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Actualités - REPORTAGE

COMMÉMORATION - Une affaire de conscience et de justice Génocide de 1915 : les Arméniens renouent avec leur passé douloureux pour mieux l’exorciser

Comme chaque année, la communauté arménienne se mobilise en force pour commémorer, aux quatre coins du monde, le souvenir du génocide de 1915. Fidèle à ce rituel, la communauté, qui milite depuis des dizaines d’années pour faire reconnaître ce crime collectif par l’ensemble de la communauté internationale, poursuit inlassablement son action de lobbying à travers le monde, en vue d’obtenir un retournement de situation chez un certain nombre de pays récalcitrants. Quelques semaines après le rappel du douloureux souvenir du génocide du peuple rwandais, les Arméniens reviennent à la charge, pour dénoncer à leur tour le double principe de la négation et de l’impunité. Si ces deux notions avaient été proscrites à temps par l’Onu, cela aurait certainement pu éviter les génocides qui ont suivi, dont celui du Rwanda, affirment les experts. Mais le peuple arménien ne désespère pas et se console de petites victoires qu’il réalise ici et là. Parmi celles-ci, la reconnaissance toute récente par le Parlement canadien de ce crime collectif odieux. Plus mitigée, la position du président Bush qui s’était contenté de répondre partiellement aux revendications de l’électorat arménien, en reconnaissant le « massacre » au lieu du génocide. Entre-temps, 169 membres du Congrès ont déjà signé une pétition lui réclamant une reconnaissance plus formelle. Très attendu, le discours que le chef de la Maison-Blanche prononcera aujourd’hui sera assez significatif à la veille d’une nouvelle épreuve électorale. Au Liban, les cérémonies de commémoration ont été notamment marquées par la tenue d’une conférence internationale au catholicossat arménien de Cilicie. La conférence, qui a accueilli des politologues, des juristes, des chefs religieux et des experts au Tribunal pénal international (TPI), a abordé les thèmes du « Génocide, de l’impunité et de la justice », analysés sous l’angle des sciences politiques, de la religion et des différentes juridictions concernées. On trouvera dans cette page les positions du Catholicos Aram Ier et de deux députés arméniens, Jean Oghassabian et Serge TourSarkissian. L’impunité génère injustice et violence Par Sa Sainteté Aram Ier Le XXe siècle fut le siècle des génocides dont la liste est d’une longueur déprimante : Arméniens, juifs, Cambodgiens, Kurdes, Tutsis, Croates, musulmans, Albanais. La communauté internationale fut toujours lente à réagir et souvent, tout simplement, elle les ignora. L’histoire est éloquente en ce sens. Le peuple arménien fut victime du premier génocide du XXe siècle. Durant la Première Guerre mondiale, un million et demi d’Arméniens périrent dans le cadre d’un programme d’extermination minutieusement conçu et systématiquement exécuté par le gouvernement turc-ottoman. De par leur expérience existentielle, les Arméniens connaissent bien les lourdes conséquences d’un génocide. 1. Vers la prévention de nouveaux crimes contre l’humanité Aujourd’hui, les conflits ethniques déchirent de nombreuses sociétés ; la haine se durcit et s’érige en idéologie, tandis que la violence s’exprime sous ses aspects et ses formes les plus horribles. Seule la communauté internationale est capable de prévenir efficacement de nouveaux crimes contre l’humanité. Mais son intervention ne sera effective que si elle agit, immédiatement et avec force, là où de nouvelles situations génèrent des actes d’atrocité. Dans son intervention, elle sera mue par les valeurs morales et humaines et non par les intérêts géopolitiques et stratégiques. L’Organisation des Nations unies a fait d’importants progrès dans ses tentatives pour prévenir les génocides. En 1948, elle a ratifié la Convention sur le génocide suivie de la Déclaration des droits de l’homme. En 1998, 120 États ont établi la Cour internationale de justice de La Haye. Mais cette cour s’intéresse au crime qui a été commis et non à celui qu’il faut prévenir. La communauté internationale doit aller plus loin dans ses engagements que ces procédures juridiques. Elle doit imposer sa volonté politique ; elle doit mettre en place des systèmes de préalerte et développer la prise de conscience publique, l’éducation et le dialogue. Selon le cas, elle doit appliquer des sanctions diplomatiques ou économiques et, éventuellement, dans des situations extrêmes et lorsque tout autre moyen a échoué, recourir à l’intervention directe. 