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Actualités - CHRONOLOGIE

Régions - En plus de quinze ans, le Parti communiste a perdu du terrain au Liban-Sud Dans la bande frontalière, la terrible amertume des habitants de Houla

Bien avant l’occupation israélienne de 1978, un nombre non négligeable de villages de la zone anciennement occupée était majoritairement communistes. Houla, Kfarkila, Marjeyoun, Dallafé... À Nabatiyé, la localité de Kfarremmane était connue également pour son allégeance au communisme. D’ailleurs, quatre dépouilles mortelles de combattants communistes originaires de cette localité avaient été rapatriées en janvier dernier, lors de l’échange de prisonniers entre le Hezbollah et Israël. En 25 ans, la majorité des communistes de ces villages est demeurée fidèle à ses idées et à ses principes. Obligés d’accepter, durant les années quatre-vingt et après mai 2000 « les forces de facto », ils ont appris à s’adapter à diverses situations, mais la mort dans l’âme. La bande frontalière. Houla, un village entièrement chiite situé non loin de la porte de Fatmé, faisant face aux kibboutzim. La localité est connue depuis longtemps pour être – avec Kfarkila – le fief du communisme de la zone. Ici, la mère de Farjallah Fouani, combattant communiste mort en 1987 dans une opération anti-israélienne à Jezzine, attend toujours la dépouille mortelle de son fils. Un cimetière du village accueille les corps d’une centaine de personnes qui ont péri en 1948, suite à un massacre perpétré par les Israéliens. Dans l’histoire récente du pays, après le retrait israélien, c’est l’un des rares villages exclusivement chiites, voire le seul, qui a été témoin d’un règlement de comptes entre les personnes qui sont rentrées chez elles après la libération et celles qui étaient restées sur place lors de l’occupation israélienne. À Houla, en l’espace de trois ans, plusieurs voitures piégées et bâtons de dynamite ont explosé. Interrogés sur ces attentats, les habitants n’accusent pas directement le Hezbollah, mais indiquent que depuis le retrait israélien, c’est le parti intégriste « qui est en charge de la sécurité de toute la zone ; il devrait donc assumer la responsabilité de ce genre d’actes dans le village ». Ici, sur la grand-place du village, le Hezbollah a installé, sur un vieux char israélien qui avait appartenu à l’armée du Liban-Sud, une statue en bois plus grande que nature de l’ayatollah Khomeyni. Et seul un siège est occupé par les communistes au conseil municipal, formé de 15 membres. Le village compte plus de 7 000 âmes et 1 200 électeurs, la plupart des habitants étant établis en Arabie saoudite et en Amérique latine. « Bien que la moitié du village demeure communiste, beaucoup avaient opté de voter, lors des dernières élections, pour la liste Amal-Hezbollah », indique Ali Faour, militant communiste qui a séjourné à plusieurs reprises au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix dans des prisons tenues par les Israéliens et par « les forces de facto », notamment celle de Zefta, dans le caza de Nabatiyé, et relevant du mouvement Amal. Lui comme d’autres habitants du village interrogés et qui préfèrent requérir l’anonymat indiquent, sans pour autant citer le Hezbollah, que « beaucoup ont eu peur lors des dernières élections de ne pas voter pour le parti qui est désormais en charge de la sécurité dans la zone anciennement occupée ». Selon eux, « il vaut mieux ne pas s’exposer à la colère de quelques partisans de la Résistance et profiter de l’aide sociale mise en place ». D’autres ajoutent : « Dans une zone comme la nôtre, il suffit d’une accusation, même fausse, selon laquelle on serait un agent israélien pour se retrouver dans une prison de l’État libanais. » C’est un sentiment amer qui habite nombre d’habitants de Houla, des hommes et des femmes, tous acquis aux idéaux communistes et fiers de la lutte du parti contre l’État hébreu tout au long des années quatre-vingt. « Ceux qui font la loi dans la zone depuis le retrait israélien nous accusent d’être des agents. Nous sommes restés ici, nous avons supporté de vivre sous la botte israélienne pour préserver notre terre, pour que la bande frontalière ne se transforme pas en colonies de kibboutzim comme c’est le cas au Golan », indique l’un. « Et puis, ils parlent de leur résistance, la Résistance islamique. Mais un résistant ne peut pas travailler seul sur le