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Social - Une activité complètement gelée depuis six mois Fermeture des carrières et concurrence étrangère illicite poussent les camionneurs dans la rue

Tous les automobilistes qui empruntent chaque jour l’autoroute Dbayé-Beyrouth auront remarqué, au niveau d’Antélias, des dizaines de camions benne garés sur la route intérieure. Depuis cinq jours, en effet, les camionneurs poursuivent leur mouvement de protestation contre un chômage forcé qui dure depuis des mois. L’arrêt des carrières, qui remonte à octobre 2002, a porté un coup dur aux conducteurs de poids lourds qui vivaient du transport du gravier et du sable vers les chantiers. Une fois les derniers stocks écoulés, en septembre 2003 exactement, leurs camions ne servent plus qu’à occuper un espace inutile devant leur domicile. Aujourd’hui, la colère gronde, les manifestants accusent l’État de ne rien faire pour désamorcer la crise et de laisser les véhicules syriens (transportant des matières premières provenant de Syrie essentiellement, surtout pour le gravier) ou d’autres pays voisins circuler sans contrainte dans le pays. Les agents de l’ordre chargés d’empêcher les débordements étaient nombreux hier sur le lieu du sit-in. Chafic Kassis, président du syndicat des propriétaires de camions, confirme que les manifestants ont été sommés par les autorités de vider les lieux hier, mais que leur refus n’a pas donné lieu à une action d’envergure. « Nous occupons une route latérale, ce qui n’affecte pas le trafic sur une artère principale », fait-il remarquer. Tout en revendiquant le droit de protester contre « une situation devenue intolérable », il assure que « le mouvement pacifique de protestation durera jusqu’à ce qu’un plan directeur des carrières, respectueux de l’environnement, soit adopté ». Autant lui que d’autres manifestants n’écartent pas un éventuel recours à l’escalade. « De toute façon, nos camions ne rapportent plus un sou, alors autant les garder ici », lancent amèrement plusieurs d’entre eux. Le nombre des camions benne atteint les 6 000 au Liban, constituant une partie substantielle des 14 000 poids lourds que compte le pays. M. Kassis assure que les contacts avec les ministres concernés, notamment ceux du Transport, de l’Intérieur, des Finances, de l’Économie et de l’Environnement, sont en cours. Mais les camionneurs, avec lesquels, affirme-t-il, se solidarisent l’Ordre des ingénieurs et le syndicat des entrepreneurs, ne voient pas encore le bout du tunnel. Leur syndicat a dressé une liste de revendications, notamment l’ouverture par caza de deux carrières contrôlées, l’interdiction de l’importation de gravier et de sable, la limitation du contrôle mécanique à un seul test par an (au lieu de deux pour les véhicules à mazout), l’adoption d’une loi pour la détermination du tonnage autorisé (valable pour les véhicules libanais et étrangers), l’obtention d’une permission de garer près des ports et l’organisation du travail des camions en coopération avec le syndicat, l’arrêt des camions dont les propriétaires sont non libanais (et qui circulent au Liban), l’adoption d’un système d’assurance obligatoire pour les camions étrangers, la supervision par le syndicat du bureau des douanes aux frontières libanaises afin de « dynamiser son activité », etc. Chaque jour, une perte de plus d’un million de dollars M. Kassis dénonce donc « la concurrence illicite des camions étrangers, principalement syriens, mais aussi jordaniens ou irakiens ». Pourquoi, s’interroge-t-il, ce dossier est-il gelé ? Il évoque, en souriant, « des intérêts personnels et des conflits », sans préciser davantage sa pensée. Tous les manifestants rencontrés déclarent ne plus pouvoir nourrir leurs familles et se sentir lâchés par l’État. Selon eux, les conséquences économiques sont considérables. « Les camionneurs ne sont pas la seule catégorie sociale à être touchée par la crise, affirme Robert Kahi, vice-président du syndicat. Les ingénieurs, les fournisseurs de mazout, les commerçants, etc., sont tous concernés. » Il poursuit : « Il faut compter que 80 000 mètres cubes de matières premières sont introduits actuellement à partir de l’étranger. Cela représente 1 200 000 dollars par jour. Nous estimons que l’ensemble des propriétaires de camions gagnaient la moitié de cette somme avant l’interdiction des carrières. On est en droit de se demander pourquoi on permet que le Trésor libanais perde chaque jour plus d’un million de dollars. » Les camionneurs, eux, en sont au stade du désespoir. « Un camion benne nous rapportait environ mille dollars par mois », estime Richard Hayek avec l’approbation de ses camarades. « Dans le marasme actuel, il nous coûte 3 000 dollars par an en taxes et réparations, sans rapporter un sou. Cela n’empêche pas l’État d’exiger le paiement sans tarder de toutes les taxes, alors que les camions étrangers en sont exemptés, eux. » Entre-temps, comme le souligne Joseph Fahed, « nous sommes endettés et au chômage ». Que font-ils pour survivre ? « Nous comptons les camions syriens qui passent », plaisantent plusieurs manifestants. Certains parlent déjà d’émigrer, « n’ayant plus aucun espoir de continuer à vivre dans ce pays ». Après des décennies de chaos qui ont contribué à l’enlaidissement des paysages montagneux, le gouvernement a décidé d’interrompre les activités de toutes les carrières en vertu d’une loi adoptée durant l’été 2002. Un plan directeur des carrières devait être mis à exécution tout de suite : il consistait à déplacer tous les sites de carrières vers la chaîne de l’Anti-Liban. Ce plan, vivement contesté, n’a jamais été appliqué. Depuis, le gravier et le sable sont importés, les prix des matières premières ont triplé. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’État tarde à prendre des mesures pour résoudre la crise. Des mesures qui respecteraient en même temps les impératifs de protection de l’environnement. Suzanne BAAKLINI

Tous les automobilistes qui empruntent chaque jour l’autoroute Dbayé-Beyrouth auront remarqué, au niveau d’Antélias, des dizaines de camions benne garés sur la route intérieure. Depuis cinq jours, en effet, les camionneurs poursuivent leur mouvement de protestation contre un chômage forcé qui dure depuis des mois. L’arrêt des carrières, qui remonte à octobre 2002, a...