2. La mémoire du génocide : source vivante de vérité Les individus, de même que les nations, vivent avec leur mémoire, et la mémoire vit à travers eux. La mémoire fait le lien entre le présent et le passé ; elle conditionne le futur, assure la continuité et affirme l’identité. La mémoire c’est l’histoire même ; et les nations se forment autour de leur mémoire commune qui perpétue leur existence, maintient leur cohésion et leur donne le sentiment d’appartenance. La mémoire est une source vivante de vérité ; elle interpelle préjudices et informations incomplètes et développe la prise de conscience. Hitler a bien compris cet enchaînement. Il savait que les mémoires sont courtes lorsqu’il demanda : Qui aujourd’hui se souvient des massacres des Arméniens ? De nos jours certains pays, pour des raisons politiques, ne se « souviennent » pas du génocide des Arméniens et d’autres parlent de « prétendu génocide », cependant que le peuple arménien vit la mémoire du génocide dans sa vie quotidienne. La mémoire doit être partagée avec les autres non point comme expression de haine et d’intolérance mais comme interpellation, comme défi à avancer vers le repentir, le dialogue et le pardon. 3. La reconnaissance du génocide : un pas vers la justice La vérité préservée par la mémoire doit être dite. « Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5,15). Lorsque la vérité n’est pas reconnue, c’est le déni qui s’installe. Toute personne ou communauté ainsi que tout gouvernement qui refuse de reconnaître et d’assumer la responsabilité pour des actes de génocide est coupable de crime contre l’humanité. L’acceptation de la vérité et de la responsabilité d’un génocide demande beaucoup de courage. La personne, la communauté ou le gouvernement doit entreprendre une relecture de son histoire. Seul un tel processus d’autoévaluation, d’autocritique et d’autopurification peut permettre de cerner la vérité. Certains génocides du XXe siècle ont été reconnus ; d’autres sont toujours niés. Lorsqu’ils sont reconnus, des communautés ou des nations en conflit se dirigent vers le dialogue et la réconciliation. Mais pour que justice soit faite et que réussisse la réconciliation, la confession est indispensable, car elle est la condition sine qua non du pardon. 4. L’impunité : un génocide continu Dans le cas où un génocide est nié, justice ne peut être faite qu’à travers une approche punitive. Selon de nombreux juristes, les systèmes criminels et les procédures juridiques actuels tiennent compte du criminel plutôt que de la victime. Or, la justice véritable ne peut régner que si les droits de la victime sont également reconnus. La justice restitutive est un développement nouveau dans le système criminel. Elle ouvre de nouvelles perspectives tant du point de vue de la prévention que des sanctions. C’est un système axé sur la victime ; le but éventuel qu’elle poursuit est de rétablir le dialogue entre le bourreau et la victime afin de les réconcilier. La commission « Vérité et réconciliation » d’Afrique du Sud est un exemple concret de ce processus. La justice restitutive doit aussi comporter une dimension de rétribution. La justice restitutive assure la cicatrisation, la guérison, en créant un espace pour le dialogue ; la rétribution rend possible la réconciliation. Pour qu’il y ait une justice véritable, il est indispensable qu’aient lieu réparation, restitution et compensation des victimes. L’impunité génère l’injustice qui, à son tour, donne naissance à des actes de vengeances, créant ainsi un cercle interminable de violences. Les criminels doivent rendre compte de leurs actions à l’humanité. De nombreux criminels n’ont pas encore comparu devant la justice ; or cette impunité signifie les amnistier de facto. S’il est possible d’amener à la justice des individus criminels, pourquoi serait-il impossible d’y amener des gouvernements et des nations ? La Conférence internationale, qui s’est tenue les 22 et 23 de ce mois au catholicossat arménien de Cilicie sous le haut patronage du président de la République libanaise, a tenté d’explorer et d’analyser les différentes dimensions et répercussions de l’impunité. Certains génocides du XXe siècle furent reconnus et il