant péri à Ryad et à Cotonou –, aucune cérémonie officielle n’a été prévue au poste frontalier de Masnaa. L’enterrement des trois victimes a eu lieu cependant en présence de plusieurs officiels et d’un représentant du chef de l’État, Émile Lahoud. Les obsèques de Karim et Évelyne Khoury ont eu lieu hier en l’église Notre-Dame de la Dormition des grecs-orthodoxes, à Ras Beyrouth, à 13 heures, en présence de M. Élie Assaf, représentant le chef de l’État. Celles de Gibrane Badine ont eu lieu dans son village de Kfarchima, en l’église Saint-Antoine des grecs-catholiques, hier à 17 heures. M. Rafic Chélala, responsable de la presse au palais de Baada, représentait le président de la République. L’ambassadeur Moustapha Moustapha a représenté le ministre des Affaires étrangères Jean Obeid lors des deux offices religieux. Samedi, M. Obeid avait contacté les familles des victimes pour leur présenter ses condoléances. Il a également condamné « les enlèvements et les assassinats perpétrés par certains groupes armés irakiens, qui ne font pas la différence entre les amis et les ennemis ». L’assassinat de Gibrane Badine, Karim Khoury et Évelyne Abou Dib a été également au centre de l’homélie du patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, lors de la messe qu’il a célébrée hier à Dimane. Mgr Sfeir a condamné l’assassinat, soulignant que « tout comme d’autres étrangers qui se trouvent en Irak, ces trois Libanais ont pris des risques pour pouvoir s’assurer un travail ». « Que Dieu nous préserve de la guerre », a-t-il conclu. Patricia KHODER
Gibrane Badine, 55 ans, Karim Khoury, 37 ans, et son épouse Évelyne Abou Dib, 29 ans, abattus par balles dans leur villa de Bagdad vendredi dernier, ont été enterrés hier au Liban. L’unique témoin libanais du crime, Chukri Nmeir, qui a échappé par miracle à la fusillade, est arrivé samedi au Liban, racontant les détails du drame. L’affaire est une histoire...