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Actualités - OPINION

Versions locales distinctes sur les positions internationales Le bras de fer résulterait du fiasco des pourparlers de Rome entre Américains et Syriens

En cours de journée, hier, on ne savait pas trop à quoi s’en tenir à Beyrouth, au sujet des tractations internationales relatives à la prorogation. C’était le jeu du miroir déformant : les sources locales, qui répercutaient les informations en provenance du palais de Verre à New York, en développaient des versions distinctes sinon contradictoires. Les loyalistes présentaient en effet les choses sous un angle opposé à celui qu’expliquaient les opposants. Pour sa part, un observateur averti se croyait en mesure de pronostiquer qu’il n’y aurait pas de résolution ferme. Car beaucoup de parties y réfléchissent à deux fois. À cause d’une situation régionale délicate, mobile, marquée par des détails produisant des effets de retenue immédiats, comme l’affaire des deux journalistes français pris en otages en Irak. Il est du reste connu qu’à l’égard de la Syrie, la position française n’est pas aussi antagoniste, dans le fond, que celle de Washington. Paris, guidé par une politique traditionnelle de bonnes relations avec le camp arabe, n’a par exemple jamais songé à intimer des exigences déterminées à Damas, comme le font les Américains. Et à ses yeux, il n’est pas question d’envisager des sanctions au titre du chapitre 7. Mais, dans le même temps, la France accorde une attention toute particulière au Liban, pays qui lui est cher, comme on sait, depuis très longtemps. Elle y a institué la République et souhaite naturellement que ses principes de base soient respectés. Il n’est donc pas étonnant d’entendre certains loyalistes du cru soutenir que la France, dans cette affaire de la présidentielle, n’est pas à la traîne des Américains. Mais se montre, affirment-ils, aussi « agressive », tout en y mettant les formes. Ainsi, un ministre proche du régime soutient mordicus que, bien avant qu’il ne soit question de la prorogation, les Français ont démarché les Américains, à l’Onu, pour serrer la vis à la Syrie, côté présence au Liban. Ce ministre reconnaît que les Français n’ont pas proposé de projet de résolution. Il affirme toutefois qu’à l’époque, la présumée démarche française n’avait pas été prise au sérieux par les Américains. Ce qui peut paraître étonnant, étant donné que ces derniers avaient déjà promulgué leur Syria Accountability Act. Quoi qu’il en soit, toujours selon le même ministre, les Américains auraient alors fait valoir qu’il serait difficile d’obtenir l’aval des Chinois ou des Russes pour une résolution contre la Syrie. Avec laquelle ils étaient du reste en pleins pourparlers. De ces assertions ministérielles, dirigées contre Paris, on peut sans doute déduire, tout simplement, que l’amitié Chirac-Hariri ne plaît pas beaucoup aux tenants du régime. Toujours est-il que, selon cette façon de lire l’histoire des coulisses, ce n’est qu’après le fiasco de leur dialogue de Rome (trois séances) avec les Syriens que les Américains se sont rappelés de l’orientation française. Et qu’ils ont repris leurs démarches en faveur d’une décision onusienne exigeant le retrait syrien du Liban, le rétablissement de la souveraineté de ce pays, sous menace de sanctions. Ce qui signifie, en somme, que l’Amérique dénonce aujourd’hui la procuration de tutelle qu’elle avait elle-même accordée à la Syrie, avant et pendant Taëf. Une option dont l’importance correspond, en définitive, à celle que les Américains avaient accordée au processus de Rome. Selon des sources fiables, ils y avaient en effet envoyé une équipe de négociateurs extrêmement fournie et variée, formée de sénateurs, de représentants, de cadres ou d’experts du département d’État et du département de la Défense, comme de tous les services concernés par le dossier du Moyen-Orient et par le contentieux avec la Syrie. Cette délégation était chapeautée en personne, selon les mêmes sources, par Richard Armitage, le percutant « numéro deux » du département d’État. Celui-là même qui avait invité les Syriens à ouvrir les yeux sur ce qu’il est advenu du Baas en Irak. Du côté syrien, indiquent les mêmes sources, on avait envoyé à Rome des cadres de la présidence de la République (qui confirme de la sorte son emprise sur la politique étrangère du pays), des AE et de la Défense. À Rome, on devait initialement continuer les discussions entamées à Washington, articulées autour des exigences US connues. Mais, affirment les mêmes sources, on a laissé finalement de côté l’ordre du jour pour se focaliser sur la présidentielle libanaise. Les Syriens l’ont voulu ainsi. Car ils ont ouvert le feu, en annonçant leur soutien à la prorogation. Rejet américain immédiat, au nom du respect de la Constitution, mais aussi de la libre volonté libanaise. Les Syriens ont soutenu qu’ils ne font rien d’autre et qu’il y a unanimité libanaise pour la prorogation. Tout au long de trois séances consécutives, étalées sur trois jours, on n’a fait qu’échanger des arguments sur ce sujet. Et on en est restés au même point. De rupture. Sans avoir parlé des dossiers brûlants comme l’Irak, les Territoires, le Hezbollah, les camps de refugiés palestiniens, etc. Maintenant, l’Occident fait front aux côtés de l’Amérique qui retrouve enfin son alliance d’antan avec Paris et avec Berlin, tandis que Londres se range comme toujours auprès de Washington. Mais cette constellation n’impressionne pas les prosyriens du cru qui dénoncent « l’immixtion étrangère », en affirmant que la Syrie est indispensable pour la stabilité sécuritaire et politique de ce pays. Philippe ABI-AKL

En cours de journée, hier, on ne savait pas trop à quoi s’en tenir à Beyrouth, au sujet des tractations internationales relatives à la prorogation. C’était le jeu du miroir déformant : les sources locales, qui répercutaient les informations en provenance du palais de Verre à New York, en développaient des versions distinctes sinon contradictoires. Les loyalistes...