Rechercher
Rechercher

Actualités

Jeux de main…

Pour ennemies qu’elles pussent être, les cités grecques antiques avaient en commun une même hantise : la stasis, le désordre civil. Pour canaliser les jeunes turbulences, si promptes à s’éclater au niveau de la rue, les Hellènes avaient inventé les Jeux olympiques. Et ils faisaient avaler leur extrait de naissance, en même temps qu’une potion de poison, aux tribuns ou philosophes qui, en chauffant les jeunes têtes, provoquaient des risques de stasis. D’où il ressort que comme la langue d’Esope, la Grèce antique c’était à la fois le tout bon démocratique et le tout mauvais totalitaire. Il y était interdit de manifester. Sous peine de se retrouver rameur à vie sur une trirème. Et sur l’agora, la place publique, on pouvait certes s’exprimer. Mais jamais, au grand jamais, blasphémer les dieux. Ou contester l’autorité du système en place. Double crime pour lequel Socrate a été respectueusement invité à boire, jusqu’à la lie, une coupe de ciguë. Ce qui a donné à cet auguste pédophile une migraine aussi définitive qu’aiguë. Heureusement, avec les siècles et les délocalisations, les mœurs se sont légèrement adoucies. Il est toujours interdit de manifester. Mais on ne risque plus la galère. Tout au plus un chatouillis de matraque policière, et quelques heures de garde à vue en garde-à-vous. Quant aux hommes publics imprudents, on ne les expédie plus ad patres socratiques. On se contente de les harasser judiciairement. De les écarter du forum, aussi populaires qu’ils puissent être, comme on l’a fait avec un Najah Wakim. En commençant par faire le vide autour d’eux, par des descentes nocturnes chez leurs proches. Comme pour le farouche Fattouche. Retour vers notre riant futur, à travers un nouveau détour par le passé. Les Romains, qui avaient également en horreur la stasis, y ont d’abord remédié en faisant des têtes brûlées trop pleines de sève, de rudes combattants. D’où une déferlante de conquêtes. Qui ont abouti à la découverte du modèle grec. Aussitôt assimilé sous forme de jeux de cirque, si dérivatifs côté grogne plébéienne. Rien de changé non plus sur ce plan. Sauf qu’au lieu d’aller se divertir place de l’Étoile, où les fauves sont muselés, devant l’USJ cernée par la flicaille, à Riad el-Solh, où de pitoyables syndicats défilent ou devant l’Escwa, quand les jeunes arrivent à réclamer la libération des prisonniers libanais en Syrie, on a la télé chez soi. Et si le spectacle est trop répétitif, on peut toujours zapper sur une quelconque série. De sulfureux ébats au chablis. Ou de débats toxiques sur les mots d’ordre. Établi. Jean ISSA
Pour ennemies qu’elles pussent être, les cités grecques antiques avaient en commun une même hantise : la stasis, le désordre civil. Pour canaliser les jeunes turbulences, si promptes à s’éclater au niveau de la rue, les Hellènes avaient inventé les Jeux olympiques. Et ils faisaient avaler leur extrait de naissance, en même temps qu’une potion de poison, aux tribuns ou...