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Actualités - CHRONOLOGIE

DÉBAT - Signature du livre de Fady Noun « Guerre et mémoire » à la librairie al-Bourj Faire face à la vérité pour pouvoir crier : « Plus jamais »

Lieu de mémoire par excellence, c’est la place des Canons et plus précisément la librairie al-Bourj que notre collègue Fady Noun a choisies pour signer son livre Guerre et mémoire et lancer le débat sur son contenu. Un débat animé par Amal Makarem, responsable de l’ONG Mémoire pour l’avenir, Talal Husseini, intellectuel et rebelle, et Issa Goraieb, éditorialiste de L’Orient-Le Jour. Animé est vraiment le mot qui convient à l’échange qui a suivi la signature, tant les intervenants sont sortis des sentiers battus, donnant à l’ouvrage de Fady toute sa dimension spirituelle et politique. Des éléments de réflexion, il y en a eu beaucoup, hier soir, et l’assistance, venue d’horizons différents, mais unie dans un même souci de surmonter le passé et ses tragédies, prendra sans doute le temps de les méditer, en découvrant les textes d’un collègue qui n’a jamais été un simple journaliste, mais surtout un « homme de foi, en Dieu et dans le Liban », selon les termes de Issa Goraieb. Pour la circonstance, Fady Noun avait mis de côté son humour particulier. Il n’était qu’émotion, face à tous ceux, nombreux, venus pour la signature de son livre. Penseurs, chercheurs, intellectuels, hommes de religion, personnalités politiques, amis de longue date, compagnons de combat dans la recherche d’un avenir meilleur pour le Liban et ... collègues, ils étaient tous venus pour partager ce moment unique dans la vie d’un homme, celui où il expose ses choix et attend le verdict du public. Car si l’ouvrage de Fady Noun est en partie une compilation d’articles déjà publiés dans L’Orient-Le Jour, il est aussi le fruit de longues années de réflexion et la preuve tangible d’un engagement constant en faveur des idées et des convictions qui lui ont permis de mener une carrière hors normes, loin des exigences de l’actualité, pour se consacrer à la recherche de la vérité, ou du moins de l’un de ses aspects. Ce militant, plutôt que journaliste, avait donc choisi le mardi 13 avril pour présenter son ouvrage sur la guerre et la mémoire, et à ses invités, il a demandé « d’écouter Beyrouth nous dire son passé (...). Écoutons ici, innocente comme à l’aube de sa naissance, la passion simple de la justice et la fraternité humaine ». « Tournons ensemble la page de ce passé douloureux et prenons le serment de ne plus jamais nous entretuer », a encore dit Fady Noun, lançant ainsi son ultime message, presque une obsession. Obsession d’ailleurs partagée par Amal Makarem, qui travaille essentiellement sur le terrain, dans les villages, et qui découvre à chaque fois combien le fossé est encore grand entre les Libanais et les plaies encore ouvertes. Amal Makarem a mis l’accent sur l’immoralité qui règne actuellement et qui rend urgent le travail de mémoire, pour éviter que les nouvelles générations ne produisent des meurtriers. « Sans ce travail, la réconciliation nationale restera fictive. Car on a mis fin à la guerre, sans mettre un terme à l’effet de ses crimes. » Il faut donc vider le passé de sa nuisance et cette nécessité est un acte politique. Amal Makarem a ensuite rendu hommage à Fady Noun, ce « chrétien engagé, ce croyant qui montre que la foi n’a rien à voir avec le confessionnalisme et ne consiste pas en un repli identitaire ». Selon elle, cet ouvrage pose des questions qui dérangent, notamment celle des responsabilités, sans laquelle il est impossible de surmonter le passé. Issa Goraieb a de son côté insisté sur la volonté, chez certains, de zapper les années noires alors que Fady Noun les ramène vers leur passé, puisqu’il s’agit de voir la vérité en face. Il évoque le « souffle de spiritualité » qui marque