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DISPARITION Zaki Nassif, un chantre authentique (photo)

Un géant de la composition musicale libanaise, doublé d’un immense pédagogue, vient de s’éteindre. Zaki Nassif est parti comme il a vécu, en toute simplicité et sur la pointe des pieds. Né dans une famille de notables de Machghara, il a toujours refusé les honneurs, les voyages et la jet-set pour vivre simplement et presque isolé. D’une modestie surprenante, ce grand musicien ne fréquentait que des gens simples, comme lui. Il aimait la compagnie des jeunes de son village avec qui il déjeunait souvent, devisant de tout et de rien. Figure touchante et authentique, Zaki Nassif a toujours été enraciné dans sa terre, redonnant au folklore libanais une nouvelle vigueur. Encore enfant, il aimait à écouter le chant du muezzin du village, Sid Selman. Ses airs ont été fredonnés par des générations entières et interprétés par une pléthore de chanteurs. Professeur au Conservatoire national de musique et doté d’une grande culture musicale, il a été fin pédagogue donnant des cours de chant à de grandes vedettes comme Wadih el-Safi et tant d’autres. Devenu une référence en la matière, il a fait partie du jury de Studio el-Fan, allant à la découverte de jeunes talents dont Ghassan Saliba, Magida el-Roumi et d’autres qu’il ne cessait d’encourager. Grand patriote aussi, Zaki Nassif a intensément vécu les différentes étapes de l’histoire du pays, s’engageant même au PPS. Ce qui ne l’empêchera pas de composer la fameuse chanson dédiée au général Aoun, Aounak jéyé min Allah (un jeu de mots pratiquement intraduisible, qui veut dire ton souffle de support vient de la providence). Son œuvre entière traduit son amour pour son pays. Une œuvre destinée à toutes les générations. Wadih el-Safi évoque son ami en pleurant : « Ce n’est pas un mot qu’on peut dire pour parler de Zaki, mais des mots. Des mots pour ce saint de l’art, écrivez, oui un saint de l’art. Un homme à la voix et au cœur purs. Il était discret, modeste, créatif et d’une grande moralité. Je ne pense pas que je respecte quelqu’un plus que lui. » May Arida, présidente du Festival de Baalbeck qui a connu, ô combien, Zaki Nassif, a été très secouée par la nouvelle de sa disparition : « Les plus belles chansons du folklore libanais ont été faites par lui. Incontestablement, insiste-t-elle. C’était tellement agréable de travailler avec lui. Il était si simple. J’aime beaucoup, beaucoup, tout ce qu’il a fait. » Dans les nombreux déplacements qu’il a dû faire en raison de la guerre, son premier souci était de sauver son piano. Élias Rahbani se souvient de Zaki Nassif au piano : « Dès l’âge de 6 ans, j’ai grandi sur les airs de Zaki Nassif, chantant et jouant du piano, dit-il. Il interprétait souvent la 7e valse de Chopin qu’il aimait beaucoup. Et lorsque j’étais à Radio Liban et qu’il venait avec son orchestre, je l’accompagnais au piano justement. Je me souviens de lui aussi à Baalbeck, avec Toufic el-Bacha, Assi et Mansour Rahbani. Ils se mettaient à deux au piano : Zaki et Toufic el-Bacha d’une part, puis Assi et Mansour. Ils exécutaient des variétés musicales. Et Zaki mettait toujours une ambiance libanaise authentique. Il a beaucoup donné au Liban. Tous ces grands, conclut Élias Rahbani, sont irremplaçables. » Georgette Gébara, qui a été avec lui dans les différents jurys de Studio el-Fan, raconte : «C’était un grand enfant au cœur super tendre. Mais à cause de cela, capable également d’éclats d’humeur aussi incontrôlables que rapidement oubliés. Il ne pouvait supporter de faire échouer un candidat. Et ses notes étaient toujours exagérement élevées, malgré toutes nos protestations. En cours de tournage, il chantait avec les concurrents, battait la mesure pour corriger l’orchestre, faisait de grands signes avec ses bras à Simon Asmar lorsqu’il voulait interrompre une prestation qui ne lui plaisait pas et, des fois, piquait un somme serein que nous nous gardions bien de perturber. Zaki Nassif était l’image même de l’innocence dans un monde artistique qui, de nos jours, devient de plus en plus pollué. Il nous laisse un répertoire inestimable ; la pièce la plus précieuse étant Rajih Lebnan qui, pendant la guerre, a fait pleurer tous les libanais, toutes appartenances confondues. » Walid Gholmieh, directeur du Conservatoire national de musique, rappelle que Zaki Nassif était membre du conseil d’administration de cette institution nationale libanaise. Par ailleurs, insiste-t-il, « il est le fondateur de l’École libanaise de musique. Il s’agit essentiellement de musique syriaque et byzantine qui sont la base de la musique arabe. Il était une référence en cela aussi. Et il n’a jamais dévié de cette voie. D’autre part, souligne Gholmieh, Nassif n’a jamais copié personne, ni l’Égypte, ni la Grèce, ni personne. Il avait sa propre personnalité. Sa musique est pure et diffère de toutes les autres. Il a été un compositeur authentique. Sa musique peut sembler simple et aisée, mais personne ne peut l’imiter ou la copier. On sent aussitôt le faux. Zaki Nassif a été une personnalité à part. Et, pour tout dire, la presse l’a souvent ignoré parce qu’il travaillait dans le silence. Mais plus le temps passe, plus sa musique se distingue de toutes les autres. C’est comme le bon vin… » Avec la disparition de Zaki Nassif, le Liban perd un véritable chantre du terroir. Maria CHAKHTOURA • Réactions officielles Réagissant à l’annonce du décès de Zaki Nassif, le chef de l’État a exprimé sa peine pour la disparition de ce grand artiste, mettant l’accent sur les qualités de cœur et professionnelles du disparu. Pour lui, l’œuvre du compositeur est un message de joie puisqu’elle est inspirée du Liban. « Zaki Nassif est désormais dans la mémoire collective», devait-il conclure. De son côté, de Doha où il se trouve, le chef du gouvernement est entré en contact avec la famille du défunt pour lui présenter ses condoléances. Réactions également de la part du Syndicat des artistes dont il est l’un des fondateurs, ainsi que de l’Association des compositeurs de musique qui ont, chacun de son côté, évoqué l’homme et son œuvre.

Un géant de la composition musicale libanaise, doublé d’un immense pédagogue, vient de s’éteindre. Zaki Nassif est parti comme il a vécu, en toute simplicité et sur la pointe des pieds.
Né dans une famille de notables de Machghara, il a toujours refusé les honneurs, les voyages et la jet-set pour vivre simplement et presque isolé. D’une modestie surprenante, ce...