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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB La peste, ça se guérit !

Importante, l’actuelle tournée arabe du Premier ministre d’Irak Iyad Allaoui l’est certes, au double plan politique et économique ; mais elle aura été l’occasion aussi de faire apparaître au grand jour plus d’un de ces paradoxes, inhibitions et complexes qui pèsent lourdement sur les relations entre Arabes. M. Allaoui, nul ne l’ignore, est un vieil ami des Américains. Ce baassiste entré en rébellion contre Saddam Hussein avait dû s’exiler durant de longues années à Londres, où il noua une étroite relation avec la CIA ; il émargeait même, révèle la grande presse US, au budget de celle-ci, du moment qu’il n’était plus en mesure d’exercer sa profession de neurologue. Mais Iyad Allaoui n’est plus seulement aujourd’hui l’homme des Américains puisque son gouvernement, au contraire du Conseil provisoire installé au lendemain de l’invasion de l’Irak – et qui s’était vu traiter en pestiféré – bénéficie d’une substantielle couverture onusienne. En dépit de son incontestable filiation yankee, ce gouvernement peut donc revendiquer un degré raisonnable de légalité ; or certains régimes arabes seraient bien en peine d’en faire autant, qu’ils soient républicains ou monarchiques, qu’ils soient ou non objectivement ou très explicitement inféodés aux États-Unis. Ce fait devrait être médité par les forces politiques libanaises ayant cru bon de boycotter la visite de « l’agent » Allaoui qui, pourtant, arrivait en droite ligne de Damas. Plus royalistes que le roi, plus syriens que les Syriens : pour classique, pour banal que soit le phénomène, il ne manque pas de déranger. Voilà pour ce qui est de la légalité. Quant à la légitimité, cette autre denrée funestement rare sous ces latitudes, elle ne pourra venir en Irak qu’avec les élections libres programmées pour janvier 2005. D’ici là, la chance doit être offerte aux responsables de délivrer le peuple irakien du calvaire qu’il endure depuis que la folle guerre de George W. Bush a instauré le chaos et que la résistance à l’occupation, dévoyée, dénaturée par le terrorisme, œuvre à un chaos non moins meurtrier. Cette chance doit primer toute autre considération, même si le pouvoir local est tenu de s’appuyer pour longtemps encore sur la force militaire US, même si la vie d’Allaoui et de ses compagnons ne tient en somme qu’à la vigilance des Marines qui les bodygardent. Cette chance laissée à un retour progressif à la normale, ce n’est pas seulement la fantomatique solidarité entre Arabes qui le commande mais, plus impérieusement encore, l’ intérêt de ces derniers, peuples et gouvernements. Particulièrement significatives à cet égard auront été les étapes syrienne et libanaise de cette première tournée arabe d’Iyad Allaoui. À Damas en effet, le Premier ministre irakien semble avoir réussi à jeter les bases d’une prochaine reprise des relations diplomatiques et économiques entre les deux pays et à s’assurer un bouclage effectif de leur frontière face aux infiltrations de terroristes, à propos desquelles il s’est bien gardé d’ailleurs de mettre en cause la responsabilité directe du régime Assad. Ce spectaculaire rapprochement peut surprendre à première vue, à l’heure où le « boss » américain affecte de s’en tenir aux pressions graduelles que recèle le Syria Accountability Act. Plus révélateur d’une certaine autonomie irakienne, pour contrôlée qu’elle soit, est cependant l’engagement de ne procéder à aucune sorte de normalisation avec Israël avant le réglement du conflit régional. Voilà qui laisse croire que les faucons de Washington ont fini par tempérer leurs vues utopistes sur la question. Laquelle, de toute manière – et Allaoui l’a sans fausse honte souligné – n’est pas la priorité première d’un Irak pour le moment soucieux de se reconstituer, de se reconstruire. Il y a là cette fois de quoi faire réfléchir ceux des dirigeants arabes qui prennent systématiquement prétexte du conflit de Palestine pour dénier à leurs peuples toute émancipation, tout développement, tout progrès. On notera pour finir que le séjour beyrouthin d’Iyad Allaoui n’aura pas manqué d’un certain piquant. En Irak comme au Liban, des légalités installées et soutenues à bout de bras du dehors ; en Irak comme au Liban, des troupes étrangères sollicitées par la légalité et souvent mal acceptées par la population : pour scabreux qu’il puisse paraître, le parallèle en aura tenté plus d’un. On ne peut que se féliciter en tout cas des résultats des entretiens libano-irakiens. À Baabda, le rappel des grands principes, y compris le rôle qui doit redevenir celui de l’Irak dans la lutte contre l’ennemi commun ; et à Koraytem, où a logé Allaoui, une ébauche de règlement du litige sur le magot de Saddam déposé dans des banques locales et les commandes impayées aux exportateurs libanais : il y avait là, entre les deux pôles rivaux de l’Exécutif, une stricte répartition des tâches. On voudrait bien croire que, pour une fois, c’était fait exprès.
Importante, l’actuelle tournée arabe du Premier ministre d’Irak Iyad Allaoui l’est certes, au double plan politique et économique ; mais elle aura été l’occasion aussi de faire apparaître au grand jour plus d’un de ces paradoxes, inhibitions et complexes qui pèsent lourdement sur les relations entre Arabes.
M. Allaoui, nul ne l’ignore, est un vieil ami des...