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Actualités - OPINION

Un appel aux Libanais d’outre-mer pour une renaissance culturelle Malgré tout, j’ose encore rêver!

Par Jean-Claude Turquieh* Né à Beyrouth et élevé au Liban, je me sens un «Libanais résidant» bien ancré dans cette «terre de lait et de miel». Cependant, j’ai émigré depuis plus de trente ans et je me sens appartenir à ce qu’on appelle le «Liban d’outre-mer». Cette double appartenance me permet néanmoins de faire, en même temps, partie intégrante de ces deux grandes communautés. Aussi, j’ai voulu me pencher sur une question d’une brûlante actualité, celle de l’émigration si chère à mon cœur, afin de clarifier certains aspects qui ne semblent pas avoir été traités avec la profondeur voulue. Tout d’abord, j’ai trouvé que l’émigration libanaise datait de bien avant la dernière guerre du Liban en 1975, fait que beaucoup de politiciens prennent, plutôt à tort qu’à raison, comme une base «réaliste» pour expliquer voire justifier leurs doctrines et stratégies négatives. Elle va même plus loin que la fondation de Carthage par les émigrés libanais (814 AC). En fait, depuis des millénaires, nos ancêtres, comme nous aujourd’hui, ont vu leurs terres et ressources matérielles et intellectuelles convoitées par leurs voisins proches et lointains. Par conséquent, et vu la faible superficie de leur pays et de ses maigres moyens, ils se sont tournés vers la mer. C’est ainsi qu’ils ont commencé la grande aventure maritime et commerciale qui les a emmenés dans tout le bassin méditerranéen, en Afrique, en Angleterre, et peut-être même dans les Amériques. Aujourd’hui, il n’y a pas un point du globe où on ne trouve des Libanais. Au passage, ils auraient établi, entre autres, les principes de navigation, d’architecture, de commerce, d’industrie, de finance et de communication, couronnés évidemment par l’invention du premier alphabet phonétique (1250 AC). Au début du XXe siècle, ils ont amorcé en Égypte le mouvement de renaissance des lettres arabes (...). En comprenant ce grand contexte historique, on analyse alors mieux les séquelles de la guerre de 1975, à travers un «pragmatisme positif» qui tient compte du grand tableau, au lieu du «réalisme négatif» qui analyse une petite étape de notre histoire sans bien la mettre en valeur. À partir de là, je dis «non» aux réalistes pessimistes: l’émigration libanaise n’est pas un fléau, c’est plutôt une mission honorable pour tous les Libanais et un bienfait pour le reste du monde. Le fait qu’il existe depuis plus de huit mille ans d’histoire, et en dépit de toutes les convoitises, tel «un roseau qui plie mais ne casse pas», le Liban est un témoignage indéniable de la ténacité de son peuple et de son génie. Probablement, le négativisme que je rencontre chez bon nombre de Libanais résidants et d’émigrés nous vient de préjugés datant de l’époque de la cruelle occupation ottomane, qui a duré plus de quatre cents ans et qui a opéré en nous un «lavage de cerveau» néfaste. C’est pour cela qu’au stade où nous en sommes, je dirais que nous avons besoin d’une renaissance! Oui, une Renaissance telle que l’Europe en a connu aux XVe et XVIe siècles, et qui l’a sortie du marasme de son Moyen Âge, pour la catapulter de plain-pied dans le monde moderne (...). Dès lors, je lance un appel à tous les intellectuels, penseurs, historiens, philosophes, artistes, hommes de science du Liban résidant et d’outre-mer, pour qu’ils se mettent à l’œuvre immédiatement en vue d’amorcer un mouvement de renaissance culturelle qui nous fera passer le cap de notre propre Moyen Âge et nous lancera dans l’engrenage du XXIe siècle. Je refuse de croire que le peuple qui a inventé l’alphabet phonétique fait partie de ce qu’on appelle, à tort ou à raison, le tiers-monde. Les Libanais méritent, rien que de par leur pluralisme culturel, d’être à l’avant-garde de l’humanisme universel. Au moment où en