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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE - Le contrat de confiance

Onzième semaine de 2004. Sept jours qui ont (re)donné au mot gâchis toute sa triste splendeur, son bien inutile panache. Malgré sa présence en Afrique où il a eu l’audace de réclamer une ambassade au Sénégal à l’heure où la représentation libanaise à l’étranger agonise ou resplendit d’inutilité – où sont, par exemple, les attachés commerciaux réclamés cette semaine par les industriels ? –, Nabih Berry a continué de défrayer la chronique. Par le biais de la guerre à outrance qu’il livre au Front national pour la réforme, par son refus catégorique d’organiser des séances de politique générale. Revenu tout guilleret de Damas, rassénéré par le coup de jeune qu’il est en train d’imposer à son mouvement, le n° 2 de l’État se sent pousser des ailes. Le trop-plein de méfiance entre la majorité des députés et leur chef est effectivement un sacré gâchis. Les querelles et autres accusations par médias interposés entre Baabda et Koraytem (Sannine n’a été qu’un exemple parmi tant d’autres cette semaine) continuent de rythmer le quotidien des Libanais. Quand les uns disent noir, les autres imposent le blanc, et vice versa ; quand les uns font tout pour prouver que sans eux c’est la stabilité zéro, l’insécurité totale, la transformation du Liban en porcelaine de Chine, les autres font tout pour montrer que sans eux, c’est la dévaluation de la livre, l’écroulement de l’économie et des finances, l’arrêt de tout investissement. Le trop-plein de méfiance entre les deux pôles de l’Exécutif est sans aucun doute un immense gâchis. Les incidents de ces deux derniers jours entre les étudiants – le seul avenir du pays et son principal capital tant qu’ils ne sont ni manipulés ni infiltrés par des petits vandales de troisième zone – et les forces de l’ordre ont certes prouvé une nouvelle fois la rapidité et la capacité du pouvoir à bafouer les principes élémentaires de la démocratie, de l’État de droit, des libertés fondamentales, ainsi que sa propension à utiliser l’armée libanaise là où elle est le moins utile : contre les jeunes Libanais. Alors qu’elle est indispensable au Liban-Sud, contre les resquilleurs à Jnah ou ailleurs, etc. Les incidents de ces deux derniers jours ont braqué les projecteurs sur ce malheureux, endémique et tout aussi inadmissible trop-plein de méfiance entre les étudiants et leur État, entre eux et leurs compatriotes chargés de les protéger, d’assurer le respect du droit. Sans parler de cette incompréhensible et stupide méfiance entre les jeunes militants des différents partis de l’opposition. Lesquels militants devraient vite s’inspirer de la cohésion entre universitaires, très joliment exprimée par le communiqué des étudiants de l’AUB, solidaires de leurs camarades de l’USJ. Quoi qu’il en soit, le gâchis est énorme : quand donc le pouvoir comprendra-t-il que plus il opprime, plus il oppresse, plus il interdit et plus il bafoue, plus il donne de l’importance à ce qui devrait être naturel, sacré, évident : le droit de manifester, pacifiquement. Onzième semaine de 2004. Élias Murr. Il a essayé tant bien que mal de réparer les fautes graves commises par les forces de l’ordre dont il est le ministre de tutelle (sauf qu’on aimerait bien les voir, ces éléments arrêtés, aussi nettement que les étudiants menottés ont été exhibés sur les écrans de télévision et dans la presse), mais il a surtout mis le doigt, cette semaine, sur quelque chose de très important. Indépendamment de la campagne présidentielle, le surprenant ministre de l’Intérieur a évoqué, volontairement ou pas, l’essence même de la démocratie, de ce sur quoi devrait se baser la République libanaise : l’alternance. Élias Murr a raison de remarquer ou de regretter – c’est son choix, son droit – que le chef de l’État ne passe que six ans au pouvoir alors que rien n’interdit au président de la Chambre et/ou au Premier ministre d’y passer vingt, trente ou quarante. Mais là où Élias Murr se trompe, c’est en souhaitant, en exigeant, un n° 1 de l’État à l’image du second et du troisième. « À occuper trop longtemps le même fauteuil, on finit par pourrir », avait dit, pince-sans-rire, le nécessaire Walid Joumblatt. La seule façon de limiter le(s) gâchis, de mettre un terme à toutes les méfiances, reste le sang neuf, cette urgente alternance pour les trois présidents et pour tous les autres. Que seule une loi électorale saine et juste peut garantir. Le voilà le véritable contrat capable de ramener la confiance entre l’État et les Libanais, entre Damas et Bkerké, entre les Libanais et les Libanais, entre Syriens et Libanais. Une loi électorale équitable pour tous, ultrareprésentative, et de laquelle naîtraient, naturellement, les changements les plus attendus, les plus espérés. Ziyad MAKHOUL

Onzième semaine de 2004.
Sept jours qui ont (re)donné au mot gâchis toute sa triste splendeur, son bien inutile panache.
Malgré sa présence en Afrique où il a eu l’audace de réclamer une ambassade au Sénégal à l’heure où la représentation libanaise à l’étranger agonise ou resplendit d’inutilité – où sont, par exemple, les attachés commerciaux réclamés...