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Actualités - CHRONOLOGIE

SOCIÉTÉ - Séminaire de l’OIT adressé aux inspecteurs, aux employés et aux patrons Sida : comment combattre la discrimination sur le lieu du travail

Le sida n’est pas qu’un problème de santé. Avec sa transmission rapide (il y aurait aujourd’hui 37 millions de cas dans le monde, sans compter les 20 millions de décès depuis le déclenchement de la maladie), ce redoutable fléau a un impact sur tous les domaines et sévit désormais dans tous les pays, selon les informations des Nations unies. Le monde du travail est, de toute évidence, durement touché par la multiplication des cas, et ce de multiples façons et pour plusieurs raisons. C’est ce sujet qui a été traité lors d’un séminaire, organisé hier à l’hôtel Marriott par le bureau régional de l’Organisation mondiale du travail (OIT), en collaboration avec les ministères du Travail et de la Santé, et avec des représentants de l’Association des industriels libanais et de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL). Les personnes porteuses du virus ou malades du sida sont le plus souvent victimes de discrimination, qu’elle soit familiale ou sociale, mais aussi sur le lieu du travail. Voilà pourquoi le séminaire s’adressait principalement aux inspecteurs des différents ministères (il y avait aussi certains patrons) afin de leur donner les outils indispensables pour défendre les droits de ces travailleurs atteints, mais aussi pour sensibiliser la population aux réelles implications de la présence d’un malade au sein d’une équipe (à titre d’exemple, le fait que le virus ne se transmet que par certaines voies et ne constitue pas un danger par la simple proximité). Certes, il a été constaté que la tâche est rude, surtout dans le monde arabe où, malgré les changements de mœurs qui en font un terrain fertile pour la propagation de la maladie, le déni reste très puissant. Dans les interventions du Dr Nabil Watfa, directeur de l’équipe multidisciplinaire au bureau régional de l’OIT, de Manal Azzi, consultante au sein de l’OIT, et du Dr Moustapha el-Naqib, directeur du Programme national de lutte contre le sida au ministère de la Santé, de nombreuses statistiques et informations sur la maladie dans le monde et au Liban ont été transmises. Selon Mme Azzi, le nombre de cas dans les pays arabes varierait de 600 000 à 800 000, mais le comportement envers la maladie reste imprégné d’ignorance, alors même que la propagation du virus s’accélère. À signaler qu’en 2002, le nombre de personnes atteintes était officiellement de 400 000. Dans le monde arabe, les femmes représentent 55 % des cas, ce qui a un impact direct sur la transmission aux enfants. Pour ce qui est du Liban, le Dr Naqib a donné les chiffres officiels qui font état de la contamination de 765 personnes, dont 81 % d’hommes et 18 % de femmes (contrairement à la tendance mondiale selon laquelle les femmes formeraient plus de 50 % des cas). Mais, selon lui, le chiffre est sous-estimé. Il ajoute qu’on pourrait évaluer le nombre de cas à quelque 2 500, mais là aussi, aucune certitude. Parmi ces personnes atteintes du virus, 90 % sont libanaises, et le reste syriennes et palestiniennes résidant au Liban. Dans le monde, il y avait 42 millions de cas en 2002, 37 millions aujourd’hui, et 20 millions de décès depuis 1980. Mais selon l’UNAIDS (le Programme commun des Nations unies concernant le sida), il y aurait 68 millions de cas en 2020. Les statistiques évoquées par Mme Azzi prouvent que la propagation du sida peut être très rapide et la situation peut devenir catastrophique au cas où elle n’est pas prise en main : ainsi, en Afrique, la région la plus durement touchée avec 70 % des sidéens dans le monde, le taux de contamination est passé de 0,7 % de la population en 1990 à 22,4 % en 1998. Or, comme l’a fait remarquer le Dr Naqib, la mise au point d’un vaccin n’est pas pour bientôt, et la prévention reste le meilleur moyen de combattre le virus. Importance de la confidentialité Une maladie qui a pris une telle ampleur ne peut qu’avoir un impact sur le monde du travail et sur la productivité