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Actualités - REPORTAGE

De Beyrouth à Paris et Montréal, la longue quête d’Antoine Khater La démocratie au P-O grâce à la science (photo)

MONTRÉAL – Danielle JAZZAR NOUJEIM Un grand nombre de nos compatriotes sont partis pour des raisons multiples et ont fait du monde leur patrie. Certains d’entre eux se sont distingués et ont grimpé un à un les échelons d’une belle carrière internationale sans toutefois perdre de vue le Liban. Antoine Khater compte parmi ceux qui ont foi en une société meilleure. Tout en consacrant sa vie à sa passion pour l’enseignement et la recherche, il a toujours un objectif : faire évoluer le Liban vers une vraie démocratie. Son aspiration suprême est d’amener les sociétés libanaise et arabe à mûrir par le biais de la science. Un long cheminement l’a conduit à vivre aujourd’hui à Montréal avec sa famille. Détaché par les ministères français des Affaires étrangères et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche auprès des universités québécoises, il est coordonnateur pour le développement de la coopération universitaire entre la France et le Québec. Au terme d’une scolarité à Brummana High School, Antoine Khater décroche une bourse du gouvernement britannique pour faire ses études supérieures à Londres. Il revient au Liban en 1972 avec un titre de Ph.D. (docteur) en physique théorique, et la ferme détermination de réaliser son rêve : contribuer à la vie universitaire et au développement scientifique dans le pays. Reconstruire, inlassablement Professeur à l’Université libanaise, Antoine Khater monte à l’époque le laboratoire de recherche optique de la faculté des sciences de Hadeth, qui sera détruit en 1976 lors des combats. « J’ai vu mes espoirs réduits en poussière, se souvient-il. Des miliciens, inconscients de l’importance de ces laboratoires, écrasaient les cristaux optiques avec leurs bottes pour vérifier s’il ne s’agissait pas de diamants. » Refusant de se laisser décourager par la guerre, il revient au Liban en 1980, après quatre années d’enseignement universitaire à Londres et au Brésil, avec la ferme intention de contribuer à reconstruire les établissements d’enseignement détruits. En 1981, il fait équipe avec le ministre de l’Éducation nationale et de la Culture, M. Issam Khoury, « un homme de grande valeur, un humaniste », dont il est le chef de cabinet. Dans le cadre du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), il obtient des fonds internationaux pour la réhabilitation et le développement de 1600 écoles primaires et secondaires, des établissements universitaires, ainsi qu’un projet de reconstruction de la Cité sportive. Il obtient même un budget de 400 000$ pour reconstruire le laboratoire de la faculté des sciences de Hadeth. Toujours dans l’espoir d’améliorer la qualité de l’enseignement au Liban, il négocie la programmation et le financement par l’Allemagne, le Japon et l’Unicef de la formation continue des fonctionnaires-cadres des ministères techniques, et travaille à l’ébauche d’une loi unique et alors inexistante pour encadrer tous les diplômes de 2e cycle et de doctorat. Alors qu’il avait obtenu de l’Occident des fonds pour la reconstruction des écoles, la reprise de la guerre réduit ses efforts à néant. Avec l’invasion israélienne, les forces du désordre reprennent le dessus sur la planification et la reconstruction d’une société civique. De grands défis Le départ de plusieurs de ses collègues de l’Université de Hadeth vers Mansourieh en 1984 a porté le coup de grâce à son ambition. Croyant en un Liban unique et refusant la division en deux secteurs, il décide de partir. « Mes espoirs de contribuer à créer un État moderne et stable se sont envolés, dit-il. Je sentais que ce projet ne serait plus celui de ma génération; par contre, ma passion pour la science me poussait à quitter le pays. » Partir, oui, mais dans un pays qui aime le Liban et où il pouvait pratiquer recherche et enseignement. Le seul ami fidèle du Liban étant alors la France, ce fut la destination choisie par Antoine Khater. Tout un défi, car il n’avait jamais appris le français. Quatre ans plus tard, en 1989, il se hisse au rang de professeur titularisé, parfaitement francophone, à l’Université du Maine, au Mans. Cet objectif atteint, il recommence à penser au Liban et crée deux projets de coopération scientifiques avec les facultés des sciences de l’Université libanaise et de l’AUB, toujours dans la perspective de se rendre utile et de contribuer au développement de la région. Grâce à sa grande expérience de la coopération internationale, il est chargé en 2001 par le ministère français des Affaires étrangères de coordonner le projet de l’Université française d’Égypte. Il mène à bien ce projet, en étroite collaboration avec les représentants officiels français au Caire. Aujourd’hui, sa route le mène à Montréal pour une mission très précise, celle de renforcer la coopération universitaire entre la France et le Québec. Il a eu le privilège d’être choisi par le ministère français des AE pour sa volonté constante de bâtir une société meilleure. Fier de représenter la France, Antoine Khater ne perd jamais de vue le Liban, pour lequel il a des projets. « Je voudrais que le Liban et les pays arabes soient conscients qu’on ne peut pas créer une société moderne et démocratique si les universitaires ne disposent pas de leurs propres activités de recherche avec un système d’enseignement adéquat », affirme-t-il. Ce savant physicien n’a qu’un outil pour arriver à ses fins, la science. Il est persuadé que la vulgarisation scientifique est un moyen sûr et efficace pour ouvrir le monde arabe à la démocratie. « La démocratie est la recherche d’une société vraie et juste. La science est la recherche de la Vérité dans la nature, elle favorise la transparence. Le manque de connaissance scientifique laisse des populations entières dans l’ignorance, encourage le mensonge du pouvoir et mène à la dictature », juge-t-il. Évoluer dans les hautes sphères de la connaissance aurait pu confiner Antoine Khater à la théorie pure. Bien au contraire, son aspiration suprême étant d’amener les sociétés du Proche-Orient à mûrir par le biais de la connaissance scientifique, il n’hésitera pas à mettre sa science à leur niveau. Enseigner, éduquer pour ouvrir les esprits, telle est sa devise.

MONTRÉAL – Danielle JAZZAR NOUJEIM

Un grand nombre de nos compatriotes sont partis pour des raisons multiples et ont fait du monde leur patrie. Certains d’entre eux se sont distingués et ont grimpé un à un les échelons d’une belle carrière internationale sans toutefois perdre de vue le Liban.
Antoine Khater compte parmi ceux qui ont foi en une société meilleure....