y eut rétribution. Par exemple, au Rwanda la justice rétributive est en train de s’établir grâce aux efforts conjugués des Nations unies, du gouvernement et du peuple rwandais. Cependant, le génocide arménien reste impuni. Une justice restitutive serait un modèle aussi bien dans le cas du génocide arménien que dans le cas d’autres crimes contre l’humanité qui attendent d’être résolus. Durant les cinquante-six dernières années, les Nations unies ont tenté d’appliquer la Déclaration des droits de l’homme en adoptant décisions et conventions relatives à des secteurs spécifiques des droits humains, y compris le génocide. Malheureusement, ces tentatives n’ont pas empêché des millions de personnes d’être victimes d’atrocités, de répressions et de génocide. L’humanité ne doit pas oublier les leçons douloureuses que nous apprennent les génocides du XXe siècle ; elle doit utiliser ces connaissances pour bâtir un monde où règne une paix juste, un monde où les mémoires sont réconciliées. La mondialisation interpelle les nations, les religions et les cultures, les engageant à établir entre elles un dialogue constructif. Reconnaissant la vérité et nous acceptant les uns les autres, nous devons dépasser le stade de la confrontation afin d’atteindre celui de la réconciliation. La négation et le déni ne peuvent ni promouvoir le dialogue, ni restaurer la justice, ni bâtir la paix, ni accomplir la réconciliation. Au cours du XXe siècle, l’humanité a payé très cher la politique du silence face au génocide. Elle ne doit pas rester silencieuse au XXIe siècle. C’est là la leçon douloureuse que nous portons en nous. C’est là aussi le grand défi que nous devons relever ensemble. * Ces réflexions sont basées sur le texte de la conférence que Sa Sainteté Aram Ier a donnée en anglais lors du colloque international « The Lasting Peace in Africa », qui s’est tenu le 17 avril 2004 à Kigali (Rwanda), à l’occasion du 10e anniversaire du génocide rwandais. Le génocide ancré dans la mémoire arménienne À l’aube du troisième millénaire, et 89 ans après les massacres perpétrés contre le peuple arménien, la cause arménienne demeure sans solution. Une solution qui requiert la reconnaissance par la communauté internationale du génocide arménien et de la nature abominable de ses conjurateurs, d’autant plus qu’elle restitue la considération aux peuples qui ont subi le sort du peuple arménien, à savoir les massacres, la déportation, la répression et le despotisme pour des motivations pétries de ségrégation et de discrimination raciale. Le 24 avril de chaque année, le peuple arménien commémore le génocide arménien, se remémorant son atrocité et l’ampleur de la lutte. La communauté arménienne a joué un rôle prépondérant dans la naissance et le développement du Liban. Ce rôle émane de la conviction viscérale qu’a le peuple arménien de l’importance de sa présence au Liban. Inspirés par leur noble histoire, les Arméniens ont tenu à préserver leur patrimoine, leurs traditions, leurs valeurs et leur religion, et se sont ralliés autour d’un seul concept relatif à la citoyenneté et à leur existence au Liban. Après la conclusion de l’accord de Taëf, la scène politique intérieure a été en proie à des tiraillements et des rivalités entre les diverses forces confessionnelles libanaises. La peur a saisi alors la communauté arménienne ; peur d’être évincée ou de vivre marginalisée des événements en cours, de se retrouver prisonnière des idées antérieures et cloîtrée dans des conflits traditionnels. Toutefois, après le génocide arménien, l’Église arménienne et la classe politique arménienne ont jeté les bases d’une société arménienne solide. Il ne fait guère de doute que les forces politiques de cette communauté ont introduit des changements indispensables à son adaptation à la conjoncture politique et sociale du Liban, conjoncture créée par l’accord de Taëf, et par son intégration dans une communauté politique libanaise plurielle. Néanmoins, activer l’intégration et se placer comme partenaire représentent une tâche indispensable, dans toute tentative de faire du Liban un havre de la convivialité et un creuset où fusionnent les diverses confessions, cultures et courants libanais. Dans cette perspective, j’appelle les forces politiques arméniennes à concrétiser leur participation à la vie politique par la reconnaissance mutuelle et par la convergence des divers