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Environnement - Débat sur les lacunes dans l’application de la loi 341 Absence de contrôle et mépris des normes, principales causes de la pollution de l’air

Qu’est-il advenu de la loi n° 341 portant sur la lutte contre la pollution de l’air causée par le secteur des transports, adoptée en 2002 ? Le bilan paraît aujourd’hui plus que mitigé : conformément à la loi, le mazout a été interdit pour trois catégories de véhicules, mais faute de stratégie complète, les indemnités n’ont pas été entièrement versées aux chauffeurs ; la colère gronde avec la hausse du prix de l’essence, et des voix s’élèvent pour demander une réautorisation de l’utilisation du mazout (qui continue dans tous les cas d’être employé dans les régions hors de Beyrouth). Des modifications suggérées à la loi n° 341 se sont heurtées à des divergences au sein des commissions parlementaires mixtes et n’ont pas encore été adoptées. Toutes ces questions ont été débattues hier lors d’une conférence organisée à l’hôtel Méridien-Commodore par le Comité national pour le développement et l’environnement, en association avec Friedrich Ebert. Mais les discussions ne se sont pas limitées à la question de la loi. Elles ont révélé une série de scandales en relation avec le contrôle mécanique, la qualité de l’essence, les voitures fonctionnant au gaz... Afin de relancer le débat à un niveau aussi global que possible, le président du Comité national pour le développement et l’environnement (association écologique), Habib Maalouf, avait convié des représentants de tous les ministères et commissions concernés. Ont répondu à l’appel Akram Chehayeb, président de la commission parlementaire de l’Environnement, Berge Hatjian, directeur général du ministère de l’Environnement, Farjallah Srour, directeur général du trafic, qui représentait le ministre de l’Intérieur, Antoine Semaan, directeur de Libnor (pour les normes), et une représentante du ministère des Finances. Comble de l’ironie, le ministre de l’Énergie s’est fait représenter par une personne employée dans le département de l’eau. Quant au ministère du Transport, il n’était pas représenté, bien que le directeur général ait promis de se joindre au groupe. Enfin, le président de la commission parlementaire de l’Énergie, Mohammed Kabbani, n’a pu faire acte de présence en raison de sa participation à une réunion portant sur l’électricité. M. Chéhayeb a lancé une série d’affirmations qui sont autant de scandales empêchant, selon lui, une application stricte et efficace d’une politique du transport. « Il y a 2 700 stations d’essence dans le pays, et seulement sept contrôleurs au ministère des Finances, révèle-t-il. Il leur est impossible de mener à bien leur tâche, et ils peuvent juste s’assurer de la conformité des prix. » Selon lui, le contrôle est rendu encore plus difficile en raison de la porosité des frontières. « De plus, le gouvernement est le premier contrevenant puisque le ministère du Pétrole continue d’importer un fuel à haute teneur en soufre, au mépris des normes en vigueur », a ajouté M. Chéhayeb, soulignant qu’à son avis, « il n’y a pas de mazout écologiquement acceptable ». « Si on réautorise le mazout dans les catégories de véhicules prohibées, ce sera un retour en arrière sans que la crise socio-économique ne soit réglée pour autant, a-t-il poursuivi. Il est nécessaire que le ministère des Finances paye leur dû aux chauffeurs, mais la population a aussi droit à un environnement propre, surtout que la facture de santé résultant de la pollution est particulièrement onéreuse. » Par ailleurs, il s’est lancé dans une diatribe contre ce qu’il a appelé « l’échec de la privatisation du contrôle mécanique », un avis que partage M. Maalouf. Le député a révélé qu’« il arrive que des automobilistes obtiennent une attestation favorable du centre sans faire subir le test à leur voiture, pour un prix de 40 dollars ». M. Maalouf a renchéri : « La privatisation ne peut être réussie que si l’État est fort. » M. Srour, pour sa part, a nié que de telles contraventions aient lieu au centre de contrôle mécanique, précisant que « le ministère de l’Intérieur est prêt à combattre les pots-de-vin et les anomalies s’il en a les preuves ». Le gaz, danger ou solution ? M. Hatjian a, de son côté, insisté sur le fait que la loi n° 341 restait incomplète puisque le secteur des transports n’est pas la seule cause de pollution de l’air. Il s’est déclaré