terrain, tout le monde sait qu’il a besoin d’un éclaireur s’il ne connaît pas la région. Un résistant qui vient effectuer une opération a besoin des habitants, de personnes qui lui indiquent les sentiers à suivre, qui sont prêtes à l’héberger, à lui donner de quoi manger s’il se perd, à le cacher et à le soigner s’il est blessé », renchérit l’autre. Une longue tradition de lutte La branche de Houla du Parti communiste a vu le jour en 1936. Et le village, selon ses habitants, a une longue tradition de lutte contre les envahisseurs. Celle-ci a commencé à l’époque ottomane et a atteint son apogée en 1948, quand une armée formée de plusieurs militants arabes voulait faire face à partir du Liban-Sud au nouvel État hébreu. Selon les habitants de Houla, « les Israéliens vêtus de costumes traditionnels arabes – afin que les villageois leur fassent confiance – étaient entrés dans plusieurs localités de la bande frontalière ». « Mais c’est à Houla, le 28 octobre 1948, qu’ils ont massacré 80 personnes, des hommes de tous âges », ajoutent-ils. Dès la fin des années soixante, avec la création du Fatehland, beaucoup de jeunes communistes de Houla et de Kfarkila ont choisi de lutter dans les rangs du mouvement de Yasser Arafat. « Notre village est connu pour son allégeance au communisme et pour sa longue histoire de lutte contre l’ennemi israélien. C’est dommage qu’après la libération, tout le monde ait voulu s’emparer de l’histoire de Houla et faire sienne la tradition d’héroïsme de ses habitants », indique Ali Faour, relevant qu’au moins 500 hommes du village se sont retrouvés dans les prisons d’Ansar et de Khiam durant l’occupation. Lui-même a passé plus de deux ans et demi dans ces deux prisons, en 1982 et 1985. « En 1985, je venais d’arriver au village, je n’ai pas eu le temps de descendre de voiture que les soldats de l’ALS m’ont emmené », dit-il. Avec un rire amer, il ajoute et « dire qu’après la libération, j’ai dû faire appel à des témoins pour que l’État libanais croie vraiment que je ne suis pas un agent israélien et que j’ai été emprisonné… » Interrogé sur cette histoire, il indique : « Tous les ex-prisonniers ont dû faire face à cette situation avec la libération, je n’étais pas le seul. » « Il faut dire aux diverses forces de facto – celles qui étaient responsables de tout le Liban-Sud libéré durant les années quatre-vingt ou encore celles qui tiennent la frontière depuis la libération en mai 2000 – que c’est le Parti communiste, et nul autre, qui a entamé la résistance », indique-t-il. Mais Ali Faour relève comme beaucoup d’autres que « si la Résistance, qui était nationale à une époque, s’est transformée depuis quelques années en une résistance islamique, ce n’est que pour des raisons régionales «. « Bien sûr que cette nouvelle résistance contre Israël est puissante. Elle a une appellation religieuse qui arrange les forces présentes dans la région, elle est soutenue sur le plan interne et elle bénéficie d’un financement étranger », ajoute-t-il. Les communistes de Houla, comme ceux d’autres villages du Liban-Sud, se demandent pourquoi « on veut donner, de plus en plus, une seule coloration, confessionnelle, à la Résistance ». Selon eux, chaque famille du village a tenu tête à l’occupation et aucun homme de la localité ne s’est enrôlé durant les 22 ans d’occupation dans l’armée du Liban-Sud. Et la période qui a suivi la libération a laissé beaucoup d’amertume dans leur cœur. Ils se demandent comment l’histoire récente du Liban sera écrite, et s’interrogent : « Si le gouvernement libanais veut punir ceux qui ont résisté au Liban-Sud et accorder des privilèges à ceux qui étaient les agents de l’ennemi, à ceux qui se sont croisé les bras, ce n’est pas un exemple à donner aux générations à venir. » Ali Faour résume d’une phrase la situation : « Nous avons été persécutés deux fois, une première fois durant l’occupation après la libération. » Et les habitants de Houla ne sont pas les seules personnes originaires de la zone anciennement occupée à avoir ce sentiment. Patricia KHODER
Bien avant l’occupation israélienne de 1978, un nombre non négligeable de villages de la zone anciennement occupée était majoritairement communistes. Houla, Kfarkila, Marjeyoun, Dallafé... À Nabatiyé, la localité de Kfarremmane était connue également pour son allégeance au communisme. D’ailleurs, quatre dépouilles mortelles de combattants communistes originaires de...