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Actualités - OPINION

OPINION Dévorés par les mythes

Les mythes ont la vie dure. Surtout ceux qui hantent Beyrouth, plus particulièrement son centre appelé, depuis que la langue des affaires a remplacé celle de Molière, BCD (Beirut Central District). Avant sa destruction, personne ne parlait de mythes. On ne s’en trouvait pas plus mal d’ailleurs. Curieusement, c’est sur les ruines laissées par la guerre que, dès la reconstruction, ils apparurent. Le premier mythe, mythe-programme en quelque sorte, prit le nom de « Beyrouth, ville de l’avenir ancrée à son passé ». Quinze ans de reconstruction, accompagnée de la disparition de l’ancien tissu urbain, ne semblent pas l’avoir ébranlé. Le deuxième mythe, « Beyrouth, place financière du Proche-Orient », ressuscité dans l’euphorie de la paix retrouvée, se trouve aujourd’hui quelque peu malmené par la concurrence des pays frères, mais refuse obstinément de disparaître. Des mythes larmoyants, ranimés par les incorrigibles nostalgiques, tels par exemple « Le centre-ville, cœur battant de la capitale » ou encore « Les souks, lieux de la tolérance et de la convivialité » n’ont pas cessé d’être évoqués pour souligner les pertes irréparables, physiques et morales, que la reconstruction entraînait. On sait pourtant que la décentralisation, cause véritable de son déclin, était amorcée bien avant le début de la guerre et que la tolérance et la convivialité n’étaient autres que la possibilité offerte à tout un chacun, quelle que soit son origine, de pouvoir acheter dans les souks, sans excessive fraternisation, tout et n’importe quoi moins cher que partout ailleurs. Quant au mythe « Centre de loisirs et de distractions », à part les cinémas qui déjà battaient de l’aile et le lupanar de la rue al-Moutanabbi fermé on ne sait trop pourquoi, ce mythe-là, comme les autres, n’était qu’en partie justifié, mais dans la mémoire des Beyrouthins, il demeure indestructible. Aujourd’hui, la nostalgie erre en hardes constellées de lambeaux de mythes dans les rues impeccables du centre rénové. Mais les loisirs, les simples jeux d’enfants, les promenades à pied du petit peuple, totalement ignorés dans les plans, déconcertent les promoteurs qui ne savent plus comment reprogrammer leur opération foncière qu’ils rêvaient d’être réservée aux capitalistes. Ces nouveaux agréments, quand ils disparaîtront, seront amplifiés par le souvenir. Ils donneront naissance à leur tour à de nouveaux mythes. G. SÉROF
Les mythes ont la vie dure. Surtout ceux qui hantent Beyrouth, plus particulièrement son centre appelé, depuis que la langue des affaires a remplacé celle de Molière, BCD (Beirut Central District).
Avant sa destruction, personne ne parlait de mythes. On ne s’en trouvait pas plus mal d’ailleurs. Curieusement, c’est sur les ruines laissées par la guerre que, dès la...