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Actualités - OPINION

L’issue de secours, bien qu’étroite, reste entrouverte La bataille de la présidentielle entre dans sa phase terminale

La bataille de la présidentielle saute d’un seul coup de la phase préliminaire à la phase terminale. Selon des députés informés, qui se réfèrent aux « consultations contraignantes » (mais dans l’autre sens) effectuées à Damas, le choix syrien est clair. Mais encore suffisamment nuancé pour qu’une éventuelle rétraction soit aisément justifiable. En effet, ce que le président Assad aurait signifié aux présidents Berry et Hariri se résume de la sorte : il faut privilégier les chances de l’option Lahoud. Ce qui sous-entend que les autres voies possibles ne sont pas (encore) définitivement écartées. Bien qu’on doive les considérer comme assez improbables, pour le moment. Une approche qu’un joueur de poker traduit ainsi : quand on a renchéri durant un tour de table, au suivant on doit continuer. Que l’on bluffe ou non. Pour sa part un vétéran estime que Damas reste fidèle au vieux dicton hérité des Soviétiques : « Quand on a dit A, il faut dire B. » Ce qui signifie que, pour rendre une surenchère crédible, il ne faut jamais mollir, fléchir, en cours de route. Au contraire même, l’on doit y aller crescendo. Exactement comme ce trajet syrien parti de la libanisation pour retourner au vieux mot d’ordre impératif. Écrasant. On se demandait si Hariri pouvait, pourrait, résister. Les professionnels expérimentés soulignaient dès le départ que tout dépendrait, dans ce cadre, du degré de pression, pour ne pas dire d’intimidation, qu’il subirait. Il semble qu’il se retrouve face à une barre placée très haut. Avec menace larvée de poursuites judiciaires en cas de « rébellion ». Comme un vulgaire ex-président du Conseil en somme. Ce qui n’est pas très gentil pour un allié aussi fidèle. Son lot de consolation, si l’on peut dire, c’est qu’il n’aura pas à subir un enfer de six ans. Mais une peine réduite de moitié, trois ans. En effet, il se trouve invité, ainsi que Walid Joumblatt, l’autre rétif, à ne pas bloquer le processus de prorogation dont on veut gratifier le régime en place. Selon les parlementaires cités, Damas veut tout simplement rééditer l’exploit Hraoui 95. En accordant au président Lahoud non pas un nouveau bail plein, mais une rallonge de 36 mois. Un duplicata qui en étonne plus d’un. Car les circonstances ont tellement changé que la plupart de ceux qui soutenaient la prorogation du temps de Hraoui (dont Hariri) sont maintenant contre une telle formule. Inversement, d’ailleurs, plusieurs de ceux qui fulminaient à l’époque contre la manipulation de la Constitution l’appellent aujourd’hui de leurs vœux les plus ardents, les plus fervents. Selon certains observateurs, le fameux système du mot d’ordre, si bien connu et pratiqué sur la scène locale, se trouve atténué, délicate attention, à la fois par les soi-disant concertations. Destinées à montrer que l’on manifeste des égards aux Libanais, puisqu’on prend la peine de leur parler en personne. Et par le « compromis » que représente la prorogation, adoptée de préférence à une reconduction qui serait une pilule trop dure à avaler. Aux yeux, peut-être un peu mal voyants, des loyalistes, les trois ans ne constitueraient pas un défi ouvert ni aux sentiments des Libanais, ni à la volonté du patriarche Sfeir, ni même aux pulsions naturellement contestataires de l’opposition, tous courants confondus. Souplesse Retour à Hariri. Notifié de la formule, il aurait sollicité un délai de réflexion de 48 heures, pour en référer à ses alliés. Il doit ensuite retourner à Damas. Qui généraliserait alors sa décision, en lui donnant un emballage libanais. Car elle serait proclamée par des parties locales. Il est cependant évident que les finesses de la courtoisie damascène échappent à nombre de forces actives locales. Dont les préparatifs pour une dure bataille politique vont bon train. Car elles refusent le diktat. Et font d’ores et déjà savoir qu’elles ne sauraient être tenues responsables de la crise qui serait sur le point d’éclater. Car, à leur avis, il y a tout simplement une agression à contrer. Qu’en est-il pour l’axe Hariri-Joumblatt. La position n’est pas encore tout à fait claire du côté du président du Conseil. Le leader progressiste, relancé pour sa part en vue de directives par des députés de son bloc, leur a répondu