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Actualités - OPINION

PRÉSIDENTIELLE - Interrogations sur les potentialités curatives du régime Les déconvenues du passé hypothèquent l’avenir

«il n’y a pas de régime corrompu, mais des pourris sous tous les régimes. » Le mot du président Émile Lahoud lors de la fête de l’Armée retient l’attention. Par sa portée politique et, pour ainsi dire, nominale. À ce propos, un député rappelle qu’interrogé en 98 sur le prochain président, le patriarche Sfeir, en partance pour Rome, avait souhaité à l’AIB l’avènement d’un homme capable, ayant de la pratique. Ce mot avait fait sursauter les pôles qui militaient pour le général. L’un d’eux s’est rendu auprès du prélat, après son retour de la Ville éternelle, pour lui demander s’il sous-entendait qu’Émile Lahoud, versé dans l’art militaire, manquait de culture politique. Le cardinal lui avait répondu qu’il vouait de l’affection autant que de l’estime au général Lahoud. Soulignant qu’il avait réussi à réédifier l’armée en l’unifiant sur des bases nationales. Pour souligner cependant qu’il avait tout lieu de craindre que l’intéressé ne réussisse pas à rebâtir un État des institutions, tâche qui nécessite autant de vaste expérience que de labeur acharné. Ajoutant que les autres institutions n’ont pas la même discipline, la même docilité que l’armée, pour être aussi facilement remodelées en mieux. Ainsi, un officier exécute les ordres avant de les contester. Tandis qu’un cadre civil peut non seulement critiquer tout de suite, mais encore ne jamais appliquer les consignes. De fait, note le même député, c’est cette déconvenue que le président a connue. Il n’a pas pu, à cause des blocages, donner corps aux engagements pris dans son discours d’investiture. La réforme administrative et a fortiori l’assainissement des mœurs politiques sont restés lettre morte. Sans doute en raison d’une certaine méconnaissance des complexités ambiantes, les nominations ou les mises à l’écart effectuées en début de régime ont porté à faux. Elles ont été parfois invalidées par les tribunaux administratifs. Elles ont aggravé en outre le problème de l’inactivité, coûteuse, des cadres mis à disposition. Pour retourner à l’actualité, un leader opposant s’étonne qu’un chef de l’État se plaigne de l’État ou le pleure. Ce droit de protestation appartient sans doute au citoyen ordinaire, pas à un responsable et encore moins à un dirigeant. Car ce serait, dans le fond, une autocritique impliquant que l’on veut démissionner. Le devoir commande que l’on s’efforce de corriger les choses qui ne vont pas. De combattre la corruption, jusqu’à la fin. Et, si l’on n’en vient pas à bout, de dévoiler les raisons devant l’opinion publique. Mais seulement après avoir quitté le pouvoir. Car tant qu’on est en charge, il ne faut pas renoncer, ni baisser les bras, ne pas s’avouer vaincu, mais travailler. Sans se plaindre et sans fermer les yeux sur les pourris. C’est à cette aune d’action que l’on juge les régimes. Ainsi l’ère de Béchara el-Khoury restera dans les mémoires comme celle de l’indépendance et celle de Camille Chamoun comme un pic de prospérité nationale. Tandis que la période Chéhab se distingue par les plans et les réformes. On retiendra du mandat Lahoud qu’il aura été marqué par la libération du Sud. Mais il ne faut pas, surtout quand le président met tellement l’accent sur ce point, que le tableau soit entaché aux yeux de l’histoire par le facteur de la corruption. C’est une façon de laisser entendre que, tactiquement, le régime devrait éviter d’insister sur un tel thème. Pour la bonne raison, poursuit la même personnalité indépendante, qu’en tant que responsable, le nom de tout régime reste associé à ce qui se produit de marquant sous son règne. Se laver les mains de la corruption n’est pas suffisant. Puisqu’on affirme qu’il y a des pourris, il faut indiquer ce que l’on en a fait. Le laxisme constant fait que le mal se transmet de régime en régime, les coupables étant pratiquement sûrs de l’impunité et multipliant leurs exploits partout. La caste politique, elle-même atteinte, cultive le copartage et se trouve responsable de l’élection des dirigeants. Le régime est tenu d’enjoindre publiquement au gouvernement de prendre des mesures concrètes et judiciaires pour éradiquer la corruption. Si le gouvernement se dérobe, le président a le droit, le devoir même, d’en appeler à la Chambre pour qu’elle demande des comptes au cabinet et, éventuellement, lui retire sa confiance. Du temps d’Élias Sarkis, Fouad Boutros signait dans le Nahar un article sur le thème de la justice face à la corruption. Il y relevait que cette force tranquille qu’est la corruption avait toujours occupé, calmement, la scène de la collectivité. En notant qu’au fil des années, le mal s’était fait aussi général que virulent. Attribuant l’épidémie autant à l’échec des tentatives de réforme administrative qu’aux retombées de la guerre intestine. Boutros signalait, dès cette époque, que les pourris avaient un fort sentiment d’immunité. Il ajoutait que la population aspirait à un État de droit. Pour signaler que le recours à la justice seule, comme moyen de traiter un vaste problème sociopolitique, ne pouvait apporter de solution de fond. Qu’il y aurait là, c’est-à-dire en engageant la justice d’une manière isolée, une fuite en avant du politique. L’ancien ministre se demandait, toujours en substance, si l’activation en justice de divers dossiers de corruption n’entraînerait pas un déchaînement d’interventions politiciennes. Pour conclure que la démocratie se condamnerait à mort si le système continuait à fermer les yeux, à ne pas lever le petit doigt contre une flagrante corruption. De son côté Ghassan Tuéni écrivait auparavant que la démocratie permet de dévoiler, puis d’abattre, la corruption ; alors qu’un système totalitaire la camoufle, de sorte qu’elle n’est révélée qu’après son effondrement. Émile KHOURY

«il n’y a pas de régime corrompu, mais des pourris sous tous les régimes. » Le mot du président Émile Lahoud lors de la fête de l’Armée retient l’attention. Par sa portée politique et, pour ainsi dire, nominale.
À ce propos, un député rappelle qu’interrogé en 98 sur le prochain président, le patriarche Sfeir, en partance pour Rome, avait souhaité à l’AIB...