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Actualités - OPINION

Parallèles - Morale et système politique en vis-à-vis Repenser, réformer la notion même de réforme

Mi-amusé, mi-désabusé, un lecteur relève, en se référant aux archives du journal, qu’entre 1949 et aujourd’hui, les titres et les problèmes n’ont pas changé. Une actualité pérenne. Expression paradoxale ? Pas tout à fait : la déconstruction est un processus très long. Cinq ou six siècles pour l’Empire romain, autant pour l’Empire ottoman. Tout étant proportionnel, à notre échelle réduite la fin devrait être proche. Par intoxication mortelle de corruption. L’assemblée des évêques maronites en relève la menace quasi imminente. Le mal est-il sans espoir, devons-nous le taire, comme le fit Arvers dans son sonnet ? Les prélats ne le pensent pas. Hassãn Tabet Rifaat non plus. Orfèvre en la matière, ancien président de l’Inspection centrale, cet éminent juriste (cf. notre numéro d’hier) estime que le grand nettoyage est encore possible. Pour peu que l’on y croie. Mais les conditions de base qu’il évoque, des textes et des hommes, ne sont pas faciles à réunir. Surtout quand il faut d’abord larguer ce phénomène d’accoutumance qu’il relève. Une fausse mithridatisation, une trompeuse immunité virale qui contribue à perpétuer les défauts d’un passé toujours présent, pour le citer. Une duplication qu’illustre la réédition récente du semi-réquisitoire établi en juin 2002 par les organismes économiques. Qui, dans un récent mémoire, constatent que leurs recommandations sont restées lettre morte. Pis encore, qu’on les a trahies, massacrées, en foulant aux pieds Paris II, ce bout de perche qui nous était tendu. Une conférence salvatrice articulée, comme l’article de Hassãn Tabet Rifaat, autour du thème récurrent de la réforme. Le sage note, au sujet de l’Administration, que les recettes épisodiques sont présentées à contretemps. Quand elles ne peuvent être ni sérieusement étudiées ni, a fortiori, recevoir application. Les vagues moralisatrices ou évolutionnistes ne seraient donc que de la poudre aux yeux, de la frime, de l’intox. C’est effectivement ce que certains pensent de la détermination affichée depuis quelque temps par les lahoudistes. Qui soutiennent que, jusqu’au dernier souffle du régime (qu’ils souhaitent dès lors voir reporté de quelques années), ses fidèles tenteront de balayer les nappes noirâtres de la pollution administrative. En base de l’analyse sécrétée par le ministre ad hoc, Karim Pakradouni, qui a procédé auparavant à un tour de table d’avis professionnels. Mais, même si le temps ne faisait pas défaut pour une telle équipée, ses mécanismes sont fatalement grippés par un mal de mentalité générale, viscérale, qui dépasse de loin le cadre de l’Administration, ou même de la politique, tout en les englobant. Car le Liban, étant composite et forcément consensuel, se tisse finalement de la somme des concessions que chacun fait aux défauts d’autrui. Pour faire passer les siens. C’est le double principe premier de la sitra et du bassita, ya... Émulation D’où ce constat réaliste, qu’illustre le manque de vergogne des profiteurs, même inculpés : là où passe l’intérêt, la dignité s’efface devant la servilité. Les deux étant inconciliables, selon Rifaat (et La Fontaine, qu’il cite). D’où, aussi et surtout, cet autre constat : pour énormes que soient les sommes volées ou dilapidées, la corruption de la mentalité, autrement dit de l’esprit politique, est bien plus nocive pour le pays. Or par les structures qui le canalisent, et qu’il accepte sans se rebeller, le peuple dit souverain participe à son propre accablement. Dès lors la notion même de réforme rejoint l’absurde. Des textes et des hommes, dit Rifaat. Un bon ordre de marche. Parce que sans les uns, les autres, divisés, fantomatisés à l’insu de leur plein gré, comptent pratiquement pour zéro. Il serait donc bon de revoir, en tout premier lieu, le soi-disant pacte national dit de Taëf, géniteur de notre texte capital, la Constitution. Là une double interrogation essentielle s’impose d’elle-même : en quoi la réforme fonde-t-elle le changement ? En quoi le contredit-elle et l’étouffe-t-elle au berceau ? Les petits ruisseaux (on dit toujours comme ça, mais je n’en connais pas de grands) font les grandes rivières. Ou les défont. Ainsi la base, tout à fait valable, de Taëf, à savoir une cuisine en commun au nom de la coexistence, est-elle minée par les détails réglant la répartition des responsabilités, entendre des prérogatives au sens féodal du terme. Ce qui mène ipso facto au concept dévoyé du copartage que dénonce Michel Eddé. Et à une déliquescence générale de la praxis politique. Tout le monde, de bonne ou de mauvaise foi, convient dès lors qu’un jour ou l’autre, il faudra réviser la Constitution. Mais tout le monde, également, en a peur. Par crainte d’altérations défavorables. À partir de là, il est clair qu’en bonne logique, c’est tout le système qu’il faut chambarder. Pour repartir non pas de zéro, mais de l’expérience acquise. Qui nous montre ce qu’il ne faut plus faire. Donc ce qu’il faut faire. Mais quoi ? D’abord, reconnaître que la gouvernance est chose trop sérieuse pour rester confiée aux seuls politiciens professionnels. Il est temps de recourir non pas seulement aux technocrates, comme cela arrive parfois, mais aussi aux articulations de la vie publique active, de l’économie aux loisirs en passant par les ONG, les syndicats, les professions libérales, toutes les structures en place. Une telle configuration induit, évidemment, qu’il y aurait de fait, aux côtés du gouvernement central chargé des ordonnances à caractère national, plusieurs petits gouvernements sectoriels. Comme en Suisse, sauf que le découpage ne serait pas géographique mais socio-économique. Et l’on pourrait, à ce propos (d’actualité pérenne) résoudre cette contradiction aussi flagrante que drôle : à quoi peut bien servir un Conseil national des prix dans un marché où la loi met les prix à l’abri de tout contrôle ? Jean ISSA
Mi-amusé, mi-désabusé, un lecteur relève, en se référant aux archives du journal, qu’entre 1949 et aujourd’hui, les titres et les problèmes n’ont pas changé.
Une actualité pérenne. Expression paradoxale ? Pas tout à fait : la déconstruction est un processus très long. Cinq ou six siècles pour l’Empire romain, autant pour l’Empire ottoman. Tout étant...