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Actualités - CHRONOLOGIE

Adonis, le supermarché « in » de Montréal Un coin du Liban au cœur du Québec

Montréal, de Danielle Jazzar Noujeim Il y a 26 ans, comme beaucoup d’autres Libanais, trois associés débarquent à Montréal avec quelques dollars en poche et beaucoup d’énergie. Ils sont aujourd’hui à la tête d’un des lieux où convergent, non seulement les Libanais de Montréal, mais aussi tous les mordus de cuisine méditerranéenne de la ville, le supermarché Adonis. Élie et Jamil Chéaïb, et leur partenaire Georges Ghoraïeb, partis en 1978 de Damour alors sinistrée, avaient alors la ferme intention de recommencer à zéro et de saisir leur chance sans peur du risque. Propriétaires d’un magasin d’alimentation dans leur ville natale, ils décident alors de poursuivre le métier qu’ils connaissent bien, et ouvrent un « dépanneur » à côté d’un restaurant libanais. Au Québec, il s’agit d’une épicerie « qui dépanne » 7 jours sur 7, jours de fête compris. Aujourd’hui, Adonis s’étend sur 2 600 m2, au cœur de Ville Saint-Laurent, quartier du nord de Montréal à majorité libanaise, et possède deux succursales, dans d’autres quartiers de la ville. Une rampe d’accès longeant une baie vitrée, avec vue plongeante sur une vingtaine de pâtissiers au travail, donne le ton : à peine sorti du parking, le client, se laissant emporter par le tapis roulant, est hypnotisé par des crèmes appétissantes étalées sur des génoises à peine sorties du four ou des fraises charnues posées minutieusement sur des fonds de tarte dorés. Le tout dans une belle cuisine aseptisée où les artisans gantés et coiffés de toques blanches œuvrent impassiblement. D’entrée, on est plongé dans une ruche bourdonnante. Les clients, par dizaines, se dirigent vers de généreux étalages de fruits et légumes savamment disposés, qui attirent le regard par leurs couleurs chaudes. D’un côté, sont exposées les salades et autres légumes verts, et de l’autre, champignons, figues, dattes et bien d’autres produits allant du beige au marron. Derrière cette palette multicolore s’étend le reste du magasin. Autour des étagères de l’épicerie, une foule attend patiemment son tour, numéro à la main, à la boucherie, la fromagerie, la charcuterie ou la pâtisserie. Rien ne manque à l’immigré nostalgique. Ni l’amande verte, la nèfle, la labné ou le halloum, ni le borghol, le zaatar, les pois chiches ou la moghrabieh, en passant par le café, les pistaches, les pâtisseries arabes et les plats libanais cuisinés sur place. En musique de fond, Feyrouz. À la mezzanine, la direction veille sur l’organisation générale. Élie Cheaïb se déplace d’un magasin à l’autre et se mêle souvent aux employés. Ceux-ci, libanais pour la plupart, sont tenus de parler l’arabe et le français. Il préfère employer des immigrants pour plusieurs raisons. Obtenir un premier emploi au Canada est l’un des plus gros obstacles que rencontre un immigrant; il dispense la fameuse « expérience canadienne », ouvrant la voie à une carrière plus intéressante. C’est ainsi que des professeurs d’université ou des ingénieurs se retrouveront à la charcuterie, ou des médecins au rayon des fruits, le temps de trouver un travail plus édifiant grâce au tremplin que leur offre Adonis. En retour, le bonheur d’avoir un premier emploi leur permettra de donner le meilleur d’eux-mêmes avec enthousiasme. - Plus qu’un magasin : un holding Quant à la clientèle, elle grossit de jour en jour. Libanaise au départ, elle est de plus en plus mélangée, et les Québécois, de plus en plus nombreux, viennent s’ajouter aux Maghrébins, Égyptiens, Grecs, Italiens ou Asiatiques. Derrière ce succès, le souci constant de dispenser le service et la qualité au meilleur prix. Le secret des prix concurrentiels réside dans la provenance des produits. Car, aujourd’hui, Adonis n’est que le maillon d’une chaîne de sociétés complémentaires employant plus de 600 personnes. Les trois associés ont monté une compagnie de distribution, Phoenicia, chargée d’importer les meilleurs produits, mais aussi de distribuer au Canada et d’exporter aux États-Unis sa propre marque, Cedar. Encourager l’industrie libanaise est une de leurs priorités. C’est ainsi que, depuis 25 ans, les marques al-Rabih, al-Wadi al-Akhdar, Najjar, Bonjus, Ghandour et Kassatly approvisionnent encore des milliers de Canadiens. Les produits frais proviennent de fermes, à majorité libanaises, implantées au Canada ou en Californie. Les plats à emporter sont concoctés sur place par 60 cuisiniers, la viande est débitée et proposée dans de succulentes marinades par une armée de bouchers, et le pain est fabriqué dans la boulangerie d’un autre frère Cheaïb, Andalos. Pour Élie Cheaïb, le respect du client est prioritaire. Sachant qu’un grand nombre de clients viennent des quatre coins de Montréal au moins une fois par semaine, il se doit de leur offrir un cadre agréable, une ambiance chaleureuse, un service impeccable, des prix concurrentiels et surtout, l’envie de revenir. Car les supermarchés ne manquent pas à Montréal. Malgré les centaines de clients qui y viennent tous les jours, quatorze caisses évitent l’attente, même les jours de grande affluence, et un service de contrôle de qualité ne chôme jamais. Quant aux clients, ils trouvent là leur compte. Anne K., installée à Montréal depuis 29 ans, vient retrouver chez Adonis « un petit Liban » : « J’y trouve tout ce dont j’ai envie et tout ce que j’ai connu autrefois. L’ambiance y est charmante et conviviale, et l’hospitalité libanaise bien présente : à la moindre hésitation, les employés m’offrent gracieusement des échantillons à déguster, ce qui est plutôt rare de nos jours. » Quant aux Québécois, ils sont heureux de revenir : « C’est moins cher, bien organisé, et on y trouve les bons pâtés libanais faciles à emporter pour les pique-niques du dimanche. » Louise C., habituée du magasin veut, bien sûr, parler des fatayer, sfiha, manakich et autres samboussek qui emplissent son chariot. Valérie L., une Française amoureuse de l’Orient, vient y trouver la chaleur dont la prive l’hiver polaire canadien : « Il me suffit d’entrer pour sentir le soleil sur ma peau. Ici, je me sens en Orient, avec la discipline et l’organisation de l’Occident. » Le pari est gagné. Non seulement Adonis est un succès, mais ses propriétaires se sont fait une place de choix au Canada, désormais leur pays. Pour Élie Cheaïb, Montréal est une des seules villes au monde où le Libanais peut réellement se sentir chez lui : « Nous sommes fiers d’être libanais et canadiens, et surtout nous avons le sentiment de servir nos deux pays. » Plus qu’un supermarché, Adonis est un lieu de rencontre et de mélange interculturel, l’essence même du Liban et du Canada.
Montréal, de Danielle Jazzar Noujeim
Il y a 26 ans, comme beaucoup d’autres Libanais, trois associés débarquent à Montréal avec quelques dollars en poche et beaucoup d’énergie. Ils sont aujourd’hui à la tête d’un des lieux où convergent, non seulement les Libanais de Montréal, mais aussi tous les mordus de cuisine méditerranéenne de la ville, le supermarché...