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Actualités - OPINION

13 avril - Une mémoire qui n’apporte pas d’enseignement Vingt-neuf ans après, le séisme laisse peu de stigmates, mais des séquelles énormes

13 avril 1975 La déchirure. Le pays ne s’en remet toujours pas. Ou si mal. Le centre-ville n’est plus un creuset chaleureux de coexistence conviviale. Mais ainsi refaçonné, il semble au moins joli à voir. On ne peut en dire autant des comptes. Ou des règlements de comptes entre barons de tutelle et autres comtes vassaux. Comme au tout premier jour de la signature des accords salvateurs de Taëf, nul ne s’en dit content. Toutefois au départ, l’excuse était absolue, irrécusable : il fallait faire taire le canon. Assez vite cependant, malgré de bien regrettables dérapages, il a été établi que la paix civile ne courait plus de danger. Il semble alors difficile, pour tout étranger, de comprendre pourquoi les Libanais ne s’attellent pas à réarranger un pacte qui n’arrange personne. Au point que certains censeurs sévères estiment que la crise intérieure, plaquée maintenant sur d’autres thèmes de surface que la présence palestinienne, en est toujours au même point qu’en 1975. C’est-à-dire qu’en retirant aux uns ce que l’on a donné aux autres (ou même pas), l’on n’a fait qu’inverser, en les rendant encore plus compliquées, les données du problème. Qui se résume, à la tête plutôt qu’à la base, en un mot : cohabitation. C’est en effet une lapalissade : l’entente nationale n’est toujours qu’un mirage. La réconciliation politique véritable, que réclament en vain nombre de forces politiques, est reportée, dans la meilleure des hypothèses, pour le prochain régime. Quant à la normalisation élémentaire, entendre la récupération de la souveraineté comme de l’indépendance du Liban, elle reste liée à la conclusion d’une paix globale dans la région. Et cela, par le pouvoir libanais, qui devrait l’exiger en premier ! Autre difficulté : beaucoup d’opposants, la plupart même, soutiennent qu’avant de songer à changer de Constitution, donc de système, il faut d’abord parachever l’application de Taëf. Ils exigent certes, dans ce cadre, le retrait mais également une loi électorale équilibrée, accompagnée d’une décentralisation administrative et d’un nouveau code des naturalisations. Mais bien que des progrès soient possibles par rapport aux législatives de l’an 2000, il est évident que le retour sur la scène internationale d’un Liban vraiment indépendant conditionne tout le reste. On sait en effet que sans une telle évolution, tout arrangement aboutirait fatalement au même résultat que Taëf. C’est-à-dire, se trouvant vicié à la base, il serait inévitablement tronqué, appliqué en certaines parties d’une manière discriminatoire et laissé lettre morte en d’autres tranches. Au seul profit des franges, ou des personnes, soutenues, pour une raison ou pour une autre, par les décideurs. Avec, en filigrane, un chantage larvé, des pressions plus ou moins brutales, plus ou moins subtiles. Exercées à travers l’octroi ou le refus de certaines dispositions. Pour faire fléchir les fractions qui militent, au-delà du retrait des forces syriennes, pour l’indépendance par l’arrêt des immixtions, politiques ou autres, dans les affaires intérieures de ce pays. On comprend dès lors que l’Est demande à la fois l’application exhaustive de Taëf et sa rectification. Walid Joumblatt lui-même estime qu’il est grand temps de corriger les innombrables failles de cet accord fondamental. Il répète qu’il faut assainir les relations libano-syriennes. Ce dont le président Bachar el-Assad a lui-même convenu, en soulignant que ces rapports doivent pouvoir servir de modèle au monde arabe. Promesse faite sans que, selon Bkerké, l’on voie encore des résultats tangibles sur le terrain. En marge de cette question de fond, Joumblatt (comme bien d’autres pôles) fustige les prestations des dirigeants, sinon du pouvoir. Il n’apprécie pas que l’on ait réprimé la manifestation des syndicats et des formations de gauche. Pour rester logique avec lui-même, il admet que les étudiants ont eux aussi le droit de manifester contre la présence syrienne. Ainsi que contre l’emprisonnement de dizaines de Libanais en Syrie. Tout en indiquant qu’il est prêt à répondre aux jeunes, démocratiquement, en organisant de massives contre-manifs. Car, à la lumière notamment de la guerre en Irak, le leader progressiste se raccroche de nouveau, avec force, à la présence syrienne et au jumelage siamois avec Damas. Sur lesquels il s’était posé, un certain moment (maintenant lointain), autant de questions que sur l’utilité d’institutions nationales. De même, il avait jadis dévidé des interrogations, discrètes mais certaines, sur le Sud. Et aujourd’hui, il est à fond pour la Résistance, dont il a visité le leader récemment, tant qu’Israël continue à occuper une portion du territoire libanais (Chebaa). En fait, Joumblatt, comme l’opposition toutes tendances confondues, se trouve forcé de réagir aux éléments de l’heure. Donc de consacrer ses commentaires principalement à la répression des libertés publiques, sous prétexte des élections municipales. On voit ainsi que d’année en année, les Libanais se sont vus confrontés à trop de problèmes ponctuels pour réfléchir ensemble à l’essentiel. C’est-à-dire à la relecture de Taëf. À l’indépendance et à la refondation du système. Philippe ABI-AKL
13 avril 1975 La déchirure. Le pays ne s’en remet toujours pas. Ou si mal. Le centre-ville n’est plus un creuset chaleureux de coexistence conviviale. Mais ainsi refaçonné, il semble au moins joli à voir. On ne peut en dire autant des comptes. Ou des règlements de comptes entre barons de tutelle et autres comtes vassaux.
Comme au tout premier jour de la signature des accords...