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Actualités - REPORTAGE

Ce qu’ils en pensent « La Passion du Christ » de Mel Gibson

Controversé aux États-Unis et en Europe, le film de Mel Gibson fait un tabac au Liban. Par groupes entiers, les jeunes et les moins jeunes se précipitent pour le voir, venus des quatre coins du Liban et même de Syrie et de Jordanie. Et à la sortie, tout le monde a invariablement les larmes aux yeux, remué par toute cette souffrance qu’on a souvent occultée, du Fils de Dieu. Certains y voient une réalité qui n’a pas toujours été bonne à dire, d’autres un message politique qui survient à point nommé dans le monde tourmenté d’aujourd’hui. Nous avons demandé à l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, et à un chercheur et journaliste chiite, Ali Ismaïl Nassar, ce qu’ils en pensent.Mgr Boulos Matar, archevêque maronite de Beyrouth Q : Que pensez-vous du film La passion du Christ de Mel Gibson ? R: « Je l’ai vu avec le patriarche, dans une projection en avant-première. Sur le plan cinématographique, c’est un très beau film, avec une mise en scène sublime, une grande recherche dans les effets spéciaux et une étude approfondie des personnages. Il comporte aussi des parallèles très intéressants entre le corps du Christ et l’Eucharistie, le sang versé et le calice. Pour un croyant qui entend à la messe “Ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous”, ces paroles prennent tout leur sens. De plus, le film est très fidèle à l’Évangile et à partir des douze dernières heures de la vie du Christ, il parvient à retracer tout son parcours, à l’aide de flash-back. » Q : Mais n’y a-t-il pas un trop grand étalage de la souffrance ? Et dans quel but, selon vous ? R : « Justement, c’est là son message profond. Le film a voulu montrer la grande souffrance du Christ, sans chercher à l’édulcorer, dans la pure tradition de l’école artistique réaliste. Après tout, le Christ est un homme qui a été assassiné, un innocent livré aux impies et malgré tout, sur sa croix, il est apparu triomphant, dans toute sa grandeur, mettant en évidence la petitesse de ceux qui l’ont tué. Certes, je crois qu’il y a eu de l’exagération dans certaines scènes, notamment celles où l’on voit les soldats romains en train de frapper le Christ, avec une violence et un acharnement extrêmes. Pourtant, ils ne devaient sans doute pas agir sous l’emprise de la haine, puisqu’ils étaient payés pour accomplir cette mission. Il y a donc quelques débordements, mais ce qui manque au film, c’est la méditation devant la souffrance du Christ, qui est aussi morale. Cette souffrance a pris toute sa valeur parce que c’est le Fils de Dieu qui l’a subie. Face à elle, un chrétien n’éprouve aucune haine et l’accepte, parce qu’il croit que ce sont toutes nos fautes qui ont causé la mort du Christ. Cette souffrance est pacificatrice, elle suscite l’amour et le pardon. Or tout cela n’est pas clair dans le film. » Q : Estimez-vous que la polémique autour de ce film est justifiée ? R : « Non, parce que le film n’est dirigé contre personne. Ni contre les Romains, qui sont de simples exécutants, ni contre les juifs, auxquels le Christ a pardonné, ni encore contre Ponce Pilate, symbole de la lâcheté, puisqu’il y en a tant dans le monde. Il lui manque simplement de montrer la vraie dimension de la souffrance du Christ, qui est la Rédemption du monde. Mais cela reste un très beau film. Je n’ai pas pleuré en le voyant, mais il m’a poussé à adorer davantage le Seigneur. On peut toutefois arriver au même résultat par la méditation, car, comme disait Saint-Exupéry, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Q : En le voyant, n’a-t-on pas un peu l’impression que le christianisme devient une religion basée sur la souffrance et le martyre ? R : « Non, parce qu’à la fin, lorsque le Christ monte sur la Croix, c’est toute la grandeur du christianisme qui apparaît. C’est un message d’espoir, d’amour et de pardon. Toute la religion chrétienne, en somme. » Ali Ismaïl Nassar, chercheur et journaliste Q : Que pensez-vous du film La passion du Christ ? R : « Pour moi, il raconte la tragédie vécue par le Christ et qui a été causée par les juifs. C’est un récit cruel de la souffrance de tous les opprimés dans le monde et pour moi, le Christ apparaît comme le Palestinien par excellence. Il y a eu plusieurs films sur Jésus. Mais celui-ci est considéré comme un véritable phénomène parce qu’il est diffusé à un moment historique où, aux États-Unis, les extrémistes chrétiens tiennent le pouvoir et où les sionistes du monde entier commencent à sentir qu’ils n’ont plus le vent en poupe, parce qu’ils apparaissent désormais comme les bourreaux, alors que pendant longtemps, ils étaient considérés comme les victimes. Ce sont ces parties qui ont provoqué la polémique sur le film, le rendant encore plus intéressant à mes yeux et à ceux de nombreux musulmans, athées, laïcs, etc. » Q : Il y a eu pourtant des critiques de la part de certains milieux musulmans... R : « Oui, certains ont estimé qu’il ne tenait absolument pas compte de la version musulmane et d’autres se sont opposés au fait qu’il reproduit des prophètes, alors que c’est interdit dans l’islam. Mais ces critiques n’ont pas vraiment porté. Ce qui compte, c’est la réalité de l’histoire et des images montrées. Ce film a le mérite de montrer un nouveau visage du Christ, mais aussi du judaïsme. Nous autres, nous ne pouvons le dissocier de ce qui se passe actuellement en Palestine et du fait qu’un récent sondage en Europe a désigné Israël comme l’État qui menace le plus la paix dans le monde. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les juifs sont les principaux moteurs de la campagne menée contre le film. Or le Vatican a jugé qu’il n’est pas antisémite et l’Église catholique américaine, qui est très humaine et très impliquée dans les grandes causes du monde, ne l’a pas trouvé injuste. Cela devrait suffire à faire taire les détracteurs. Pour moi, il reste un très beau film. » Scarlett HADDAD
Controversé aux États-Unis et en Europe, le film de Mel Gibson fait un tabac au Liban. Par groupes entiers, les jeunes et les moins jeunes se précipitent pour le voir, venus des quatre coins du Liban et même de Syrie et de Jordanie. Et à la sortie, tout le monde a invariablement les larmes aux yeux, remué par toute cette souffrance qu’on a souvent occultée, du Fils de Dieu....