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Actualités - REPORTAGE

Ce qu’ils en pensent - L’affaire du Casino

L’affaire avait fait grand bruit. Un député qui force, avec ses hommes, le bureau du PDG du Casino, en présence d’une caméra de télévision, il y avait de quoi secouer la léthargie d’un été étouffant. Et puis, pour une fois, l’enjeu apparent de l’altercation ne semblait pas être lié à l’échéance présidentielle, alors tout le monde s’en est donné à cœur joie, commentant l’incident, chacun selon ses affinités politiques ou tout simplement selon ses intérêts. Pourtant, les détails de ce qui s’est réellement passé ce vendredi au Casino n’ont pas été évoqués. « L’Orient-Le Jour » a voulu s’adresser à la source, le député Farid el-Khazen et le PDG Élie Ghoraïeb, pour savoir ce qu’ils en pensent. Farid el-Khazen, député du Kesrouan Q : Pensez-vous qu’il est normal qu’un député utilise de tels moyens pour défendre les droits des citoyens ? R : « Non, certainement pas. Mais il faut surtout se demander pourquoi un député en est réduit à utiliser ce genre de moyen pour accomplir sa mission. Si vous croyez que c’est de gaieté de cœur qu’on en arrive à de telles extrémités, vous vous trompez. J’aurais aimé que vous me demandiez plutôt quel est donc le contentieux avec le PDG du Casino, mais vous préférez vous en prendre à ceux qui défendent les droits des plus faibles. » Q : Quel est donc le contentieux avec M. Élie Ghoraïeb ? R : « Il y a des revendications sociales qui remontent à plusieurs années. Ma famille et moi, nous nous tenons aux côtés des employés du Casino depuis des années, en fait depuis l’ouverture de cet établissement. Mais, avec l’actuel PDG, la situation s’est détériorée et il traite mal les 600 employés qui travaillent au Casino, les privant de leurs droits élémentaires. D’ailleurs, les employés ont porté plainte auprès du ministère du Travail et le processus devrait suivre son cours. Sans compter les nombreuses irrégularités qu’il commet et le manque de contrôle exercé sur les clients, car, en principe, les personnes à faible ou moyen revenu ne devraient pas être autorisées à jouer gros. Or, depuis quelque temps, 80 % des recettes du Casino proviennent de personnes à faible ou moyen revenu, et cet établissement, jadis le fleuron de la région, est devenu un poids, voire une tare. Mais nous n’en sommes pas aujourd’hui à demander des comptes sur la gestion de l’établissement. Pour en revenir à la dernière affaire, cela faisait six mois que nous tentions d’obtenir un rendez-vous du PDG pour évoquer avec lui les revendications des employés. Il refusait de nous voir, moi ou toute autre personne qui chercherait à aborder cette question avec lui. J’ai même sollicité l’intervention de plusieurs médiateurs, en vain. Voyant que toutes les tentatives avaient échoué, j’ai décidé de me rendre chez lui. Il m’a alors lancé : « Vous n’avez pas de rendez-vous, sortez. » Et il avait demandé aux médias d’être sur place pour filmer la scène. C’est lui qui a donc voulu que l’affaire soit divulguée. Mais je ne veux pas en rajouter maintenant, car une personne haut placée pour laquelle j’ai beaucoup d’estime m’a demandé de calmer le jeu, tout en promettant que les employés auront leurs droits dans un proche avenir. Je vais donc respecter son souhait. » Q : Lui avez-vous donné un délai ? R : « J’ai trop de respect pour elle pour demander un délai. Mais les indices positifs ne devraient pas tarder à apparaître. Et ne me demandez pas le nom de cette personne. Je ne vous le dirai pas. Ce que je peux vous dire, c’est que je ne renoncerai pas à défendre les droits des plus faibles et des citoyens en général. C’est la voie que j’ai choisie. » Q : En tant qu’avocat, trouvez-vous que la méthode que vous avez utilisée est la bonne ? R : « Je vous l’ai dit, en tant que député, en tant qu’avocat et surtout en tant que citoyen, je ne trouve pas que cette méthode est la bonne. Mais lorsqu’on est régi par la loi de la jungle, il faut essayer de montrer que le fort ne dévore pas toujours le faible, et pour obtenir un minimum, on n’a plus d’autre choix que d’utiliser de telles méthodes. Normalement, c’est la loi et la justice qui doivent protéger les droits des citoyens. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. J’ai dû agir ainsi parce que je n’avais pas d’autre choix et j’ai été insulté, alors que je suis un député de la nation et lui, un fonctionnaire. Est-ce que cela est admis ? » Élie Ghoraïeb, PDG du Casino Q : M. Ghoraïeb, est-il vrai que vous maltraitez vos employés ? R : « Franchement, je ne sais pas d’où vous tenez vos informations, mais les salariés du Casino sont les mieux traités du Liban. Il y a près d’un mois, j’ai tenu une réunion avec eux, en présence du président de leur syndicat, Boutros Frem, et ils m’ont remercié, me traitant de “père des employés”. J’ai augmenté il y a quinze jours le pourcentage du bonus et, à la fin du mois, je compte augmenter les frais de transport. Les employés touchent quatorze mois avec un salaire minimal d’un million cent mille livres. Franchement, je ne vois pas en quoi leurs droits sont spoliés. Déjà, en décembre, ils m’avaient envoyé une lettre de remerciements. De plus, les employés sont-ils mineurs pour qu’ils aient besoin de quelqu’un qui défende leurs droits ? Que fait le syndicat ? Enfin, je me demande ce que signifie ce curieux timing entre les revendications, ce qui s’est passé et le climat général du pays. » Q : Vous pensez donc qu’il y a une autre affaire dissimulée sous ce prétexte ? R : « Cela fait six ans que je gère cet établissement. Je suis transparent et je n’ai jamais fait de politique. J’ai même éloigné les politiciens. C’est peut-être de là que vient le mal. Au Liban, les gens parlent trop. Moi, je parle peu et je ne compte pas changer. Relisez un peu ce qui a été dit sur le Casino lorsque j’en ai pris la charge. On avait dit que j’allais le fermer. Or, vous pouvez voir ce qu’il en est. De toute façon, rien ne justifie un tel comportement. La vraie question est la suivante : sommes-nous oui ou non un pays civilisé ? Avons-nous une justice ou bien c’est la justice privée qui prévaut. Il y a eu menaces et irruption en force de la part d’un député. Quelles que soient les raisons qui ont dicté ce comportement, il demeure inacceptable. » Scarlett HADDAD


L’affaire avait fait grand bruit. Un député qui force, avec ses hommes, le bureau du PDG du Casino, en présence d’une caméra de télévision, il y avait de quoi secouer la léthargie d’un été étouffant. Et puis, pour une fois, l’enjeu apparent de l’altercation ne semblait pas être lié à l’échéance présidentielle, alors tout le monde s’en est donné à...