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Actualités - interview

Interview - Au cours d’une visite au Chronic Care Center, la Première dame d’Égypte répond à « L’Orient-Le Jour » Suzanne Moubarak : Lutter contre le fanatisme par l’éducation

Depuis son arrivée à Beyrouth, dimanche matin, elle a conquis les Libanais par son élégance, sa distinction et son charmant sourire. Malgré un programme officiel chargé, la Première dame d’Égypte, Mme Suzanne Moubarak, a tenu à se rendre, lundi, chez Mme Randa Berry, pour rencontrer les enfants handicapés, et hier, chez Mme Bahia Hariri, à la Fondation Hariri, pour s’informer de l’enseignement fourni à l’Université libano-canadienne. Mais c’est au Chronic Care Center, chez Mme Mona Hraoui, que celle qui aime être appelée « Maman Suzanne », à cause de son amour des tout-petits, a passé le plus de temps, s’attardant avec les enfants atteints de thalassémie... et accordant un rapide entretien à L’Orient-Le Jour. La longue visite – l’invitée prestigieuse souhaitant tout voir – des divers services du Chronic Care Center a peut-être fatigué la Première dame d’Égypte, mais elle n’en laisse rien paraître. Le sourire toujours aussi chaleureux, elle accepte volontiers de répondre à quelques questions, demandant même que l’on se mette un peu à l’écart pour pouvoir se concentrer sur les réponses. Sans protocole ni formalisme, elle n’écoute que son cœur pour parler des souffrances de la femme pendant les guerres, de l’utilité de ce genre de forums, comme celui de la femme arabe, et du fanatisme religieux qui est en train de faire régresser la condition de la femme. Mme Moubarak n’avait certes pas prévu de se lancer dans une interview en bonne et due forme, mais elle se sent tellement concernée par les sujets évoqués et elle est tellement impliquée dans l’amélioration de la situation de la femme en Égypte qu’elle n’a nullement protesté en voyant le nombre de minutes accordées augmenter considérablement. Au point de susciter les protestations discètes de la délégation qui l’accompagne... Mais Mme Moubarak a beau avoir un visage doux et fin, elle n’en est pas moins une femme déterminée qui sait faire passer des messages dans toutes les directions. Ce n’est pas par hasard si elle a fondé l’Association Suzanne Moubarak pour la femme et la paix, basée à Genève, consacrée à faire entendre la voix de la femme arabe. « La femme accepte de moins en moins d’être marginalisée » Nous lui demandons d’abord si elle ne trouve pas que les débats du forum qui se déroule à Beyrouth ont un air de déjà entendu. On a même l’impression que c’est la même chose qui est répétée à chaque rencontre, sans que cela ne se traduise sur le terrain... Mme Moubarak n’est pas d’accord. Sans élever la voix ni perdre son sourire, elle explique qu’il y a eu un énorme progrès dans la condition de la femme arabe, au cours des dernières années. « On ne peut pas nier l’existence d’un tel progrès, ajoute-t-elle. Depuis dix ans, le rôle de la femme est devenu plus important dans tous les pays arabes. Les mentalités sont en train d’évoluer et elles sont de plus en plus favorables à l’octroi d’une meilleure place à la femme au sein de la société. La femme participe encore plus à la vie active et accepte de moins en moins d’être marginalisée. Comme je travaille depuis des années dans ce domaine, je peux dire que je perçois un net changement. Mais il faut attendre encore, car l’évolution des mentalités prend du temps. N’oubliez pas que le Conseil supérieur de la femme arabe a tenu sa première réunion dans le cadre de ce forum (il s’agit d’une institution nouvellement créée et rattachée à la Ligue arabe). Il s’agit donc d’une institution très jeune qui n’a pas encore eu le temps de faire ses preuves. D’autant que, jusqu’à présent, les efforts se sont concentrés sur les formalités administratives et la structuration de l’institution. Celle-ci montre en tout cas l’intérêt que l’on porte désormais à la femme, même au niveau des États. » Pense-t-elle qu’il existe des problèmes spécifiques aux femmes arabes et qu’une action commune est possible dans ce domaine ? « Chaque pays a ses propres problèmes, ses caractéristiques et ses priorités. Mais l’avantage du forum est de rassembler les différentes expériences et de favoriser les échanges. Ce qui peut faciliter l’élaboration d’une action commune. Chaque jour, nous découvrons de nouvelles figures féminines