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Actualités - CHRONOLOGIE

Médias - La chaîne du Hezbollah préfère une solution à l’amiable Le CSA français porte plainte contre al-Manar devant le Conseil d’État (photo)

Vitrine du Hezbollah et un de ses ponts avec l’étranger, la chaîne al-Manar a aujourd’hui de sérieux ennuis avec les autorités françaises. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dirigé par Dominique Baudis, vient de porter plainte contre elle devant le Conseil d’État. Au cœur du conflit, le malheureux feuilleton Diaspora, une sous-production achetée avant d’être visionnée et diffusée pendant le mois du ramadan, qui a soulevé de vives protestations en France, notamment de la part du lobby juif, représenté par le Crif. Soucieux de se rapprocher de l’Europe et particulièrement de la France dont il apprécie la politique étrangère, le Hezbollah se serait bien passé de cette affaire. Et, aujourd’hui, à la veille de l’ouverture du procès, le PDG d’al-Manar, hajj Mohammed Haïdar, se déclare prêt à un accord à l’amiable. Depuis que la chaîne a reçu le dossier de la plainte présentée contre elle par le CSA français, elle prépare sa réponse, tout en se désolant du fait que les choses en soient arrivées là. Tout a commencé en novembre dernier, en plein mois du ramadan. Hajj Mohammed Haïdar n’était alors que le directeur général de la chaîne (et pas encore le PDG). En général, toutes les chaînes arabes prévoient des programmes spéciaux pour le mois du jeûne. Et les sélections se font à la hâte faute de temps, car les productions spéciales finissent rarement à temps pour être bien visionnées et sélectionnées. al-Manar achète en général le plus gros de ses programmes en Égypte et en Syrie. C’est ainsi qu’une production syrienne lui a proposé le feuilleton Diaspora, sur l’histoire du sionisme, un thème qui intéresse les téléspectateurs de la chaîne. Comme la série n’était pas encore achevée, les responsables d’al-Manar ont acheté les droits de diffusion, sans avoir pu visionner le feuilleton, en se basant sur le synopsis qui leur avait été soumis. Ils sont les premiers à le regretter aujourd’hui. Car non seulement Diaspora leur a causé plus d’ennuis que de bienfaits, mais de plus il ne s’agit pas vraiment d’une série de qualité, soucieuse des vérités historiques. Ils ne l’ont toutefois remarqué qu’au hasard des épisodes, et comme la série était déjà en pleine diffusion, il n’était plus possible de l’arrêter. « Non pas que nous tenions à soigner l’image des Israéliens et des sionistes. Ils commettent chaque jour des crimes horribles dans les territoires occupés, mais justement, nous tenons à notre crédibilité et nous ne voyons pas l’intérêt de rajouter des détails faux ou scabreux pour noircir l’image des Israéliens. La scène de l’oreille de l’enfant par exemple et d’autres nous paraissent gratuites et donc superflues. Mais c’était trop tard puisqu’elles étaient déjà diffusées. » Malheureusement, le feuilleton avait déjà fait son effet en France. Et la presse française a multiplié ses critiques à l’encontre d’al-Manar. « Antisémitisme et incitation à la violence » Ensuite, le PDG de la chaîne a reçu une lettre officielle du président du CSA, Dominique Baudis, dans laquelle il proteste vivement contre la diffusion de ce feuilleton, jugé « antisémite et incitant à la violence ». Des lettres de protestation du Crif ont été jointes à la lettre de M. Baudis, qui menaçait d’interdire la diffusion de la chaîne en France. Mais, dans ce domaine, la législation est encore insuffisante et les moyens techniques peu efficaces. Toutefois, al-Manar était prête à accepter un compromis, estimant que le feuilleton ne méritait pas tout ce tapage, surtout que la chaîne reconnaissait déjà son erreur. Des tentatives de médiation avaient été entreprises, et une délégation du CSA en visite au Liban, au printemps, avait même semblé d’accord pour trouver une issue à cette crise. D’autant que le domaine de la diffusion par satellite étant encore nouveau, il est difficile d’imposer des restrictions efficaces. En effet, al-Manar paie un abonnement annuel de 500 000 dollars sur Hotbird qui lui permet d’être diffusée par la société française Eutelsat. Mais ayant aussi des abonnements avec Arabsat et Nilesat, al-Manar est aussi reçue en Europe à travers ces satellites. Ce qui signifie que si le Conseil d’État français condamnait al-Manar, il ne pourrait que demander à Eutelsat d’arrêter son