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Actualités - CHRONOLOGIE

MUNICIPALES - À Zokak el-Blatt, Aïn el-Mreissé et Ras-Beyrouth, l’abstentionnisme est roi Demi-victoire en vue pour le Premier ministre (Photo)

Il a décidé de voter pour Haïfa Wehbé, Nancy Ajram et pour la star égyptienne de la danse Dina. À Ras-Beyrouth, un électeur, qui a minutieusement confectionné sa propre liste, a choisi de tourner le scrutin en dérision, à l’instar d’une grande majorité des Beyrouthins. Les chefs du bureau lui ont signifié que Dina ne pourra malheureusement pas figurer sur son bulletin de vote « puisqu’elle n’est pas libanaise ». Cette blague, à l’humour certain, est assez significative du désenchantement presque général qui a régné hier dans la plupart des régions de Beyrouth-Ouest et qui s’est soldé par un abtentionnisme marqué, chez les sunnites d’abord, mais également parmi les communautés chrétiennes et les minorités. Face à une liste réputée invincible, soutenue par le Premier ministre Rafic Hariri et en l’absence d’une véritable compétition démocratique, l’électeur a brandi une arme redoutable : l’indifférence. C’est d’ailleurs le mot qu’on entendra sur toutes les lèvres au fur et à mesure qu’avançait l’opération électorale. Avec une moyenne de 23 % de participation, ceux qui n’ont pas voulu se rendre aux urnes ont quand même eu leur mot à dire : ni pour une opposition bâtarde, divisée et décrédibilisée par le scrutin du Mont-Liban, ni pour une liste haririenne donnée gagnante et concoctée en partie par les soins des Syriens. C’est ce désintérêt que craignait d’ailleurs le plus le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, qui ne cherchait pas à gagner une bataille déjà acquise, mais à réaliser un score important pour marquer « son leadership » dans la capitale. D’où ses multiples appels au cours des derniers jours, exhortant les électeurs à exercer, massivement, leur droit de vote, une invitation qui sera renouvelée dès 7 heures du matin par M. Hariri au cours d’une tournée effectuée dans les bureaux de vote. C’est le député Bassem Yammout qui le rappellera d’ailleurs, en affirmant que « la présence d’une opposition faible risque d’annuler la bataille et par conséquent d’amplifier l’abstentionnisme ». Par contre, à l’Est, « où le vote est supposé être un acte d’opposition, l’abstentionnisme sera dans notre intérêt », précise un des candidats de la liste de l’Unité de Beyrouth. Installé sous le chapiteau d’un opticien de sa famille à Zokak el-Blatt, M. Yammout, qui surveillait de près le déroulement des opérations, a exprimé l’espoir que la participation, qui était de 13 % vers midi dans certains bureaux de vote sunnites, « puisse atteindre les 40 % en fin de journée », soit 10 % de plus que le pourcentage enregistré en 1998. Cela ne se produira pas, malgré l’invasion des rues de Beyrouth-Ouest par les jeeps noires imposantes mobilisées par la machine électorale de M. Hariri et incitant les gens à prendre part au scrutin. En dépit des énormes moyens mis à la disposition des électeurs et d’une organisation aux rouages presque parfaits, les partisans du chef du gouvernement ne réussiront pas à mobiliser l’électorat sunnite en particulier, et plus généralement les chrétiens et les minorités. La présence en force du parti Tachnag ne se traduira pas non plus en termes de votes, les Arméniens ayant largement boudé les urnes. Dans un des bureaux de vote de Aïn el-Mreissé, où les arméniens-orthodoxes votent massivement, le pourcentage de participation n’a pas dépassé les 5% en fin de journée, une proportion sensiblement égale à celle des communautés maronites. Même réaction chez la tranche des jeunes, qui s’est complètement détournée de ce scrutin, la moyenne d’âge dans la plupart des