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ÉCLaIRAGE - En deux dimanches électoraux, des résultats qui suscitent de nombreuses interprétations Le scrutin municipal et les véritables enjeux syriens

Le schéma est classique : après une échéance électorale, les vainqueurs cherchent à faire mousser leur victoire en évoquant une bataille dure, une détermination féroce à les briser, des adversaires quasi invincibles. Les vaincus, eux, parlent de complot, d’interventions occultes (les fameux services et leurs commanditaires), voire de volonté supranationale. Un scrutin municipal revêt ainsi l’aspect d’une bataille politique, sur fond de bras de fer régional et même international. Et au cœur de toutes les luttes, on évoque le rôle des responsables syriens, maîtres, dit-on, de tous les jeux au pays du Cèdre. Au Mont-Liban, à Beyrouth et dans la Békaa, les protagonistes avaient ainsi attendu, avant de faire leurs grands choix, de connaître les mots d’ordre syriens et, peut-être parce que ceux-ci n’étaient pas très précis, les résultats des urnes ont étonné tout le monde, contraignant les analystes à revoir leurs interprétations. Damas, clé de toutes les questions sans réponse Les Syriens voulaient-ils réellement la victoire de l’ancien vice-président du Conseil, Michel Murr, au Metn, celle du tandem Boueiz-Khazen au Kesrouan, du Hezbollah à Baalbeck-Hermel et dans la banlieue sud ou encore celle du Premier ministre dans la capitale ? Les explications abondent et chacun tente de lire, dans les résultats d’hier, ceux des scrutins à venir, municipaux et autres. Comme d’habitude, les regards se tournent vers Damas, clé de toutes les questions en suspens. Pourtant, cette fois, les Syriens ne donnent pas de directives claires et ceux qui croyaient avoir vu dans la visite du chef des SR syriens au Liban, le général Rustom Ghazalé, au président du Conseil, à la veille des municipales, un message évident en faveur des alliés du chef de l’État, notamment le ministre du Développement administratif, ont dû revoir leur copie. Quelles étaient donc les directives des Syriens avant les élections municipales ? Ceux qui parviennent à s’y retrouver y vont de leur analyse. Pour les autorités syriennes, selon eux, il était important que ces élections se déroulent sans le moindre incident sécuritaire. C’était là leur principal souci. Ensuite, ils ont appuyé l’entente, là où elle était possible, mais sans jamais chercher à l’imposer, comme ils l’avaient fait lors des scrutins précédents, entre leurs alliés traditionnels, notamment le mouvement Amal et le Hezbollah. Pour les autorités syriennes, donc, les résultats n’étaient pas vraiment un enjeu, la plupart des parties lancées dans la bataille leur étant plus ou moins acquises. Et les Syriens ont actuellement d’autres problèmes pour se soucier de mettre le paquet afin d’aider tel camp ou tel autre en difficulté. Des conseils, mais pas de véritables directives C’est ainsi que les Syriens n’ont pas obligé Amal et le Hezbollah à s’entendre dans la banlieue sud de la capitale et à Baalbeck, laissant le parti rafler la plupart des municipalités, sans lever le petit doigt, mais sans fournir d’encouragements non plus. Pas plus qu’ils n’interviendront demain pour empêcher une défaite du mouvement Amal au Sud, se contentant de donner des conseils au Hezbollah afin qu’il garde une bonne place à la formation du président de la Chambre dans certaines localités de la région. Ils bénissent sans doute les initiatives de rapprochement, comme celle du chef du PSP, Walid Joumblatt, mais ils ne les ont probablement pas demandées. Car leur principal souci, après celui de la tenue de la consultation sans incident sécuritaire, est d’éviter que l’une des parties ne soit totalement écrasée et donc éliminée de la scène politique. C’est pourquoi ils étaient intervenus à Beyrouth auprès du président du Conseil, se contentant de lui signifier de revoir sa liste, de manière à accepter de partager les sièges sunnites avec d’autres composantes, notamment M. Tammam Salam. Et M. Rafic Hariri s’est exécuté, respectant à la lettre les vœux des autorités syriennes, mais s’arrangeant pour occulter cette question et présenter son refus d’accepter sur sa liste le candidat kataëb de M. Pakradouni, comme une grande victoire. Pourtant, ceux qui suivent le dossier affirment qu’il ne s’agissait pas d’une condition posée par les Syriens et qu’il ne fallait pas y voir un message à portée présidentielle. Selon cette analyse, les Syriens ne chercheraient donc pas, à travers les élections municipales, à donner des indications pour l’avenir politique des différentes parties libanaises, mais à préserver un certain équilibre global, quitte à laisser chacune de ces formations affronter le verdict des urnes et mesurer son poids véritable au sein de la population. Et si les éléments de mesure sont faussés dès le départ par l’utilisation d’une arme malheureusement déterminante, l’argent, cela ne les tracasse pas vraiment. D’ailleurs, soit dit en passant, pour un pays dont l’État est en faillite, les sommes dépensées pendant ces élections seraient affolantes. En tout cas, les chiffres avancés le sont, déformant totalement le scrutin, pour que la victoire aille au plus offrant. Cette question n’est pourtant pas le souci prédominant des Syriens, pour lesquels il importe surtout que le scrutin ait l’apparence d’une opération démocratique et préserve une forme de statu quo dans le paysage politique. Certes, ils ne sont sans doute pas mécontents que le Hezbollah remporte un grand nombre de municipalités car cela conforte leur position vis-à-vis de l’Occident. Mais ils ne sont pas non plus extrêmement inquiets de la débandade du mouvement Amal, ni des batailles à venir à Saïda et au Sud en général. L’opposition chrétienne n’ayant pas réussi à s’imposer, ils savent que la situation est bien contrôlée et ils n’ont que faire des guéguerres internes. Si certaines parties veulent se présenter comme largement victorieuses pour se positionner sur le plan interne, les Syriens, eux, savent très bien que ce ne sont pas ces données qui dicteront leurs choix futurs. Il serait peut-être temps que les Libanais cessent de donner au scrutin municipal une dimension et une portée régionales... Le seul message à en tirer serait peut-être le suivant : les Syriens souhaiteraient, pour l’heure, garder tout le monde. Et la société libanaise est dans un assez triste état de délabrement. Scarlett HADDAD
Le schéma est classique : après une échéance électorale, les vainqueurs cherchent à faire mousser leur victoire en évoquant une bataille dure, une détermination féroce à les briser, des adversaires quasi invincibles. Les vaincus, eux, parlent de complot, d’interventions occultes (les fameux services et leurs commanditaires), voire de volonté supranationale. Un scrutin...