qu’il ne change pas de cap. Il est toujours contre une révision constitutionnelle circonstancielle, contre la reconduction ou la prorogation. Il réclame toujours l’élection d’un nouveau président. Au titre du respect de la Constitution comme du principe de l’alternance. En précisant qu’il n’a de veto contre personne. De leur côté, des opposants pensent que la Syrie a voulu « crisifier » la situation, pour ainsi dire, parce que ses multiples messages aux Occidentaux auraient été mal captés ou mal lus, à son avis. En d’autres termes, on ne se serait pas montré assez compréhensif à son égard. Et elle chercherait à utiliser la présidentielle libanaise comme levier de contre-pression sur les Américains. Quant à leurs propres choix, ces opposants confirment qu’ils vont tout mettre en œuvre pour faire capoter la prorogation. Ils pensent d’ailleurs que leurs chances de succès sont bonnes. Parce qu’à leur avis, les décideurs se sont, cette fois, trompés dans leurs calculs. Mais, calculatrice justement en main, les loyalistes se montrent pour leur part très confiants. Surtout parce qu’à les en croire, Hariri et Joumblatt n’iraient pas jusqu’au bout dans leur refus. Car ils ne tiennent pas à s’opposer frontalement à la volonté syrienne. Au contraire même, mis au pied du mur, ils se trouvent pratiquement obligés, toujours d’après les loyalistes, de prouver en actes leur fidélité à Damas comme à la ligne nationale. Ce qui signifierait qu’ils prieraient les quelque 35 députés qu’ils contrôlent à eux deux, sinon de voter la prorogation du moins de ne pas s’y opposer. Et de ne pas tous s’absenter, afin que le quorum ne fasse pas défaut, le jour dit. Toujours selon les mêmes loyalistes, Hariri et Joumblatt vont eux-mêmes, selon toute vraisemblance, se cantonner désormais dans un mutisme de position. Ne pas soutenir la prorogation, mais ne pas s’y opposer non plus. Et, finalement, en faciliter la concrétisation. D’autres sources indiquent cependant que les deux leaders auraient l’intention de laisser à leurs députés la liberté individuelle de choix, pour ou contre la prorogation ou la neutralité. Ces mêmes personnalités conviennent cependant avec les loyalistes que l’impression dominante reste que Hariri n’ira pas jusqu’à défier ouvertement la Syrie, en rendant son tablier. En tant que président du Conseil, il ne ferait pas obstruction à la procédure d’amendement, mais l’approuverait. Quitte, répètent ces professionnels, à marquer quelque distance à la Chambre, en laissant ses députés libres de leurs votes. Principe qu’il s’appliquerait d’ailleurs à lui-même, en tant que parlementaire. Pour ce qui est des suites ultérieures, il est encore trop tôt pour faire des pronostics. On ne sait pas si Hariri voudra ensuite passer à l’opposition, ou préférera rester au Sérail. On ne sait pas non plus si Joumblatt voudra bouder le prochain gouvernement et ne pas s’y faire représenter. L’essentiel, pour le moment, est de savoir si l’opposition va pouvoir sérieusement assurer le fameux tiers de blocage. Des pointages fébriles sont entrepris à ce propos dans les coulisses. Mais la marge d’indécision est élevée. Car beaucoup de ceux qui ont affirme être hostiles à l’amendement s’y plieraient sans doute quand le mot d’ordre sera confirmé. Tout comme en 95. En revanche, l’obstacle Bkerké ne pourra certainement pas être surmonté. D’autant que les évêques maronites vont renchérir lors de leur réunion du 1er septembre. Ainsi, sans doute que Kornet Chehwane. Mais il faudra voir dans quelle mesure ce mouvement aura un effet d’entraînement généralisé, dans le pays politique. Contrôlé jusqu’à présent par les décideurs. Qui, selon certains opposants, ne manqueraient pas, en définitive, de tenir compte de l’orientation de Bkerké, surtout qu’il y a convergence des instances religieuses mahométanes avec le patriarche. Ce qui signifierait qu’au tout dernier moment, Damas favoriserait l’élection d’un nouveau président plutôt que la prorogation. Mais pour l’heure, cela ne semble pas être la tendance dominante. Philippe ABI-AKL
La bataille de la présidentielle saute d’un seul coup de la phase préliminaire à la phase terminale. Selon des députés informés, qui se réfèrent aux « consultations contraignantes » (mais dans l’autre sens) effectuées à Damas, le choix syrien est clair. Mais encore suffisamment nuancé pour qu’une éventuelle rétraction soit aisément justifiable. En effet, ce que le...