bureaux de vote se situant entre 40 et 60 ans. Les minorités, chaldéens, juifs, latins, syriens-orthodoxes et syriens-catholiques, étaient elles aussi absentes. Autre crainte exprimée par les partisans du chef du gouvernement, le panachage, considéré comme « dangereux dans la mesure où il risque de mener à un déséquilibre communautaire, que combat ardemment depuis le début M. Hariri », commente un de ses partisans. Cependant, le vote en bloc pour la liste de l’Unité de Beyrouth dissipera très vite ces craintes, et le biffage, pratiqué à petite échelle, restera confiné aux frères ennemis – Amal-Hezbollah, d’une part, et la Jamaa islamiya et les Ahbache, d’autre part. Le biffage sera en outre particulièrement important au niveau des élections de moukhtars, dont l’enjeu était nettement plus intéressant aux yeux des votants. Dans la majorité des bureaux, les suffrages exprimés aux candidats aux postes de moukhtar étaient relativement supérieurs à ceux des municipales. De l’avis de plusieurs scrutateurs, cette échéance a réussi à mobiliser beaucoup plus les gens qui se sont désintéressés d’un scrutin extrêmement politisé (les municipales) préférant «voter utile» en portant leur choix sur le moukhtar du quartier, « qu’ils connaissent personnellement et qui pourra les aider dans leurs formalités administratives ». Beaucoup de votants affirment d’ailleurs « ignorer » complètement les candidats qui se présentent, soit les 5 candidats de la liste présidée par Riad Itani, ceux de la liste dite de l’opposition présidée par Khaled Daouk et regroupant le CPL, le PCL et les partisans de Najah Wakim – un mixage de candidats partisans et de familles beyrouthines traditionnelles mais pas nécessairement populaires – et enfin les candidats de la liste dite consensuelle, parachutée en dernière minute et portant le label du Premier ministre. D’ailleurs à aucun moment on n’entendra le nom de l’un des 23 candidats haririens, voir même du président de cette liste, Abdel Meneem Ariss. C’est pour cette dernière que votera Fadi, un catholique inscrit mais ne vivant pas à Beyrouth, affirmant que le seul nom de Rafic Hariri, « synonyme d’infrastructure et de projets de développement », a suffi pour l’encourager à venir voter, soulignant qu’il ne connaissait ni Khaled Daouk ni ses colistiers, encore moins Riad Itani. Autre fait marquant de cette journée fade au dire des observateurs, l’absence notoire de scrutateurs de l’opposition dans tous les bureaux de vote de Beyrouth-Ouest. Aussi bien à Zokak el-Blatt, à Ras-Beyrouth qu’à Aïn el-Mreissé, le schéma est pratiquement le même, à savoir une armée de représentants de la liste haririenne, soutenus par ceux du mouvement Amal et du Hezbollah, faisant face à quelques jeunes volontaires de la liste opposée, dispersés à l’entrée des bureaux de vote. À l’intérieur, aucun délégué de la liste de la Dignité de Beyrouth n’était présent. Une « faille » que les partisans de Khaled Daouk mettront sur le compte de l’absence de moyens et surtout du manque d’organisation. « Occupée à gérer ses dissensions, l’opposition n’a pas eu le temps de mettre en place une équipe électorale efficace », commente un délégué à Ras-Beyrouth. Prévue longtemps à l’avance, la victoire de M. Hariri, pratiquement acquise, risque donc d’être dénuée de tout éclat. Et son leadership, « incontesté » à Beyrouth, pourrait bien être remis en cause. Jeanine JALKH
Il a décidé de voter pour Haïfa Wehbé, Nancy Ajram et pour la star égyptienne de la danse Dina. À Ras-Beyrouth, un électeur, qui a minutieusement confectionné sa propre liste, a choisi de tourner le scrutin en dérision, à l’instar d’une grande majorité des Beyrouthins. Les chefs du bureau lui ont signifié que Dina ne pourra malheureusement pas figurer sur son bulletin...