Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Des règles de jeu modifiées au détriment de la démocratie

Amère nostalgie : des politiciens de la vieille école constatent que l’élection présidentielle au Liban n’a plus que de lointains rapports avec la démocratie. Jadis, rappellent-ils, les formations politiques, les partis et les blocs parlementaires choisissaient parmi leurs membres un candidat, ce qui était bien normal. Ou alors, s’ils n’avaient personne sous la main, proclamaient leur appui à tel ou tel postulant, en base d’alliances claires. L’opinion savait, bien à l’avance, à quoi s’en tenir et soutenait de son côté une tendance déterminée. Le panier de présidentiables était aussi connu que limité. Car le prestige de la fonction était si élevé que seules deux ou trois personnalités pouvaient logiquement y prétendre. D’autant que le président de la République était le détenteur du vrai pouvoir. L’immixtion étrangère était elle aussi limitée dans des proportions raisonnables. Ou parfois inexistante, comme en 1970, pour le duel Frangié-Sarkis. En tout cas, la compétition, signe de démocratie, était serrée et la victoire emportée par quelques petites voix de différence. Ou même par une seule, comme en 70 aussi. On n’attendait pas d’un candidat qu’il proclamât un programme quelconque. Car on en connaissait bien la ligne politique, les idées, le parcours ou le passé. C’était donc avant tout une question de confiance. Ce qui était normal et logique, vu que la Constitution antérieure accordait à la présidence de la République des pouvoirs régaliens. Elle allait d’ailleurs si loin dans ce sens que les chefs d’État successifs lui préféraient des pratiques plus coulantes, plus consensuelles. Pour ménager le principe de la coexistence sur lequel se fonde l’entité libanaise. Ainsi ils renonçaient au droit constitutionnel de nommer eux-mêmes directement un gouvernement et de choisir parmi ses membres un Premier ministre. Pour procéder à la place à des consultations parlementaires débouchant d’abord sur la désignation d’un président du Conseil, avec lequel ils organisaient la composition du cabinet. En tout cas, les nouveaux présidents de la République n’ajoutaient rien au serment d’investiture constitutionnel, ne faisaient pas de déclarations les engageant pour la suite. Car ils auraient risqué de se voir reprocher ensuite de ne pas avoir tenu parole... À l’origine, la nature démocratique de l’élection avait été confortée par une bipolarité politique certaine. On sait en effet que la rivalité entre Béchara el-Khoury et Émile Eddé traduisait un clivage général d’opinion. L’un avait été soutenu par les Britanniques, l’autre par les Français. Parce que le pays était divisé entre deux courants d’idées distincts. Celui du Destour et celui du Bloc national. En tout cas, les Libanais savaient qu’ils seraient dirigés par un grand homme d’État, que cela fût Béchara el-Khoury ou Émile Eddé, qui ont tous deux été présidents. Quand Camille Chamoun et Hamid Frangié, deux autres grands hommes d’État, se sont affrontés, les voix étaient au départ pratiquement à égalité. Mais le régime syrien de Chichakli était intervenu auprès de députés tripolitains, ce qui avait fait pencher la balance en faveur de Chamoun. Frangié s’est alors désisté et Chamoun a été élu à l’unanimité. Bien entendu, les députés n’étaient pas divisés au sujet d’un programme de pouvoir. Mais d’une ligne politique et aussi d’une technique d’application, d’une méthode d’action qui étaient bien identifiées. Frangié était le chevalier zghortiote, toujours prêt à se battre pour faire triompher le droit. Et Chamoun avait alors le label de champion de la cause arabe. En tout cas, encore une fois, les Libanais savaient que l’un et l’autre étaient dignes de la présidence. Il en allait de même, par la suite, pour Fouad Chéhab et Raymond Eddé. Ils étaient tous deux appuyés par des groupes parlementaires. Mais les États-Unis ont opté pour le général, faisant pencher la balance en sa faveur. Et il ne l’a emporté qu’au second tour. Ce sont également deux blocs parlementaires, celui du centre et celui des nahjistes, qui se sont affrontés lors de la compétition entre Sleiman Frangié et Élias Sarkis. Bref, l’élection présidentielle était alors une épreuve démocratique impliquant les représentants de la nation, bien plus qu’un diktat qui reste en suspens jusqu’à la dernière minute. Ce qui fait que jusqu’au dernier instant, les Libanais baignent dans l’incertitude et la confusion. Loin de tout esprit démocratique. Émile KHOURY
Amère nostalgie : des politiciens de la vieille école constatent que l’élection présidentielle au Liban n’a plus que de lointains rapports avec la démocratie. Jadis, rappellent-ils, les formations politiques, les partis et les blocs parlementaires choisissaient parmi leurs membres un candidat, ce qui était bien normal. Ou alors, s’ils n’avaient personne sous la main,...