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Actualités - OPINION

Le Liban officiel espère prendre de vitesse les Américains

Maintenant que le palais Bustros a protesté d’avance contre une résolution du Conseil de sécurité portant sur la présidentielle libanaise, il n’y a plus qu’à attendre d’en connaître la teneur. C’est ce qu’indique un ministre influent. Qui souligne que l’on en reste, à l’Onu, au stade des consultations, des tractations préliminaires. Cependant, un député loyaliste note qu’il ne faut pas sous-estimer les effets de la campagne diplomatique US. Et qu’on doit tenter de la contrer. En accélérant, autant que faire se peut, le processus de la prorogation. Pour que les mouvements extérieurs n’entravent pas ce que ce parlementaire qualifie de politique intérieure. D’autres politiciens acquis au régime veulent se montrer encore plus optimistes. En estimant que toute résolution du Conseil de sécurité resterait, dans sa portée pratique, sujette à négociation. Pour ne garder en définitive qu’un impact limité, d’ordre plutôt moral, sans effet réel sur la présidentielle. Ni sur la suite. Toujours sur le plan extérieur, des cadres informés relèvent que le tandem libano-syrien ne reste pas les bras croisés. Mais multiplie les contacts avec les membres du bloc arabe. Ajoutant que des promesses de soutien ont été obtenues de quelques capitales de poids. Ce qui signifierait un progrès par rapport aux positions initiales, peu favorables à l’initiative de Damas. Car, on le sait, depuis l’invasion du Koweït par Saddam, nombre de pays arabes se déclarent opposés à une présence militaire, et autant à une présence politique dominante, d’un pays arabe dans un autre. Cependant, répétons-le avec les loyalistes du cru, c’est par l’intérieur que l’on cherche à neutraliser la démarche de l’Amérique et de la France. Le camp prosyrien a cimenté ses rangs, pour décrocher le plus grand nombre possible de scrutins en faveur de la prorogation. Ses hérauts parlent maintenant d’un paquet de 110 voix garanties. À leur avis, une telle timbale prouverait que l’option retenue est on ne peut plus libanaise. Ils ajoutent qu’un effort, dont les résultats ne sont cependant pas encore apparents, est déployé pour que de larges franges de la société civile proclament à leur tour leur adhésion à l’amendement de l’article 49. En pratique, les députés sont pour l’heure intensivement démarchés. Ceux d’entre eux qui se trouvent en voyage sont relancés pour revenir participer à la séance cruciale. Et gonfler la majorité. Il convient de signaler à ce propos que selon des députés indépendants, les loyalistes exagèrent un peu dans leurs pronostics. Car d’après ces professionnels, la fourchette de oui devrait s’étaler entre 95 et 102 votants. Ces sources indiquent avoir été elles-mêmes démarchées. On leur a fait valoir qu’il faut adopter l’amendement pour des considérations extérieures, et pour servir la ligne dite stratégique. Mais même les convertis continuent à relever que la prorogation est tout le contraire d’un choc positif au niveau du peuple. Qui aurait voulu que l’échéance présidentielle entraîne un changement. Selon un politicien, le président Lahoud est lui-même conscient de ces réticences populaires. Et il voudrait tenter d’y répondre, en disposant une toute nouvelle approche (donc un changement) de pouvoir. En définitive, la déception populaire pourrait tourner à l’heureuse surprise, estime ce cadre. De son côté, un ministre indique que l’on discute dès à présent du prochain cabinet. Qui pourrait être formé quelques semaines après la prorogation. Pour que le nouveau mandat démarre par un bond qualitatif en avant susceptible de rassurer l’opinion. Dont le regain de confiance se cristalliserait autour de personnalités appréciées qui composeraient le gouvernement. Bien entendu, on promet de ne pas répéter les fautes, les dérives, les dérapages ou les erreurs du passé. Quant au président Rafic Hariri, qui avait annoncé son passage à l’opposition en cas d’amendement de l’article 49, il semble qu’en définitive, il soit promis à se succéder à lui-même au Sérail. Du moins pour une première