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Actualités - OPINION

Le pays souhaite un changement de mentalité plus que de personnes

«Pourquoi pleurer ? Nous vivions dans la peur. Nous allons vivre dans l’espoir », lançait Tristan Bernard à sa femme au moment où ils étaient capturés par les nazis. Après avoir vécu dans la crainte d’une implosion du pouvoir doublée d’un désastre économique, les Libanais retrouvent le goût de l’espoir grâce à l’échéance présidentielle. L’espoir d’un changement au niveau de la mentalité encore plus qu’à celui des personnes. Car le pays doit faire face à d’autres échéances financières (24 milliards de dollars à rembourser dans les deux ans) ou politiques (les législatives de l’an prochain). Sans compter qu’il se débat dans une récession sans précédent, que les syndicats regimbent et que la rentrée sociale pourrait être des plus agitées. Dans ces conditions, il importe peu de savoir qui va prendre en main les rênes, l’essentiel étant que le travail soit bien fait. Ce qui signifie que ce sont surtout les méthodes qui doivent être modifiées. Les objectifs d’ordre national priment toute considération d’intérêt ou d’influence. Cette nécessité fragilise la proposition, connue depuis de longs mois, selon laquelle si un des trois dirigeants devait partir, les deux autres devraient en faire autant. Une formule alternative qui s’énonce de la sorte : ou tout le monde reste ou tout le monde s’en va. La majorité des professionnels trouve l’équation tout à fait irréaliste. Tout simplement à cause d’un détail prosaïque : s’il est vrai qu’avec l’expiration du mandat présidentiel, fin novembre, le gouvernement doit rendre son tablier, par contre la Chambre (et par conséquent son président) reste en place jusqu’au mois de mai prochain. Et nul ne pourrait empêcher Nabih Berry de retrouver le perchoir sous la nouvelle législature si les urnes lui restent favorables. D’ailleurs, il ne pourrait pas y avoir d’obstacle institutionnel au retour de Rafic Hariri au Sérail si, sous le nouveau régime, la majorité parlementaire devait lui réitérer sa confiance. En outre, et enfin, pour le fond, la quête d’un changement véritable n’implique pas d’une manière automatique un changement de personnes. Mais de conduite des affaires et de comportement de pouvoir. Il n’y a aucune raison, disent les professionnels, que les choses ne soient pas différentes avec un Hariri qui s’entendrait à merveille avec un nouveau président de la République. La tentative de faire passer l’équation susdite a donc échoué. Elle n’était cependant pas étayée uniquement par de mauvaises raisons. En effet, parmi ses défenseurs, certains pensaient sincèrement qu’en agissant de la sorte, on forcerait les dirigeants à cesser leurs querelles intestines au profit d’un État réhabilité, puisque leurs sorts respectifs seraient désormais liés. Mais cette perspective, un Hariri l’a tout de suite récusée catégoriquement. En annonçant qu’il préférerait passer à l’opposition que prolonger l’expérience de la cohabitation avec l’actuel régime. Ou même avec tout autre président qui adopterait la même voie. Cette position, irrévocable, n’a rien de tactique, affirment les haririens. Des observateurs en doutent un peu. Car, à leurs yeux, il est évident que le président du Conseil, sans se lancer dans d’interminables polémiques, a voulu signifier un choix tranché, définitif, afin d’influencer les décideurs. Pour qu’ils comprennent que le même dosage n’est pas viable. Et se trouvent dès lors enclins à ne pas favoriser la reconduction, du moment que la balance s’en trouverait déséquilibrée. Pas nécessairement d’ailleurs au profit du régime éventuellement reconduit, car il serait confronté à une opposition renforcée par l’adhésion de ce poids majeur que reste Hariri sur la scène libanaise. Dès lors, la plupart des professionnels estiment que, sauf circonstances internationales extraordinaires, les tuteurs écartent la reconduction de leurs pensées et de leurs projets pour le prochain automne. Mais la question reste quand même de savoir dans quelle mesure les décideurs auraient intérêt à voir s’initier ce changement effectif que les Libanais appellent de leurs vœux. Et, tout d’abord, dans quelle mesure ils seraient disposés à respecter la volonté, jusque-là aliénée, de ce peuple. En effet, le changement impliquerait de toute évidence la mise en place d’un pouvoir, d’un État forts. Moins perméable, par définition, aux vents de la division soufflés du dehors ou de l’intérieur. Et qui aurait moins recours aux médiations et aux arbitrages extérieurs devenus coutumiers depuis Taëf. Avec, de plus, une tendance plus nette à la régularité. À ce propos, et à cette fin, des politiciens suggèrent qu’après l’élection présidentielle, on touche effectivement à l’article 49 de la Constitution. Pas pour le rendre plus permissif, mais au contraire pour en boucler les barrages. Afin que nul ne soit plus tenté de proposer une dérogation, soi-disant pour une seule fois, afin d’ouvrir la voie à la reconduction ou à la prorogation. L’idée avancée par ces professionnels est que toute révision du texte nécessiterait désormais l’unanimité absolue et non plus un vote à la majorité des deux tiers. Philippe ABI-AKL
«Pourquoi pleurer ? Nous vivions dans la peur. Nous allons vivre dans l’espoir », lançait Tristan Bernard à sa femme au moment où ils étaient capturés par les nazis.
Après avoir vécu dans la crainte d’une implosion du pouvoir doublée d’un désastre économique, les Libanais retrouvent le goût de l’espoir grâce à l’échéance présidentielle. L’espoir d’un...