courants politiques et sociaux, des intellectuels et des journalistes, sous l’égide de l’Église arménienne, afin d’élaborer un projet libanais, susceptible de créer un pôle arménien de renouvellement, lequel attribuera aux franges concernées de la société la tâche qui leur incombe, qu’elle soit relative à la prise de décision ou à la détermination des caractéristiques arméniennes de la modernisation et de l’épanouissement. Ce processus de réforme est nécessaire pour éviter le retour au passé et pour permettre aux Arméniens de faire face aux bouleversements que connaissent le Liban et le monde. Il est impératif que les Arméniens réalisent que leur avenir et leurs intérêts sont inaliénables, et qu’unifier les efforts demeure le seul choix substantiel. Nous sommes autant responsables du Liban que les autres communautés, chrétiennes ou musulmanes ; nous devons tout autant qu’elles nous intégrer à la chose publique, construire le pays et réaliser le bien, la paix et la justice. De même, il incombe au Liban, tout comme à la communauté arménienne de garantir l’équité et de protéger les droits et les potentiels de la communauté arménienne. Ainsi le Liban restera-t-il fidèle à sa vocation et demeurera-t-il le pays modèle et la nation définitive de ses fils. Le génocide a laissé une plaie profonde dans la mémoire du peuple arménien et dans la mémoire de l’humanité entière. Cette plaie doit allumer dans l’esprit du peuple arménien le flambeau, qui éclairera sa foi et qui le motivera à agir pour préserver son existence, ses droits et son attachement à la patrie mère. Ce flambeau lui permettra de continuer à défendre sa cause noble : obtenir la reconnaissance internationale du génocide arménien et le châtiment de ses auteurs. Jean OGHASSABIAN Député de Beyrouth « La lumière des justes ne s’éteindra jamais » Au début du XXe siècle soufflait un air de démocratie, de liberté, de réformes et, parmi les peuples affectés, la plupart étaient des peuples soumis, dont les Arméniens qui se mettent à lutter pour toutes les causes justes, déclenchant chez les Turcs une réaction qui se concrétisa par le massacre, en 1895, de milliers d’Arméniens. Mais l’empire commence à s’effondrer et les guerres successives le dépouillent de tous ses territoires en Europe. Il ne lui reste plus qu’Istanbul et la zone environnante. Les Turcs cherchent leur seul espoir de survie en l’armée. Un groupe d’officiers, les Jeunes Turcs, forment un parti politique secret et décident de réformer l’empire. Les Jeunes Turcs utilisent dans un premier temps les Arméniens et les Grecs pour créer un État multinational et libéral, sur le modèle occidental. Peu après, la Première Guerre mondiale éclate et leur programme politique change. Les Turcs se retrouvent aux côtés de l’Allemagne impériale, qui arme et entraîne leurs troupes. Ils se retrouvent ainsi alliés de l’Allemagne dans une guerre catastrophique. À cette époque, beaucoup d’Arméniens combattent officiellement dans l’armée ottomane. Cette dernière exécute les soldats arméniens et ordonne l’évacuation de toute la population arménienne hors de la zone de combat. Le ministre de la Guerre, Enver Bey, et le ministre de l’Intérieur, Taléat Pacha, seront les architectes de cette politique. Taléat, voulant laisser un seul Arménien pour l’exposer au musée, envoie un télégramme codé aux cellules du parti des Jeunes Turcs : « Le gouvernement a décidé d’éliminer tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l’âge ni du sexe. Les scrupules de conscience n’ont pas leur place ici. » Par la suite, le 24 avril 1915, l’intelligentsia arménienne, quelque 600 notables sont arrêtés et exécutés. Un ordre de déportation est donné à toute la population arménienne qui doit être transférée en Anatolie, en Syrie, en Deir ez-Zor et en Mésopotamie. Cette déportation se réalise dans des conditions extrêmement atroces, la plupart des convoyés étant égorgés, bastonnés ou fusillés sur la route. 