France, pays de la glorieuse Révolution de 1789, on débat encore, entre chrétiens et musulmans, de la question du port du voile, les Libanais eux, n’ont aucun mal à vivre ensemble, à plus de dix-sept communautés, en respectant la culture et la religion des uns et des autres. Quelle richesse culturelle et quel bel exemple d’humanisme dans un monde qui se veut de plus en plus radical et raciste! J’ai toujours essayé, en tant que Libanais d’outre-mer, de faire quelque chose de positif pour les émigrés entre eux, et en même temps pour aider les Libanais résidants. Voilà quelques idées qui vont dans ce sens : Côté politique: 1– Maintenir de bonnes relations entre le pays d’émigration et le Liban. 2– Maintenir de bonnes relations entre les émigrés eux-mêmes. 3– Créer un système de recensement des émigrés (l’Internet en faciliterait la tâche). 4– Créer un processus légal à travers lequel les émigrés qualifiés et qui le désirent pourraient reprendre leur nationalité libanaise. 5– Participer en force aux élections municipales des villes d’émigration, afin d’en influencer les résultats. Un objectif modeste en apparence, mais néanmoins plus facile et plus utile à atteindre que celui qui consisterait à influencer des élections présidentielles. N’oublions pas qu’en général, les élections municipales ne sont pas partisanes, et par conséquent plus faciles pour rallier les voix des émigrés. Côté commercial : 1– Encourager le jumelage des villes d’émigration avec des villes au Liban. 2– Encourager les échanges commerciaux, industriels, bancaires, scientifiques, médicaux, artistiques, touristiques, estudiantins, ouvriers, etc. à travers les villes jumelles. 3– Envoyer, par conteneurs, de l’aide médicale, alimentaire et vestimentaire pour les défavorisés au Liban, par le biais des villes jumelles. En organiser la distribution par l’intermédiaire et sous la direction des émigrés eux-mêmes et de volontaires libanais résidants qu’ils auront choisis, afin que l’aide arrive à destination. 4– Créer un programme de tour-vacances pour nos millions d’émigrés et leurs amis à travers le monde, qui leur permettra de participer à titre individuel à ce programme, sans avoir à recourir aux «vols charter». Et ce en vue de renflouer le marché libanais en devises rares, d’une part, et d’encourager les émigrés à renouer avec leur mère patrie, d’autre part. Au passage, le Liban serait mieux connu touristiquement à travers les amis de nos émigrés. Une vraie situation de «Win Win», gagnant sur plusieurs tableaux. 5– Une idée romantique… mais ne sommes-nous pas le peuple de Gibran Khalil Gibran ? Réserver exclusivement aux émigrés libanais un des guichets de la Sûreté générale à l’Aéroport international de Beyrouth, avec une réception folklorique symbolique. N’a-t-on pas une petite dette de reconnaissance envers ces millions de «Hannon libanais» qui sillonnent mers, terres et airs depuis des millénaires, afin que la mère patrie survive aux vicissitudes des siècles, et que le nom du Liban soit porté haut partout dans le monde? Je laisse au lecteur le soin de méditer sur cette idée romantique(...). Pour ma part, je vais commencer à San Diego, en Californie, avec la participation de toute la communauté libanaise là-bas(...). J’invite tous les émigrés de San Diego à mettre leur «five cents» dans cette action. Quand on aura réussi cette tâche, ce sera une expérience formidable pour nous, et un exemple à suivre pour d’autres communautés d’émigrés libanais, un même défi à relever. * Consul honoraire du Liban à San Diego (Californie, USA).
Par Jean-Claude Turquieh*
Né à Beyrouth et élevé au Liban, je me sens un «Libanais résidant» bien ancré dans cette «terre de lait et de miel». Cependant, j’ai émigré depuis plus de trente ans et je me sens appartenir à ce qu’on appelle le «Liban d’outre-mer».
Cette double appartenance me permet néanmoins de faire, en même temps, partie intégrante de ces deux...