transition. Au cours de laquelle il dirigerait une formation ministérielle panachée, composée de politiciens et de technocrates. Cette formule serait concoctée, disent les observateurs, sur des bases différentes que par le passé. Il n’y aurait donc pas 30 ministres, mais bien moins. Encore que chaque ministre n’aurait droit qu’à un seul portefeuille. Les départements techniques seraient confiés à des non-partisans. En fait, avouent ces sources, il s’agirait de priver Hariri du contrôle des Finances et de la Justice, qui devraient d’ailleurs échapper à toute influence politique. Cela étant, il est évident que l’on ne peut pas sortir de la répartition par régions, par communautés, et du partage du gâteau entre forces loyalistes. Amertume Les opposants commentent ces « bonnes nouvelles » avec amertume. En pointant du doigt l’échec cuisant, flagrant, du pouvoir dans son ensemble. Surtout pendant les six dernières années. Les contestataires se disent surtout sceptiques quant au traitement de la grave crise socio-économique et financière que traverse le pays. À leur avis, les parties qui sont responsables, par leur mauvaise gestion comme par leurs sempiternelles querelles (sans compte corruption et gabegie) de la situation ne peuvent pas prétendre redresser la barre. Sans compter que le renflouement ne peut en aucun cas se faire en trois petites années. Car d’ici à la fin de 2006, le Liban est tenu de rembourser quelque 24 milliards de dollars sur les 35 milliards de dette publique qu’il a accumulés. Sous la puissante égide des taëfistes de tous crins qui ont monopolisé le pouvoir depuis 15 ans. Les opposants soulignent en outre que le régime, prorogé ou non, n’est toujours pas détenteur en titre du pouvoir exécutif. Et qu’il doit en outre faire face à des divisions internes plus accentuées que jamais. Dans un climat de grogne populaire croissante. Un mécontentement socio-économique qui se double maintenant, selon les opposants, du courroux de voir la dignité nationale, autant que la libre volonté des Libanais, foulée aux pieds. Concernant les promesses de changement positif, les opposants posent cette question toute simple : le pouvoir compte-t-il larguer ses principaux instruments véritables, ses équipes de conseillers ? Et d’ailleurs, pourra-t-il le faire, compte tenu du fait que nombre de ces cadres sont directement comptables des décideurs ? Mais, étrange écho au ministre cité en début de cet article, un pôle de l’opposition souligne à son tour qu’il ne faut pas sauter aux conclusions, ni dans un sens ni dans l’autre. À son avis, on doit attendre de voir comment les choses vont se dérouler sur les plans international et régional. Et, de même, sur le plan local. Où, ajoute-t-il, il s’agit de savoir si un effort positif va être effectivement déployé. Éventuellement par le renflouement du document de Faqra, des points élaborés par les présidents Berry et Hariri. Ce pacte de redressement qui est resté lettre morte. Cependant, les opposants pensent que, pour le moment, l’essentiel de la partie se joue au-dehors. L’épreuve de force est ouverte entre la Syrie et les États-Unis, qui risquent de durcir les sanctions qu’ils infligent à Damas depuis le Syria Accountability Act. À ces observations, les loyalistes répliquent en affirmant que leurs adversaires auraient tort de miser sur les développements extérieurs. Parce qu’à leur avis, c’est là une arme à double tranchant. Surtout qu’en principe, nul n’oserait faire bouger la rue. C’est là une façon d’estimer que le gagnant ne peut être que celui qui contrôle le terrain. Les mêmes sources ajoutent qu’en tout état de cause, le président Lahoud voudra maintenir le contact, dans un esprit positif, avec Bkerké. Pour renforcer sa popularité au niveau du camp chrétien. Philippe ABI-AKL

Maintenant que le palais Bustros a protesté d’avance contre une résolution du Conseil de sécurité portant sur la présidentielle libanaise, il n’y a plus qu’à attendre d’en connaître la teneur. C’est ce qu’indique un ministre influent. Qui souligne que l’on en reste, à l’Onu, au stade des consultations, des tractations préliminaires. Cependant, un député...