cet ouvrage de bout en bout et qui est surtout l’œuvre « d’un croyant, d’un homme de foi en Dieu et en le Liban ». Pour Issa Goraieb, Fady Noun nous appelle à tirer les enseignements du passé afin de pouvoir dire « plus jamais ». C’est surtout essentiel, dit-il, pour les jeunes, qui ne connaissent de la guerre que ce qu’on a bien voulu leur dire, mais qui ne disposent pas d’un ouvrage de référence commun. Ainsi, « certains se sont battus pour la souveraineté et celle-ci est plus que fictive aujourd’hui. D’autres pour la résistance palestinienne qui a finalement plus souffert des complots arabes que des attaques israéliennes, et d’autres encore pour la réforme du système politique qui apparaît aujourd’hui plus sectaire que jamais ». Goraieb conclut en précisant que pour avoir une mémoire collective, il faut la fouiller et éclairer les zones d’ombre. Or cela ne peut être malheureusement accompli dans les circonstances actuelles. Preuve en est l’impossibilité de rédiger un livre d’histoire commun à tous les Libanais. Idée contestée par l’historien Ahmed Beydoun qui a préféré, lui, la parution de plusieurs livres d’histoire pour respecter la diversité du pays, dénonçant toutefois la lâcheté de l’État, trop faible pour pouvoir émettre un jugement de valeur sur ces ouvrages. Talal Husseini, frère de l’ancien président de la Chambre, a tenu un discours différent. Plutôt que de s’attarder sur la mémoire de la guerre, il a commenté un autre thème cher à Fady Noun : la nécessité d’un nouveau Pacte national. Talal Husseini a réfuté, à cet égard, le fait que le Pacte de 43 et le Document d’entente nationale de Taëf ne sont pas le résultat d’un accord entre les chrétiens et les musulmans, puisqu’aucune des parties ne représentait sa communauté. Pour lui, la vie en commun doit se faire entre les Libanais quelles que soient leurs croyances, et non simplement entre les musulmans et les chrétiens, d’autant, dit-il avec humour, qu’étant officiellement chiite, il n’a pas la chance d’avoir été touché par la grâce de la foi. Toujours, selon Talal Husseini, entre les chrétiens et les musulmans, cela a été jusqu’à présent une rencontre qui n’a pas encore trouvé le bon timing. « Ou bien est-ce moi qui n’ai pas le bon mode d’emploi, celui du croyant ? » Le père Joseph Mouannès s’est ensuite demandé si les Libanais ont le courage de se demander mutuellement pardon, et tant qu’ils ne le feront pas, le travail de mémoire ne sera pas constructif. Un jeune universitaire, Ziad Gebrane, a demandé comment faire pour que ce livre puisse intéresser les gens de sa génération, et la réponse a été plutôt laborieuse, Fady Noun se contentant de constater que beaucoup de jeunes ignorent la date du 13 avril. N’y a-t-il toutefois pas un risque qu’à force de s’intéresser à la mémoire, on ne reste figé dans le passé ? Amal Makarem explique alors qu’il faut savoir doser, ni un excès de mémoire ni un excès d’oubli. « Mais c’est actuellement que l’on est figé dans le passé, puisque le travail n’a pas été fait. » Avant d’inviter les présents au vin d’honneur offert par le restaurant DT, Fady Noun n’a pu s’empêcher de lancer un dernier cri du cœur. « Ce livre se veut aussi un message d’amour. Il faut apprendre à aimer le Liban, ce pays qui regroupe 18 communautés différentes et auquel je suis fier d’appartenir. » Hier soir, c’était en tout cas L’Orient-Le Jour qui était fier... d’être, grâce à notre collègue, au cœur d’un débat visant à combler le fossé entre les Libanais. S.H.
Lieu de mémoire par excellence, c’est la place des Canons et plus précisément la librairie al-Bourj que notre collègue Fady Noun a choisies pour signer son livre Guerre et mémoire et lancer le débat sur son contenu. Un débat animé par Amal Makarem, responsable de l’ONG Mémoire pour l’avenir, Talal Husseini, intellectuel et rebelle, et Issa Goraieb, éditorialiste de...