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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE Bains de bouche

Neuvième semaine de 2004. En sept jours, les hommes de cette pauvre et fruitière République ont parlé, parlé, parlé, parlé, parlé - sans pour autant être capables de trouver quelque chose à dire. Du coup, en sept jours, et grâce aux logorrhées pathologiques de ces hommes dits politiques, cette même République s’est démasquée, elle s’est montrée telle qu’elle est réellement, « un organe charnu, musculeux, allongé, mobile, que l’on retrouve généralement dans une bouche », dixit le Petit Larousse illustré – un organe qui, en près de quatorze ans, s’est considérablement hypertrophié. La République libanaise n’est qu’une monstrueuse langue. En sept jours donc, et au lieu d’actes forts, d’actes capables d’imposer les résurrections d’un État de droit, d’une justice dépolitisée et indépendante, des libertés publiques, de la santé économique et financière du pays ; bref, au détriment de ces gestes concrets, de ces plans de sauvetage, la semaine écoulée aura été marquée encore une fois par rien d’autre que des mots. Vides, creux, inutiles, et qui n’auront réussi qu’à accroître la dégénérescence de la vie politique ; qu’à prouver aux deux ou trois sceptiques qui continuaient d’en douter que la seule motivation de ces hommes à strapontins reste, pour la quasi-totalité d’entre eux, la passion immodérée qu’ils éprouvent pour ces fauteuils sur lesquels le tuteur syrien les a installés, pour ces trônes automnaux auxquels certains d’entre eux aspirent. Neuvième semaine de 2004. Mikhaïl Daher : « Je ne veux pas faire la fine bouche en disant que je ne suis pas candidat (à la première présidence) ; je suis prêt à tout pour servir mon peuple et ma patrie. » Sleimane Frangié : « Je suis prêt. Ma pratique politique vieille de dix ans est mon programme. Je regrette d’avoir été le premier soutien d’Émile Lahoud en 1998 ; s’il n’y a qu’un seul homme pour incarner la ligne politique de notre camp, cela veut dire que ce dernier est en faillite. » Rafic Hariri : « Ce sont les Libanais qui choisissent leur président. » L’abnégation toute chrétienne du premier, la hardiesse toute zghortiote du second et l’insoupçonné humour mi-british mi-wahhabite du troisième ne peuvent en aucun cas masquer le rachitisme de leurs propositions – ni le burlesque de leurs convictions. Jean-Louis Cardahi : « L’appel d’offres (pour le cellulaire) est sur la bonne voie, et j’espère qu’aujourd’hui tout deviendra clair pour la Chambre et les Libanais. » Bassel Fleyhane et Walid Eido à Jean-Louis Cardahi : « Mais qu’est-ce que vous avez fait depuis un an et demi ? » Nabih Berry : « L’histoire prouvera que ce Parlement (qu’il préside) est le meilleur d’entre tous. » Hussein Husseini à Nabih Berry : « Si le berger est un loup, qui donc protège les moutons ? C’est le gouvernement que vous protégez et il ne vous obéit plus. » Nabih Berry : « Je vous interdis de continuer à parler de cette façon. » Ali Hassan Khalil : « Le Front national a cherché à torpiller la séance d’interpellations. » Sélim Hoss : « La Chambre a failli. » Rafic Hariri : « Dans ce pays, il n’y a personne qui n’ait pas encore cogné sur Rafic Hariri. » Le vœu pieu de l’indémontable ministre des Télécoms ; l’animosité pathologique du Koraytem Country Club à son encontre ; l’impensable et inadmissible abus de pouvoir du président de la Chambre (comprendra-t-il un jour, lui que l’on dit si intelligent, que l’on ne peut pas en même temps présider un Législatif et parrainer un Exécutif ?) ; l’invention de l’eau tiède par le prédécesseur de Rafic Hariri et la victimisation à outrance de ce dernier (l’automutilation n’est pas loin...), sans compter l’inquiétante schizophrénie des députés du bloc Joumblatt... : les mots dits au cours des deux journées parlementaires de la semaine écoulée ont confirmé la totale inutilité de cette Chambre et consacré l’urgente nécessité d’une nouvelle loi électorale qui ne serait plus à ce point cancérigène. Rafic Hariri, encore, à la veille de l’interpellation de son équipe : « Le Premier ministre libanais ne reçoit d’ordres de personne ; il est uniquement responsable devant la Chambre. » Le Premier ministre pourrait avoir beaucoup de qualité, mais il est tout sauf visionnaire. Neuvième semaine de 2004. « Les opinions des hommes politiques peuvent diverger, mais l’intérêt du pays doit rester la seule référence », a trouvé à dire cette semaine un Émile Lahoud étonnamment peu prolixe. Neuvième semaine de 2004. Charles Maurras a certes été un immonde nazillon, mais cela ne l’a pas empêché d’écrire un jour que quand un régime politique tombe en pourriture, il devient pourrisseur, et que sa décomposition contamine tout ce qui l’approche. La preuve... Ziyad MAKHOUL
Neuvième semaine de 2004.
En sept jours, les hommes de cette pauvre et fruitière République ont parlé, parlé, parlé, parlé, parlé - sans pour autant être capables de trouver quelque chose à dire. Du coup, en sept jours, et grâce aux logorrhées pathologiques de ces hommes dits politiques, cette même République s’est démasquée, elle s’est montrée telle qu’elle est...