1,5 million sur les quelque 2 millions d’Arméniens ont été massacrés. Ainsi, l’Arménie occidentale se vide de sa population. Les Turcs s’accordent à reconnaître quelque 300 000 victimes, refusant de voir là un génocide programmé, ils font état d’épidémie, de famine ou des conséquences de la guerre. Les diplomates américains et allemands, les missionnaires et officiers suisses, allemands, scandinaves fournissent pourtant les mêmes témoignages sur l’atrocité des convoyeurs et la souffrance du peuple martyr. Le génocide est un crime contre l’humanité. C’est une violation du droit international définie par la Convention sur la prévention et la répression du crime du génocide, adoptée le 9 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies. Afin que l’inculpation pour génocide puisse être prononcée, plusieurs conditions doivent être remplies. Ainsi, il faut que : - la victime soit un groupe ethnique appartenant à des catégories définies par la convention; - les membres de ce groupe aient été tués comme tels, c’est-à-dire en raison de leur appartenance à ce groupe; - l’intention d’exterminer ce groupe ethnique soit prouvée. L’affirmation de cet acte criminel est l’axe autour duquel s’ordonne la preuve du génocide. En général, le génocide est un crime prémédité, organisé dans le détail, tout en effaçant chaque trace, afin que l’oubli s’instaure. Ainsi, si un jour on lui demande de rendre des comptes, le criminel inverse l’accusation et accuse sa victime de l’avoir attaqué et tué le premier. Nous ne pouvons qu’adopter le fait que l’acceptation du génocide par beaucoup de pays a pris et prend un temps énorme, et nous, en tant que concernés par ce génocide, nous ne pouvons qu’espérer, croire et lutter car « la lumière des justes ne s’éteindra jamais ». Serge TourSarkissian Député de Beyrouth Quand l’art devient un émouvant témoignage 1915. Non, le temps n’a guère cicatrisé la plaie. 1915 reste une date effroyable dans la mémoire du peuple arménien. Aujourd’hui 24 avril, tous les « hays » (Arméniens) se souviennent . Des disparus. Des morts. Des déportés. Des fusillés. Tragiquement. Effroyablement. Inadmissiblement. Injustement. Aujourd’hui, l’on prie. Pères, frères, sœurs, mères, amantes, amants, amis, connaissances, le cortège est long et insoutenable. Nous voilà au bout de la cinquième génération, peut-être, et la diaspora a empli de ses cris, de son deuil et de sa douleur la planète entière. Mais aussi il y a la force de vaincre l’adversité, de triompher de la mort et la volonté de renaître. La souplesse et l’intelligence de s’intégrer tout en ne reniant jamais son identité ni son patrimoine ni sa langue d’origine. L’espoir est toujours permis aux hommes de bonne volonté. L’art a toujours été un exutoire, une sortie honorable au drame parfois de vivre. Et les Arméniens ont gratifié la terre, dans ses quatre coins cardinaux, d’artistes créatifs et talentueux. Quand la parole ne sortait plus, car la gorge est nouée et les larmes trop amères, il y a toujours eu la peinture et la musique… Parfois même de magnifiques travaux d’aiguilles… En ce jour où les Arméniens du monde gardent plus d’une minute de silence en signe de recueillement pour tous ceux qui sont partis trop tôt il y a déjà plus d’un trois quarts de siècle, on s’arrête devant une toile de Yuroz (de son vrai nom Youri Kevorkian), intitulée Respect pour les réfugiés. Yuroz a conquis en star incontestée les cimaises des galeries de Las Vegas. Face à l’indignité, la lâcheté et la barbarie humaine, il représente un groupe de personnages peints à travers des êtres toutes races confondues car frères dans le malheur et l’espoir d’un lendemain meilleur. Cette toile flamboyante dans ses couleurs orange, chaleureuse dans son atmosphère empreinte d’humilité, riche dans son symbolisme simple et perceptible, a été retenue par les Nations unies pour être imprimée en timbres à plus d’un million d’exemplaires. De même que cette splendide murale à la thématique généreuse, où l’être tend vers le soleil du bonheur et la sécurité d’une patrie tout en dispensant ses connaissances et son savoir-faire en partage aux générations montantes, est exposée en permanence aux locaux de l’Assemblée générale de Genève. Un pinceau, des couleurs, une émotion, la douleur d’un souvenir que rien n’efface, le talent d’un peintre et voilà qu’en toute spontanéité l’art devient un touchant témoignage, vibrant et universel, pour des choses qui ne s’oublient pas… E.D.
Comme chaque année, la communauté arménienne se mobilise en force pour commémorer, aux quatre coins du monde, le souvenir du génocide de 1915. Fidèle à ce rituel, la communauté, qui milite depuis des dizaines d’années pour faire reconnaître ce crime collectif par l’ensemble de la communauté internationale, poursuit inlassablement son action de lobbying à travers le...