favorable à l’adoption d’une stratégie plus complète, traitant davantage en profondeur ce problème, exacerbé par des facteurs comme le changement climatique dû à l’augmentation du volume des gaz à effet de serre dans l’atmopshère. Pour lui, il s’agit là de la responsabilité du ministère de l’Environnement, qui « tente de se doter des outils nécessaires pour venir à bout de cette tâche ». M. Hatjian a déploré la politisation excessive de cette question, sachant qu’« il ne faut pas la limiter à l’utilisation du mazout dans telle ou telle catégorie de véhicules ». « Les polluants résultant du mazout sont sensibles à la gravité (terrestre), et sont donc plus visibles parce qu’ils restent à notre niveau, a-t-il expliqué. Cela ne veut pas dire que l’essence ne dégage pas de particules, mais celles-ci ont tendance à s’élever dans l’atmosphère. Or, comme nos villes sont à proximité de montagnes, les particules retombent fatalement. Voilà pourquoi on ne peut combattre la pollution de l’air que d’une manière plus globale. » Une autre question largement soulevée lors de la conférence est celle de l’installation de moteurs à gaz dans les voitures. Cette pratique, appréciée en théorie par les écologistes parce que le gaz reste le fuel le plus propre tout en étant économique, s’est développée au Liban sans cadre juridique approprié. M. Srour a rappelé que le ministère de l’Intérieur a récemment fermé les garages qui exercent cette activité, alors que MM. Chéhayeb et Maalouf ont encouragé l’État à légiférer dans ce sens, évoquant les expériences réussies de l’Égypte et de la Grèce. Le Pr Farid Chaabane, de l’AUB, évoque toutefois les désavantages de l’adoption d’une telle solution dans la conjoncture actuelle. « Nous n’avons pas l’infrastructure nécessaire, soutient-il. De plus, il faut se demander si nous disposons des quantités suffisantes de gaz pour desservir un grand nombre de véhicules. Actuellement, en l’absence de toute législation et de tout contrôle, certains se contentent de placer une bonbonne de gaz domestique, non appropriée, dans leur véhicule, ce qui peut causer un danger public. » Selon M. Semaan, Libnor a mis au point des normes pour l’installation de moteurs à gaz et l’utilisation de ce carburant. Une voiture pour 1,9 habitant Les discussions ont également porté sur d’autres points soulevés dans le texte d’amendement de la loi n° 341, non adopté par les commissions mixtes. Le retrait de 10 000 plaques d’immatriculation rouges, par exemple. M. Maalouf a contesté le bien-fondé de cette décision si elle n’est pas accompagnée de l’organisation d’un secteur en plein chaos (de nombreux véhicules travaillent sans permis). « Si des mesures d’organisation n’accompagnent pas cette initiative, on sera en train de gaspiller 1,5 milliard de livres libanaises en indemnisations, selon nos calculs », a-t-il soutenu. Un autre sujet a été largement abordé, celui de la nécessité de réduire le nombre croissant de voitures individuelles au Liban et de développer, par conséquent, le transport public. « Il y a une voiture pour 1,9 habitant au Liban, a déclaré M. Maalouf. C’est de la pure perte pour un pays qui n’est pas producteur de voitures. Non moins de 50 % du budget alloué au développement ces dernières années a été réservé au réseau routier et au transport. » Dans les recommandations finales, l’accent a été mis sur la réduction de l’utilisation du mazout au maximum, sur la lutte contre la contrebande des carburants par voie terrestre en provenance de Syrie et sur le respect des normes. Les écologistes ont insisté sur la nécessité de l’adoption rapide des décrets concernant les taux d’émission admissibles. L’application du code de la route et le contrôle mécanique strict ont, bien sûr, été évoqués, ainsi que la mise au point d’un cadre juridique et d’un système de contrôle pour l’utilisation du gaz. L’acquisition de stations de mesure de la pollution, fixes et ambulantes, a été évoquée comme une priorité. Enfin, les écologistes ont recommandé une remise en question de toute la politique de transport et de la privatisation du contrôle mécanique. S. B.
Qu’est-il advenu de la loi n° 341 portant sur la lutte contre la pollution de l’air causée par le secteur des transports, adoptée en 2002 ? Le bilan paraît aujourd’hui plus que mitigé : conformément à la loi, le mazout a été interdit pour trois catégories de véhicules, mais faute de stratégie complète, les indemnités n’ont pas été entièrement versées aux...