des individus et des sociétés. Les absences répétées, la perte d’éléments qualifiés, la pression sur les systèmes de sécurité sociale affectent les secteurs productifs, notamment dans les pays très touchés par le fléau. À cela, il faut ajouter la discrimination qui suit le plus souvent les malades du sida et risque de les isoler au sein de leur entreprise. Les catégories déjà vulnérables, comme les femmes dans certains pays, sont très affectées. C’est cette constatation qui a décidé l’OIT, selon le Dr Watfa, à consacrer un programme pour la lutte contre la maladie et la défense des droits des travailleurs touchés. Ce programme vise à sensibiliser les populations aux effets de la maladie sur la société et l’économie, à aider les gouvernements, les patrons et les travailleurs à œuvrer pour limiter la propagation du virus et à combattre la discrimination sur le lieu de travail. Un recueil de directives pratiques a ainsi été préparé pour servir d’outil aux inspecteurs et aux différentes personnes intéressées par le sujet. Le Dr Watfa précise que le document repose sur des valeurs essentielles, notamment la lutte contre la discrimination (au niveau du recrutement comme de l’avancement), la confidentialité (à moins que le malade lui-même ne décide de rompre le silence), l’égalité entre les sexes, le dialogue social, la prévention... Selon lui, la confidentialité et la prévention ne sont pas antinomiques, et le malade ne devrait pas être obligé de déclarer sa maladie ou de subir un test préalablement à son embauche. Du programme mondial au programme national, dont le Dr Naqib a parlé en détail. Celui-ci a débuté relativement tôt, en 1989, sachant que le sida n’a pas affecté le Liban très vite (les premières personnes à avoir contracté la maladie venaient de l’étranger, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui). L’équipe du programme a travaillé sur la sensibilisation, a effectué des études, a noué des partenariats avec des ONG... L’une de ses actions les plus significatives, selon le Dr Naqib, a consisté dans les pourparlers avec les firmes pharmaceutiques pour que le ministère obtienne les médicaments, distribués aux malades qui n’ont aucune couverture sociale, à des prix nettement plus bas. Ainsi, le traitement (pour une personne) est tombé de 1 200 dollars à 400 dollars par mois, et le programme espère l’avoir bientôt à 200 dollars. Il faut signaler cependant que les malades qui dépendent du ministère se plaignent des pénuries répétées de l’un ou l’autre des médicaments qui forment la trithérapie, le compagnon désormais indispensable pour leur survie. Enfin, le Dr Naqib a parlé de la stratégie nationale pour la lutte contre le sida, dont la rédaction est terminée mais qui attend un financement. Pour sa part, Asma Cardahi, responsable des programmes au Fonds des Nations unies pour la population (Fnup), a évoqué le programme commun de sensibilisation et de financement des diverses agences onusiennes concernées, la sienne ainsi que l’Unesco, l’Unicef, l’OIT, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la santé... Les séances de travail du séminaire, qui devraient se poursuivre aujourd’hui en présence de plusieurs inspecteurs des ministères, de représentants des institutions participantes et de quelques patrons, permettront certainement d’affiner les moyens de venir en aide aux malades du sida sur le lieu du travail. Mais la route est encore longue : les mentalités sont-elles prêtes à admettre la présence de personnes atteintes de sida dans les équipes de travail quand la discrimination frappe toujours d’autres catégories pourtant productives comme les handicapés par exemple, et quand le marché du travail regorge de demandeurs d’emploi et reste pauvre en ouvertures ? S.B.


Le sida n’est pas qu’un problème de santé. Avec sa transmission rapide (il y aurait aujourd’hui 37 millions de cas dans le monde, sans compter les 20 millions de décès depuis le déclenchement de la maladie), ce redoutable fléau a un impact sur tous les domaines et sévit désormais dans tous les pays, selon les informations des Nations unies. Le monde du travail est, de...