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Actualités - OPINION

Bataille d’affirmations péremptoires autour de la présidentielle

Une spécialité bien libanaise : dire une chose et faire son contraire. Ainsi, tout le monde appelle en chœur au traitement prioritaire des problèmes socio-économiques. Mais sans rien en faire. Car l’activité dite politique se concentre tout entière sur la présidentielle. Objet d’un rude affrontement entre pro et anti-reconduction. Les premiers font accroire que la Syrie a déjà tranché en leur faveur. Et qu’elle attend un créneau propice pour annoncer la couleur. Pour faire savoir si l’on va reconduire ou proroger. Ou encore si l’on va modifier le système, afin de rendre le mandat, réduit à quatre ou cinq ans, renouvelable une fois. Ce qui permettrait au président Lahoud de se présenter, démocratiquement, contre d’autres candidats. Sur lesquels, ajoutent ses partisans, il l’emporterait sans doute, et sans coup férir, haut la main. Pour amortir l’impact d’une reconduction impopulaire, ces loyalistes prévoient la mise en place d’un gouvernement inspirant confiance. Qui se mettrait tout de la suite à la tâche. Pour éradiquer la corruption, réformer les mœurs politiques et l’Administration, organiser des législatives sur base d’une loi électorale équitable. Répondre, autant que faire se peut, aux demandes de Bkerké pour que la partie chrétienne cesse de se sentir discriminée. Bref, un gouvernement qui insufflerait à la population autant d’espoir que l’avait fait l’irruption d’un Hariri en 1992. Un démarrage qui, à l’époque, avait permis de résorber la grogne provoquée par les législatives, boycottées par la majorité écrasante des électeurs. Mais comment croire que la Syrie, comme le prétendent ces sources loyalistes, a déjà pris sa décision en leur faveur ? Ils répondent par les assertions suivantes : – La campagne des anti-reconductionnistes agace Damas. Non seulement parce qu’ils devancent ses positions. Mais aussi parce que les attaques contre le président Lahoud prennent une tournure personnelle choquante. – L’utilisation du facteur américain pour contrer la reconduction est un défi que la Syrie ne peut en aucun cas tolérer. – Dans le même esprit, ceux qui se dressent contre la reconduction ont l’air, sinon de s’opposer de front à la Syrie, du moins de chercher à peser sur ses décisions. Pour qu’elle paraisse avoir fléchi sous la double pression des Américains et de l’opposition locale. – Nul autre que le président Lahoud ne peut tenir tête au président Hariri, et réduire l’accroissement galopant de la dette publique. – La plupart des pôles qui se disent contre la reconduction font en même temps comprendre qu’ils n’iraient pas contre une décision syrienne dans ce sens. Surtout s’il y a accord tacite avec les Américains. La réplique De leur côté, les opposants répondent point par point, en développant les arguments suivants : – Un gouvernement de personnalités fortes inspirant confiance aux Libanais en général, aux chrétiens en particulier, formé pour résorber le mécontentement populaire, n’aurait pratiquement aucune chance de tenir effectivement les promesses qu’il ferait. Pas plus que le Hariri de 92, auquel les loyalistes se réfèrent dans leur argumentation, n’avait pu le faire. D’ailleurs, qui garantirait que ce gouvernement, ou les suivants, aurait les mains libres ? Une fois réinstallé à la présidence, le régime ne voudrait laisser une miette de pouvoir à personne d’autre. – Comment peut-on laisser entendre que la décision syrienne est déjà prise quand le président Assad en personne invite expressément les Libanais à choisir eux-mêmes ? Si décision syrienne il devait y avoir, elle se baserait donc sur la volonté, déjà connue, de la majorité des Libanais. En tout cas, en prenant position sur le sujet, on répond à l’invite même du chef de l’État syrien. Et il n’y a là aucun défi, bien au contraire, à la Syrie. Il n’y a pas non plus d’attaque dirigée contre la personne du président Lahoud. Dont on attend qu’il dise son mot au sujet de la reconduction, afin de mettre un terme à des interrogations qui génèrent un climat de malaise et de polémiques. – La positon US hostile à l’amendement de l’article 49 n’est pas nouvelle. Elle a été répétée, au siège même de l’ambassade du Liban à Washington, par Condoleezza Rice qui a suivi Colin Powell et précédé Bush en personne. Enfin, elle a été redite, au Liban même, par le congressman d’origine libanaise Ray LaHood. Que certains ont accusé de s’ingérer dans les affaires intérieures de ce pays, alors qu’ils n’avaient pas réagi de la sorte aux propos de Rice, bien plus provocateurs puisque tenus dans l’enceinte de l’ambassade. D’ailleurs, si les loyalistes veulent condamner les immixtions, comment justifient-ils qu’en même temps ils expriment l’espoir de voir Syriens et Américains se mettre d’accord sur la reconduction ? Ne serait-ce pas là un summum d’immixtion ? En tout cas, ce n’est pas dans les quelques semaines qui nous séparent de la présidentielle, et qui sont marquées pour eux par leur propre présidentielle, que les Américains vont changer d’avis au sujet de l’article 49. – Il n’est pas très pertinent, de la part des loyalistes, d’user d’arguments comme celui présentant le président Lahoud comme le seul rempart possible contre Hariri, au sein du pouvoir. En effet, ce dernier a fait savoir, avec insistance, que s’il devait y avoir maintien du statu quo, il renoncerait au sérail et passerait à l’opposition. Où il serait sans doute plus fort qu’il ne le semble aujourd’hui, car il aurait récupéré la liberté de ses mouvements. Et d’attaqué, il deviendrait attaquant, ou au moins vigilant censeur. – La plupart des pôles locaux se dressent contre l’amendement de l’article 49. Ceux qui y ajoutent un « mais » cherchent tout simplement à se défausser sur la Syrie de la responsabilité d’une éventuelle option contraire à la volonté du peuple libanais. Perspective qui semble peu probable à la lumière des données actuelles. Émile KHOURY
Une spécialité bien libanaise : dire une chose et faire son contraire. Ainsi, tout le monde appelle en chœur au traitement prioritaire des problèmes socio-économiques. Mais sans rien en faire. Car l’activité dite politique se concentre tout entière sur la présidentielle. Objet d’un rude affrontement entre pro et anti-reconduction.
Les premiers font accroire que la Syrie a...