dans le monde arabe qui luttent pour le développement chacune à sa manière et dans un secteur particulier. Si toutes ces expériences sont mises en commun, cela peut être utile pour tout le monde. C’est un domaine en pleine évolution qui nous étonne chaque jour. » « La femme est celle qui souffre le plus dans les guerres » Pourtant, dans ce congrès, la plupart des intervenants ont concentré leurs propos sur les agressions israéliennes et l’occupation américaine de l’Irak, comme si c’était la seule cause de la situation déplorable de la femme dans le monde arabe. Mme Moubarak sourit finement. En diplomate confirmée, elle ne se permet aucune critique, se contentant de dire que si les interventions ont été axées sur les agressions israéliennes et la situation en Irak, c’est à cause du thème du forum. « Comme il s’agit de parler de la femme arabe dans les conflits armés, il est normal d’évoquer la guerre en Palestine et en Irak. Ce sont évidemment les sujets les plus importants, avec bien sûr la situation au Soudan. » Mais n’aurait-il pas mieux valu, au lieu de se contenter de saluer leur courage et leur résistance, de donner la parole à ces femmes et de leur demander si elles ont encore envie que leurs fils continuent de mourir ? « Il est nécessaire d’écouter les femmes qui sont effectivement dans la tourmente. Je suis convaincue que les femmes doivent avoir leur mot à dire dans la guerre et dans la paix. Ce sont elles qui paient finalement le prix le plus fort dans les guerres, dans leur chair et dans celle de leurs enfants et de leurs époux, sans compter qu’elles perdent leurs maisons, leurs situations et souvent souffrent le plus de la situation économique. C’est pourquoi je pense qu’au fond d’elles, toutes les femmes aspirent à la paix et à la stabilité, sources véritables de développement et d’épanouissement. La paix, ce n’est pas seulement le silence des canons, c’est aussi la sérénité intérieure, l’absence de violence, la fin de la misère. Tout cela, c’est une vaste culture et un programme ambitieux que nous devons tous et toutes nous employer à réaliser. » « L’éducation est le meilleur moyen de combler les différences » En Égypte comme au Liban, on a le sentiment que deux sociétés coexistent sans se mêler; celle qui est pro-occidentale et une autre qui semble figée dans le Moyen Âge. Comment faire pour éliminer ces différences ? « Je ne pense pas que ces différences soient propres aux seules sociétés libanaise et égyptienne. Dans tous les pays du monde, il y a plusieurs classes sociales et des modes de vie différents. Le seul moyen de combler les fossés et de réduire le clivage est de miser sur l’éducation. C’est le grand titre de mon combat. Éduquer la femme, même dans les coins les plus reculés, afin de lui permettre d’évoluer fait partie de mes priorités. » En Égypte et dans l’ensemble du monde arabe, le fanatisme religieux est une menace pour la femme et la ramène des années en arrière. Comment faire pour lutter contre cette menace ? « C’est vrai que le fanatisme est une régression. D’autant que la religion reconnaît des droits à la femme et n’a rien à voir avec ce que prônent les fanatiques. Le seul moyen de lutter contre ce phénomène est, une fois de plus, la culture et l’éducation. Il ne peut y avoir de progrès dans une société, si une partie, je ne dis même pas la moitié, de la population est marginalisée. Plus la femme est éduquée, plus elle devient consciente de ses droits. Pour moi, ce qui compte, c’est qu’elle ait la possibilité de choisir librement. Si une femme souhaite rester chez elle, elle doit être libre de le faire, tout comme elle est libre de pouvoir choisir de faire des études supérieures et de se lancer dans une carrière professionnelle. Nous devons multiplier les efforts pour aboutir à une telle situation. Mais je dois dire que le rôle de la femme est de moins en moins contesté dans le monde arabe. La conscience de son importance est reconnue. Mais il reste encore à la femme de s’imposer afin de participer pleinement aux décisions. » Scarlett HADDAD

Depuis son arrivée à Beyrouth, dimanche matin, elle a conquis les Libanais par son élégance, sa distinction et son charmant sourire. Malgré un programme officiel chargé, la Première dame d’Égypte, Mme Suzanne Moubarak, a tenu à se rendre, lundi, chez Mme Randa Berry, pour rencontrer les enfants handicapés, et hier, chez Mme Bahia Hariri, à la Fondation Hariri, pour...