abonnement. Mais il n’a aucune prise sur les deux autres satellites et la chaîne continuerait à être reçue en France et dans certains pays d’Europe. C’est dire les limites des pouvoirs étatiques sur les fréquences satellitaires. Mais al-Manar ne souhaite pas en arriver là et préfère de loin un accord avec les autorités françaises. Certaines parties lui ont même suggéré de chercher à obtenir une permis de diffusion d’un autre pays européen, les Pays-Bas par exemple, ce permis étant aussi valable pour tous les pays membres de l’Union européenne. Mais là aussi, la chaîne du Hezbollah préfère ne pas recourir à ces procédés détournés. D’autant que la Fédération des stations des pays arabes (qui relève de la Ligue arabe et qui est dirigée par le Tunisien Abdel Hafiz Hergan) trouve cette solution inacceptable, car elle crée un précédent dans le domaine. TV5, par exemple, diffuse dans le monde arabe sans permis. C’est une pratique peu courante. Si elle devait être imposée à la chaîne du Hezbollah, les pays arabes pourraient exiger d’en faire de même. Entre 3 et 5 millions de téléspectateurs en France Pour hajj Mohammed Haïdar, une solution à l’amiable reste préférable., surtout que son parti n’éprouve pas la moindre animosité à l’égard de la France et des autorités françaises. Al-Manar a d’ailleurs entre 3 et 5 millions de téléspectateurs sur le territoire français, et si la chaîne ne cache pas ses engagements à l’égard de la Résistance et dans le conflit israélo-palestinien, elle reste très soucieuse de sa crédibilité et vérifie la moindre de ses informations avant de la diffuser. Enfin, c’est l’une des rares chaînes arabo-musulmanes qui diffuse un bulletin d’informations en français tous les soirs. Pour toutes ces raisons, la chaîne ne comprend pas vraiment ce qu’elle qualifie d’acharnement des autorités françaises contre elle. « C’est vrai qu’il y a eu une erreur de notre part, et qu’elle est intervenue en pleine campagne électorale régionale française, précise hajj Mohammed Haïdar. Au point que le Premier ministre français s’était engagé à mettre un terme à ce problème au cours d’un meeting électoral, en pressant le CSA d’agir. Mais l’affaire ne mérite pas à nos yeux une telle démarche. Surtout qu’une télévision juive diffuse en France des programmes antiarabes et antimusulmans sans qu’elle ne soit inquiétée. Nous avons établi des contacts au sujet d’al-Manar avec l’ambassade de France au Liban. Nous comprenons que, pour les Arabes et les juifs français, ce sujet est très délicat, comme l’ensemble du conflit arabo-israélien d’ailleurs. Nous sommes prêts à être très vigilants. Mais dans les images que nous diffusons, nous ne cherchons nullement à inciter les Arabes à commettre des attentats antisémites. Ce serait trop facile de faire assumer la responsabilité de ces attentats au feuilleton Diaspora. » Pour hajj Mohammed Haïdar, indépendamment du respect du principe de la séparation des pouvoirs, l’attitude des autorités françaises lui paraît contraire à la liberté d’expression. Même s’il reconnaît que celle-ci a des limites qu’al-Manar est prête à respecter, conformément à sa ligne générale d’ouverture, d’objectivité et d’esprit de dialogue. Toutefois, alors qu’une loi réglementant le domaine de la diffusion par satellite est en préparation en France, hajj Haïdar craint qu’il ne s’agisse d’une épée de Damoclès au-dessus des chaînes arabo-musulmanes. Car al-Manar n’est pas seule en cause. Des critiques s’élèvent aussi à l’encontre d’al-Jazira. « Ce ne serait pas une bonne méthode, dit-il. Pourquoi créer une telle situation alors que les affinités sont nombreuses entre la France et les Arabes ? Nous avons sans doute commis une erreur. Cela arrive au sein des médias. Tous les journalistes le savent. Pourquoi lui donner une telle importance, alors que nous sommes impliqués dans la francophonie, que nous coopérons avec l’Ina et que nos équipements viennent principalement de France ? » Hajj Haïdar espère une réponse rapide à ses questions. Mais en attendant, il prépare son dossier devant le Conseil d’État... Scarlett HADDAD
Vitrine du Hezbollah et un de ses ponts avec l’étranger, la chaîne al-Manar a aujourd’hui de sérieux ennuis avec les autorités françaises. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dirigé par Dominique Baudis, vient de porter plainte contre elle devant le Conseil d’État. Au cœur du conflit, le malheureux feuilleton Diaspora, une sous-production achetée avant...