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Actualités - OPINION

Neuf voix pour et six abstentions ont sanctionné le projet présenté par Washington, Paris, Londres et Berlin La résolution 1559 en faveur de la souveraineté du Liban adoptée ce matin au Conseil de sécurité

À 3h00 du matin heure de Beyrouth, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution appelant au respect de la souveraineté du Liban et au retrait « de toutes les troupes étrangères de son sol », évitant ainsi de citer nommément la Syrie. Le vote a été acquis par 9 voix sur 15, avec 6 abstentions. Initialement présentée par les États-Unis et la France, la résolution, qui prend le numéro 1559, a reçu, avant le vote, le parrainage de deux autres pays : l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Auparavant, selon des sources diplomatiques européennes à Washington et à New York recueillies hier en milieu de soirée par L’Orient-Le Jour, le vote recueillerait « sans aucun doute » la majorité des voix au Conseil de sécurité de l’Onu. Dont les couloirs bruissaient hier, après minuit heure locale, des dernières consultations et autres discussions destinées à lever les appréhensions et les doutes de quelques-uns des quinze pays membres du Conseil – une deuxième étape après les appels téléphoniques personnels de l’omnipotente Condoleezza Rice visant à obtenir l’accord de ces quelques capitales concernées. Sauf que, peu avant deux heures du matin heure de Beyrouth, des sources diplomatiques citées par l’AFP ont indiqué que le texte initial du projet avait subi quelques changements qui devraient permettre son adoption. Selon ces sources, le texte amendé devrait recueillir juste les 9 voix sur 15 nécessaires à son adoption, sans veto d’un des cinq membres permanents du Conseil. Dans sa version initiale, la résolution exigeait « que les forces syriennes se retirent du Liban sans délai ». Dans la version amendée, la mention de la Syrie a été retirée, le Conseil exigeant désormais « que les forces étrangères se retirent du Liban sans délai », selon les mêmes sources. À part cela, rien de changé par rapport à la version dévoilée mercredi : la résolution souligne la nécessité que l’élection présidentielle soit « libre et équitable, selon les règles constitutionnelles libanaises établies sans interférence étrangère ». Elle réitère l’appel du Conseil « à un strict respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban ». Le texte, en outre, appelle « au démantèlement et au désarmement de toutes les milices libanaises et non libanaises » dans ce pays, et exprime enfin le soutien du Conseil « à l’extension du contrôle du gouvernement libanais sur tout le territoire du Liban » et demande au secrétaire général des Nations unies de lui faire rapport dans les 30 jours sur la mise en application de la résolution. Comment expliquer cet éventuel amendement ? Serait-il lié au très possible happy end dans l’affaire des otages français en Irak, un happy end auquel la Syrie ne serait pas étrangère ? Serait-il le résultat d’un deal de dernière minute entre Syriens d’une part, Américains et Européens de l’autre, qui permettrait aux deux parties de sauver toutes les faces : retrait de l’inédite allusion, en la citant, de la Syrie en contrepartie d’une minorité de blocage (ou de tout autre deus ex machina) ce soir place de l’Étoile ? Ou est-ce simplement parce que la France et les États-Unis n’auraient pas réussi à recueillir les nécessaires neuf voix avec une mouture qui cite nommément, pour la première fois, la Syrie ? Cela semblait, de prime abord, étonnant. Parce que les quinze pays qui voteront la résolution sont les suivants : États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Chine (membres permanents disposant du droit de veto), ainsi que l’Algérie, l’Allemagne, l’Angola, le Bénin, le Brésil, le Chili, l’Espagne, le Pakistan, les Philippines et la Roumanie. Depuis avant-hier mercredi, les États-Unis, par la bouche de leur représentant à l’Onu John Danforth, ont clairement fait comprendre qu’ils souhaitaient « demander un vote jeudi, parce que le processus d’amendement de la Constitution est très rapide au Liban ». Sauf que diverses sources diplomatiques citées par les agences internationales avaient fait état de réserves plus ou moins sérieuses émises par plusieurs pays membres. « De pure forme », ont assuré certains ; « purement juridiques et légales », estiment, plus logiquement, d’autres, qui mettent en exergue le possible écueil de l’ingérence onusienne dans les affaires intérieures d’un pays membre. Ainsi, le très militaire ambassadeur pakistanais à l’Onu, Mounir Akram, a souligné, cité par le Washington Post, que cette résolution pose « des problèmes, tous genres de problèmes. C’est un pays qui change sa Constitution par des processus reconnus. Le Conseil a-t-il le droit de se prononcer sur cela ? Le gouvernement libanais a le droit de demander aux Syriens de partir ; c’est à eux de décider. Il existe