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EN DENTS DE SCIE Made in Moukhtara

Trente-troisième semaine de 2004. L’éthique d’Aristote, tout entière consacrée à la recherche du bonheur, affirme que les vertus sont des dispositions acquises de la volonté, consistant en un « juste milieu », un équilibre entre les extrêmes. En diffusant cette semaine, à qui de droit, ses dix commandements axés sur le profil et le cahier des charges du successeur éventuel d’Émile Lahoud, Walid Joumblatt a déclenché la première phase d’un (très) long numéro d’équilibriste. Qu’il entend bien jouer accompagné. Comme un fildefériste qui part d’un néant sidéral, d’une liberté de décision locale totalement aliénée, pour arriver à une véritable et effective libanisation de la plus importante des échéances nationales : la présidentielle. Un fildefériste télécommandé à la fois par des convictions et des impératifs (un cœur et une raison) que la realpolitik pousse, presque toujours, au combat singulier, mais qu’une éthique (ou une logique ?) aristotélicienne peut rapprocher, tempérer, assouplir. De la même façon qu’un Libanais peut, en même temps, défendre « un engagement national », résistant et arabisant, ainsi qu’« un respect absolu des libertés ». Une libanisation, pour être réelle, pour s’incarner, pour dépasser les slogans et les bons sentiments, les conciliabules de couloirs et les chuchotements entre leaders, a impérativement besoin d’être institutionnalisée ; besoin de ce que l’incontournable Ghassan Salamé appelle « un mécanisme de libanisation ». Les dix commandements joumblattiens, exhaustifs, souples, malléables, conciliants et fermes, garants d’une incontestable libanitude et en harmonie totale avec les considérations régionales, appellent, intrinsèquement, à un dialogue national. Et deviennent ainsi le nécessaire déclic grâce auquel le mécanisme de libanisation peut se déclencher. Un espace et un seul est à même de permettre cette mise à feu salvatrice : la place de l’Étoile. Walid Joumblatt, même s’il ne s’y rend qu’aux grandes occasions, connaît parfaitement les vertus (même muselées comme depuis quelques années) de cette institution pour laquelle il doit avoir, depuis novembre 2000, une tendresse certaine. Il sait pertinemment que seul l’hémicycle pourrait légitimer cette libanisation qu’il a appelée, clairement, de ses vœux. Les dix commandements édictés par le PSP et distribués aux membres du Rassemblement démocratique vont être soumis à l’appréciation et aux remarques de la quasi-majorité des parlementaires. Et c’est là que le décalogue, qui ressemble, à une première lecture, à un bottin d’évidences, prend toute sa très grande importance. Les joumblattistes, les haririens, les berryistes et les députés de l’opposition (Kornet Chehwane et affiliés) – sans compter le probable aval, même silencieux, des autres, à commencer par le Hezbollah – pourraient-ils faire exprès de ne pas s’entendre sur un, trois ou cent vingt candidats, déclarés ou pas, parlementaires ou pas, et dont le profil, la vision, les idées seraient compatibles, d’une façon optimale, avec les dix commandements du 12 août 2004 ? Lesquels commandements pourraient, sans aucune difficulté, satisfaire l’ensemble du landernau politique libanais, dans toute sa diversité. Walid Joumblatt a pris cette semaine une heureuse initiative, unique en son genre, essentiellement républicaine et fondamentalement démocratique. Pourra-t-il, avec ses éventuels futurs partenaires, la mener jusqu’au bout, surtout en cas de mot d’ordre extérieur qui viendrait s’opposer à la décision libano-libanaise ? Nul besoin d’être « expert en théologie » ou cartomancien pour deviner la malheureuse réponse. Même si rien, dans l’absolu, n’empêche les représentants du peuple (ou ne serait-ce que leur majorité) de respecter l’opinion publique libanaise, de vouloir ne pas revenir sur leur décision. Reste que cette étape-clé, indispensable si l’on veut préserver comme une prunelle d’œil l’exception politico-culturelle libanaise en région arabe ; indispensable si l’on veut conforter les coutumes made in Lebanon – respect de la Constitution, de la démocratie, de l’alternance – aura été franchie. Et pourra, le cas échéant, faire jurisprudence. Ziyad MAKHOUL
Trente-troisième semaine de 2004.
L’éthique d’Aristote, tout entière consacrée à la recherche du bonheur, affirme que les vertus sont des dispositions acquises de la volonté, consistant en un « juste milieu », un équilibre entre les extrêmes.
En diffusant cette semaine, à qui de droit, ses dix commandements axés sur le profil et le cahier des charges du successeur...