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Actualités - OPINION

ÉCLaIRAGE - L’opposition plurielle face au plus grand des dangers : une éventuelle volonté de faire imploser Taëf

L’état des lieux après le vote, vendredi dernier, de l’amendement de l’article 49 et la reconduction pour trois ans du mandat Lahoud ; la façon dont les choses risquent d’évoluer, dans les quatre mois à venir ; les bâtons de dynamite que recèle, en lui, ce que Paris a qualifié de « défi à la communauté internationale » ; la succession des réactions, qu’elles soient locales ou internationales, tout cela ne laisse pas présager le moindre rose. Malgré les promesses décuplées et quotidiennes du locataire de Baabda. Pourquoi ? Parce que Taëf, qui boîte carrément déjà depuis des années, ne serait-ce qu’en raison de la présence quasi pérenne des forces syriennes et l’implantation chaque jour plus ferme de la tutelle politique, risque une prochaine et définitive implosion. Dans son esprit aussi bien que dans sa lettre. Misbah Ahdab a posé la bonne question, vendredi, dans l’hémicycle : comment se concrétisera, au cours du Lahoud II, le pouvoir exécutif ? Dans le Conseil des ministres réuni, comme le stipule sans ambiguïté la loi fondamentale ? Ou, a-t-il prévenu, dans un système présidentiel ? La prophétie du député tripolitain se pose avec plus d’acuité et d’urgence, maintenant que les ministres du bloc Joumblatt ont confirmé leur démission. Si le maître de Koraytem conserve le Sérail, après la fatidique date du 17 septembre, de quel poids politique pèsera-t-il désormais, maintenant que son allié de Moukhtara semble avoir définitivement admis la stérilité de la cohabitation Lahoud-Hariri ? Si la formule du prochain cabinet reste la même (trente portefeuilles), Rafic Hariri sait qu’il ne pourra disposer, en principe, que de cinq ou six ministres, et ce ratio sera le même, quel que soit le volume du gouvernement. Et même si Anjar lui a promis la présidence du Conseil, n’importe lequel des ministres pourrait paralyser, d’une manière ou d’une autre, la moindre des décisions de l’actuel chef du gouvernement. Sans compter que Kornet Chehwane a bien fait comprendre, en coulisses, mais aussi publiquement, par la voix de certains de ses pôles, qu’elle ne compte en aucun cas accepter un quelconque hochet ou autre lot ministériel de consolation. Idem pour le patriarche maronite, qui continue de fédérer, autour des idées et de la vision de l’Église maronite qu’il incarne, un nombre de plus en plus énorme de Libanais, toutes tendances communautaires confondues. Ainsi, c’est vers un système fondamentalement présidentiel, en contradiction totale avec la quintessence de l’accord de Taëf, que le Liban semble se diriger. Dans tous les cas : que le prochain cabinet soit formé d’une majorité de technocrates, censés cultiver l’indépendance politique – le concept est totalement obsolète, à une ou deux exceptions près –, ou qu’il regroupe les hommes de Nabih Berry, ceux du Hezbollah, des sunnites antihaririens, des arslanistes, et des ministres chrétiens loyalistes et prosyriens. Tout cela sans oublier un éventuel départ définitif de Rafic Hariri lui-même – une option confirmée par une source parlementaire généralement bien informée ; une option que certains de ses alliés politiques lui auraient vivement, et à raison, conseillée. Mais il n’y a pas que le risque de la perversion du système politique libanais qui menace Taëf. Le secrétaire général du Hezbollah, qui a depuis longtemps levé le moindre doute sur son impressionnante maestria de résistant, a fait preuve, en fin de semaine dernière, d’une immaturité politique patente. En faisant sienne l’option du référendum, notamment sur la question de la présence syrienne, et en la défendant. « Ce mécanisme devrait être adopté non seulement pour un seul cas, mais pour toutes les questions cruciales qui concernent le pays et à propos desquelles les Libanais ne sont pas d’accord. Nous acceptons cela, et la minorité des Libanais devrait obéir à ce que décide la majorité d’entre eux », a dit Hassan Nasrallah, oubliant totalement à ce propos le testament politique de l’immense Mohammed Mehdi Chamseddine. Et dynamitant ainsi – Walid Joumblatt, de plus en plus incontournable, l’a relevé hier – l’essentiel pilier de la coexistence et de la convivialité (confessionnelles et constitutionnelles) libanaises : la démocratie consensuelle. Reste à savoir dans quelle mesure le régime aura la mauvaise idée d’abonder dans ce sens, au risque de ne plus choquer seulement les chrétiens, mais aussi une grande partie des hommes politiques musulmans. Sans compter, encore une fois, la communauté internationale, y compris le Vatican. Et pour courronner le tout, pour davantage accélérer une létale implosion de Taëf, il ne restera plus – si l’on excepte l’instauration d’un pouvoir militaro-sécuritaire absolument liberticide – qu’à suicider le peu qui reste de l’institution parlementaire. Puisqu’il est question, pour le régime, d’envisager de faire voter place de l’Étoile des lois visant à conforter et asseoir légalement la présence armée et la tutelle politique de Damas. Et créer ainsi un choc frontal avec les Nations unies, au risque de catalyser au maximum cette insensée et inimaginable autarcie, cet enfermement sur soi et sur le voisin qui signifieraient la mort du Liban tels que les Libanais eux-mêmes les conçoivent. Face à tout cela, l’opposition n’a plus qu’un choix, et un seul, et l’essentiel patriarche Sfeir l’a plus ou moins relevé au lendemain de l’amendement constitutionnel : l’union sacrée. Une union sacrée qui, dans ce cas, sous-entend nécessairement dénominateurs communs (entre les différentes composantes de cette opposition) et absence de surenchères abortives. Un palier, le même, doit être trouvé par tous – et pour tous – Kornet Chehwane, Moukhtara, le Courant patriotique libre, les Forces libanaises, le Renouveau démocratique de Nassib Lahoud, le Forum démocratique de Habib Sadek, le Mouvement réformiste kataëb d’Amine Gemayel ainsi que les députés indépendants qui ont voté contre l’amendement. Un palier qui devrait être, surtout, préservé, maintenu, respecté. Un débat interne devra obligatoirement se faire, en prélude à l’indispensable élargissement de cette opposition et à une prise de position commune, qui devrait être rendue publique avant le rapport de Kofi Annan, dans près de 25 jours, au sujet de la résolution 1559. Ce débat devrait servir de base à un projet, une action, une synergie au service d’un Liban souverain, démocratique, indépendant et libre, au service d’un véritable État de droit. Le tout étant d’éviter que ces velléités visant à dynamiter Taëf ne séduisent, pour des raisons évidemment autres mais qui restent tout aussi inacceptables, quelques-uns des pôles d’une opposition archiplurielle et plusieurs fois fragilisée. Une opposition à qui il reste à démontrer, au-delà des mots, qu’elle est à même – et cela est fort souhaitable – de prendre démocratiquement et convenablement les rênes, un jour, d’un salvateur pouvoir de substitution. Ziyad MAKHOUL
L’état des lieux après le vote, vendredi dernier, de l’amendement de l’article 49 et la reconduction pour trois ans du mandat Lahoud ; la façon dont les choses risquent d’évoluer, dans les quatre mois à venir ; les bâtons de dynamite que recèle, en lui, ce que Paris a qualifié de « défi à la communauté internationale » ; la succession des réactions, qu’elles...