plusieurs pays sur le sol desquels des troupes étrangères sont présentes », a-t-il indiqué. Des réserves donc, mais également des tonnes d’interrogations, notamment sur le timing de ce retour de nuages (très) roses dans les relations franco-américaines, sur les raisons de la renaissance, maintenant, de l’alliance je-t-aime-moi-non-plus entre Washington et Paris. Il n’empêche : le « oui » de Washington, Paris, Londres, Berlin et Madrid est acquis. Celui de Bucarest tout autant, naturellement, puisque la Roumanie serait la première à devenir, un jour, le 26e pays membre de l’UE, et qu’aucune velléité de mécontenter les pays de l’UE soutenant le projet de résolution n’est envisageable. Sans compter l’évidence qui veut que Moscou, bien loin désormais de toute vision andropovienne, se contenterait au maximum de s’abstenir. Son « oui » à une résolution dénonçant pour la première fois le rôle au Liban de son ancienne et indéfectible alliée proche-orientale serait tout de même assez retentissant. Quant à Alger, Islamabad et Manille, ainsi que, dans une moindre mesure, Pékin, Santiago et Brasilia, ils auraient accusé Washington d’intervenir dans les affaires intérieures libanaises et de manquer de cohérence en forçant le retrait syrien du Liban, tout en autorisant Israël à continuer à occuper les territoires palestiniens. Des sources proches de l’ambassade du Liban en Algérie ont indiqué à L’Orient-Le Jour que le gouvernement algérien entend s’abstenir. Bon nombre d’observateurs relèvent cependant que les intérêts américano-algériens sont de plus en plus convergents, et que l’amitié (politique) Chirac-Bouteflika est très solide. Ce qui pourrait pousser Alger à voter pour le projet de résolution. Sans compter cette espèce de coutume, depuis l’invasion irakienne du Koweït, qui dit qu’aucun pays arabe ne voit d’un bon œil des troupes d’un pays arabe sur le sol d’un autre. Ces mêmes observateurs seraient également très surpris de voir le Pakistan – mais aussi les Philippines – aller à l’encontre de la volonté américaine, tout au plus s’abstiendraient-il de voter. Quant à la Chine, elle ne risque pas d’opposer son veto, en raison de sa tradition politique à l’Onu : le niet chinois paralysant ne concerne que les résolutions qui porteraient sur les intérêts stratégiques du pays, ainsi que sur Taïwan. Les observateurs évoquent également la reconnaissance chinoise, qui a fortement apprécié que ce même Taïwan ait été désigné, aux derniers Jeux olympiques d’Athènes, par le très symbolique « Chinese Taipeh ». Enfin, il serait assez étonnant de voir le Bénin, membre de l’Organisation internationale de la francophonie dont l’étroitesse des liens avec la France est on ne peut plus reconnue, s’opposer au vote en marche. Voilà qui expliquerait – au-delà de cette détermination chiraquienne confirmée par des sources bien informées ; au-delà des intérêts américains et de leurs desiderata de plus en plus métalliques, surtout après l’échec des pourparlers bilatéraux entre Washington et Damas ; au-delà de l’opportunité présentée à l’Administration US actuelle, en pleine convention républicaine, de démontrer aux démocrates que le président Bush est capable de réparer, voire même redynamiser, les relations diplomatiques avec l’essentielle France –, voilà qui expliquerait donc que le représentant français au palais de Verre, Jean-Marc de La Sablière, se soit déclaré, ces deux derniers jours, « confiant » que la résolution recueillerait les neuf voix nécessaires à son adoption. Et même, dit-on, onze. Avant le vote au palais de Verre, et avant, surtout, celui qui aura lieu ce soir place de l’Étoile, Beyrouth et Damas, qui se sont adjoint la voix du secrétaire général de la Ligue arabe, ont continué à marteler que le projet de résolution condamnant le rôle syrien au Liban est « injustifié et injustifiable ». Idem pour l’ambassadeur syrien à l’Onu, Fayçal Mekdad, qui avait condamné en termes vifs mercredi le projet de résolution, estimant que le Conseil de sécurité n’avait pas à « s’ingérer dans les affaires intérieures du Liban. C’est une discussion ridicule », avait-il dit. Selon des informations recueillies par L’Orient-Le Jour, le diplomate syrien a évoqué le « comportement mesquin » de l’Onu, estimant que « lorsqu’ils avaient modifié leur Constitution, les États-Unis ne l’avaient pas fait sous une pression onusienne ». Quant au ministre des Affaires étrangères, Jean Obeid, il avait multiplié ses contacts téléphoniques avec bon nombre de ses homologues, dont le Syrien Farouk el-Chareh, l’Espagnol Miguel Angel Moratinos et le Béninois Rogatien Biaou. Ziyad MAKHOUL
À 3h00 du matin heure de Beyrouth, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution appelant au respect de la souveraineté du Liban et au retrait « de toutes les troupes étrangères de son sol », évitant ainsi de citer nommément la Syrie. Le vote a été acquis par 9 voix sur 15, avec 6 abstentions. Initialement présentée par les États-Unis et la France,...