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La roulette budgétaire : impairs, passes. Et manque

Rien de plus économique, pour aborder un sujet du même nom, qu’un proverbe chinois : ils sont tous d’imitation ! Prenez celui-ci : « Qu’est qu’un sage ? C’est un fou qui n’a pas réussi. » Je dirai même plus et mieux, lancent les Dupont, « c’est un fou qui a réussi ». Des sages pour nous guider sur la voie du salut, nous en avons à profusion. Car s’il est vrai que le ciel est promis aux pauvres, ces dirigeants nous y mènent tous, ou presque, tout droit. C’est le seul message rassurant que nous délivre le budget Siniora, cru 2004. Il prévoit un déficit de 36,6 %. Ce qui signifie en clair qu’en faisant très attention, on pourra rester en fin d’exercice sous la barre des 60 %. Avec de tels scores, en Occident, ce serait l’effondrement total, la guerre civile puis l’apocalypse nucléaire. Les recettes, hors privatisations éventuelles, devraient réunir quelque 4,5 milliards de dollars. Contre des dépenses de 6,2 milliards. Dont les 47 % iraient au service de la dette (paiement des intérêts). Grosso modo, il reste 3 milliards de dollars que le contribuable est invité (tortueusement, par les royalties extorquées sur l’essence par exemple) à débourser à seule fin d’assurer le fonctionnement de l’État. C’est-à-dire, essentiellement, pour faire vivre ces messieurs de la haute politique et des centaines de milliers de sous-fifres. Dont au moins 20 %, selon un ministre, sont de purs parasites. Une double approximation arithmétique : à sa naissance, tout citoyen libanais est déjà endetté, publiquement, d’à peu près 12 000 dollars. Et chaque mois, tout contributeur fiscal doit y aller de quelque 400 dollars, partagés quasiment fifty-fifty entre tribut aux ponctionnaires et service de la dette. Qui n’aurait du reste jamais atteint les cimes des 35 milliards s’il ne fallait, année après année, préserver les équilibres sociaux ! En d’autres termes : continuer à se partager le gâteau, sous le couvert démagogique de l’État-providence. En fait, si le Liban n’a pas encore été sommé de déposer son bilan, c’est simplement parce qu’il appartient à une région poudrière. Là où des nations cent fois plus étendues, avec une dette deux fois moindre, ont déjà eu droit à des plans drastiques de la Banque mondiale et du FMI (ce qui signifie des années et des années de sacrifices pour leurs populations), le Liban ne s’attire que de timides remontrances. En effet, assez curieusement, sa mise en faillite entraînerait des ondes de choc dévastatrices sur le plan financier pour tous les pays environnants, l’ennemi compris. Wolfensohn ne le voudrait pas. Une petite précision : prétendre traiter la dette en premier, pour assainir les finances publiques, reviendrait à mettre la charrue devant les bœufs. Il existe certes des astuces comptables, des jeux d’écritures, de quotas, ou des montages d’affaires, pour alléger le fardeau de la créance. Paris II en a montré à la fois le potentiel et les limites. Mais il n’y a pas de traitement de fond, ni a fortiori de solution, si l’on ne gomme pas carrément la notion d’État-providence telle qu’elle se pratique ici. D’une manière si faussée qu’elle finit par affamer les assistés eux-mêmes ! Siniora l’a toujours compris. Il avait souligné la nécessité d’un dégraissage général dans le plan dit horizon 2006 qu’il avait présenté en 2003. Et qu’il a dû, piteusement, pitoyablement laisser tomber. Sous la pression des démagos, dont son propre camp n’est pas exempt, tant s’en faut. En clair : on garde les caisses et les Conseils, non seulement inutiles mais nocifs, qui ne sont que des pompes à fric pour des leaders et des partis. On continue à bourrer de bouches avides d’oisillons les administrations, surbondées de surnuméraires (le joli euphémisme que voilà). Et on fait une croix sur des idées d’élagage élémentaire, comme en défendait jadis, à une époque qu’il a lui-même oubliée sans doute, un Walid Joumblatt. C’est-à-dire qu’on ferme les yeux sur la différence étonnante qu’il peut y avoir entre la Suisse, la vraie Suisse d’Europe, et son ersatz oriental : la Confédération entretient une toute petite armée, ce qui ne l’empêche pas d’être forte, par le savoir-faire et la technologie. Alors qu’avec nos unités régulières, soldats et gendarmes, nous pourrions sans peine battre tous les micro-États de notre dimension, ou même de plus grands. Il y aurait donc là des économies à faire. D’autant que, jusqu’à nouvel ordre régional, c’est sur la Résistance que l’on mise à la frontière ; et sur les Syriens à l’intérieur. Mais, pour être honnête, il existe bien d’autre secteurs, comme l’enseignement, où l’État peut revoir sa copie côté surgonflette du personnel. Toujours pour être honnête, il serait plus logique, et beaucoup plus sain, que l’on commence en fait par épurer les pratiques. Il ne servirait à rien, en effet, de chasser des gens, si des niches à pillage, à prébendes, à concussion, à juteuses magouilles ou adjudications, comme le sont certaines institutions mixtes, devaient subsister. Alors que le Libanais moyen, qui n’existe déjà plus d’ailleurs, n’arrive plus à nourrir, à vêtir, à élever ses enfants. Jean ISSA
Rien de plus économique, pour aborder un sujet du même nom, qu’un proverbe chinois : ils sont tous d’imitation ! Prenez celui-ci : « Qu’est qu’un sage ? C’est un fou qui n’a pas réussi. » Je dirai même plus et mieux, lancent les Dupont, « c’est un fou qui a réussi ». Des sages pour nous guider sur la voie du salut, nous en avons à profusion. Car s’il est vrai...