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Carnet de voyage - Une étudiante libanaise de l’École centrale de Paris raconte son périple indien IV - Pondichéry, une enclave à la manière française...

Comme chaque lundi (voir également notre numéro du 26 juillet), « L’Orient-Le Jour » publie le périple indien de notre lectrice Sarah Hatem. Mlle Hatem est arrivée à Madras avec dix camarades de l’École centrale de Paris, pour aider à la construction d’une école sur un chantier dont ils ont assuré le financement. Voici le récit de son voyage : Avec son plan de ville en échiquier, son monument aux morts de 1914-1918, son lycée français, sa statue de Jeanne d’Arc, ses restaurants français : Le Rendez-Vous, Le Bistrot... Pondichéry donne l’impression d’être une petite ville française. Siège de la compagnie des Indes-Orientales durant trois siècles, le comptoir est rétrocédé à l’Inde en 1954 sous le gouvernement de Pierre Mendes France. Un canal sépare le quartier indigène côté continent du quartier colonial côté mer. Et en quelques mètres, on passe d’un monde à l’autre : les bazars, big markets et motocyclettes ; le brouhaha, le désordre laissent place aux rangées d’arbres fleuris, vélos, et au calme paisible des villes de bord de mer françaises. Malgré « l’indianisation » progressive, le passé français est toujours ressenti. Il suffit d’écouter les autochtones parler français. Croyez-moi, même le petit marchand ambulant est capable de vous lancer, avec ce délicieux accent que je n’ai nulle part ailleurs entendu, un « comment allez vous ? », ou encore un « oui, oui bien sûr madame ». Et rien que pour satisfaire votre gourmandise, et faire durer le plus longtemps possible la saveur de ces formules quelconques qui dans leur bouche se métamorphosent en une exquise mélodie, vous leur achetez une flûte en bois, un tambour, ou un collier... sans pour autant brûler l’étape inévitable du marchandage. Et il suffit de demander un « special price », pour que l’objet perde le quart de sa valeur, puis de se retourner en feignant le désintérêt, pour se faire vite rattraper et s’en tirer enfin avec une remise de cinquante pour cent. Chacun y trouve son compte. Mais je dois admettre que je prends un immense plaisir à marchander – les Indiens aussi d’ailleurs – et mes camarades me laissent volontiers le terrain. Le marchandage pour le marchandage. Après tout, je ne suis pas libanaise pour rien ! Et quel bonheur de se promener dans les ruelles du quartier colonial. Je ne me lasse pas de contempler ces élégantes bâtisses grises dont les murs sont encadrés de bordures blanches et où s’alignent, à chaque étage, une rangée de fenêtres blanches en bois, ces coquettes demeures ocre aux volets marron soutenues pas de magnifiques colonnades blanches. Rue de la Marine, je m’arrête devant une somptueuse maison de couleur lilas et aux volets bleu ciel, qu’une généreuse végétation embrasse. Au même instant, un pousse-pousse passe devant moi. Je lui demande de bien vouloir reculer et puis d’avancer lentement devant la maison... pour que je puisse prendre ma photo. En fin de compte, je photographie la maison et le pousse-pousse, mais un heureux imprévu se glisse à la dernière seconde dans le tableau : un policier qui arbore – devinez quoi – un képi rouge ! Il est 16h00 et c’est la sortie des classes. Les garçons en bermuda bleu marine et chemisette bleu ciel me rappellent nos petits scouts. Pour les filles, le bermuda bleu marine est remplacé par un tablier de la même couleur, et les couettes tressées sont attachées par des rubans assortis à la tenue. Puis nous tombons par hasard sur le consulat français. Nous sommes accueillis – en français évidemment – par M. Gopal, chauffeur du consul. Il nous raconte l’époque coloniale, son enfance imprégnée de la culture française... Nous le quittons à regret car le temps presse et nous tenons à visiter l’Ashram avant la tombée de la nuit. L’Ashram de Sri Aurobindo. Mais au fait, que signifie Ashram ? On me répond que c’est le « travail sur soi ». La philosophie de l’Ashram est à la fois manière de vivre, de voir le monde, d’approcher le divin. Les méditations, les séances de yoga sont au centre des réflexions. La visite de l’Ashram est déstabilisante pour la non – initiée que je suis. Partout sur les murs, sont exposées des photos de Sri Aurobindo, le fondateur et « maître » spirituel, et de Mira Alfassa, ou « mother », française qui, de passage avec son mari a Pondichéry en 1914, a tout laissé tomber pour se consacrer à ce travail spirituel. La tombe du « maître » est un lieu de recueillement et une ambiance spéciale – je dirais même bizarre ; pardonnez-moi mon ethnocentrisme – y règne. Finalement, je ne suis pas certaine d’avoir saisi l’essence même de l’Ashram. La fabrique de papier gérée par l’Ashram est un passage obligé. Ici les méthodes de fabrication sont traditionnelles. Le matière première – coton, jute, bois – est découpée, chauffée dans une mixture chimique. La pâte résultante est ensuite posée à plat en fines couches qui séchées donnent les feuilles de papier. Une particularité de cette fabrique : chaque bain de pâte est assaisonné d’un ingrédient spécifique : canne à sucre, laine, banane, feuilles de thé... Et il est amusant de comparer au toucher les textures. La magie et le charme du lieu sont tels qu’on en sort la tête pleine de rêves d’une autre époque, époque faite de mots doux, écrits en cachette à l’encre de Chine, et sur du papier artisanal... et le sac rempli d’achats ! Sarah HATEM
Comme chaque lundi (voir également notre numéro du 26 juillet), « L’Orient-Le Jour » publie le périple indien de notre lectrice Sarah Hatem. Mlle Hatem est arrivée à Madras avec dix camarades de l’École centrale de Paris, pour aider à la construction d’une école sur un chantier dont ils ont assuré le financement. Voici le récit de son voyage :
Avec son plan de ville...