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Actualités - CHRONOLOGIE

Cellulaire - Six députés proposent la formation d’une commission d’enquête parlementaire Violente altercation Berry-Husseini et vifs échanges Hariri-Harb

Nous ne saurons rien sur les anomalies du dossier du cellulaire de plus que ce que nous savons déjà. La réunion parlementaire d’interpellation, axée sur cette affaire, s’est terminée hier en queue de poisson après de vifs échanges Berry-Husseini et Hariri-Harb, laissant ainsi le gouvernement, sérieusement malmené au cours des deux derniers jours, au banc des accusés. Dilapidation de fonds publics, abus de pouvoir, interférences des intérêts privés et publics, transgression des lois : la crédibilité du gouvernement, déjà gravement entamée par les tiraillements autour du dossier de la téléphonie mobile et les retards dans la réalisation des réformes promises, a pris un sérieux coup hier, d’autant que la séance a été levée sans que l’équipe ministérielle n’ait eu la possibilité de répondre aux points soulevés par les députés sur sa – mauvaise – gestion du dossier du cellulaire. Cet épilogue était-il cependant programmé ? Si la question se pose, c’est parce que l’impression dominante au cours des derniers jours était qu’il fallait éviter que la confrontation entre l’opposition et le gouvernement ne prenne une dimension démesurée et que la réunion d’interpellation ne soit menée à terme, à savoir que le gouvernement ne pose la question de confiance, à la demande des quatre députés du Front national de réforme, Boutros Harb, Nayla Moawad, Omar Karamé et Hussein Husseini, ou pire encore que la Chambre ne forme une commission parlementaire d’enquête, proposition avancée par six députés, et qui serait principalement à l’origine du défaut de quorum, provoqué notamment par les haririens et leurs alliés à la Chambre. Cette impression a été d’ailleurs confortée par la gestion, très significative, de la séance. Force est de constater que le président de la Chambre, Nabih Berry, n’a guère prêté attention aux protestations répétées de Mme Moawad, contre un défaut de quorum qui a commencé à se manifester près d’une heure après l’ouverture de la réunion. Il s’est aussi efforcé d’empêcher une relance du débat politique, à la faveur d’une intervention de M. Harb, au moment où le chef du gouvernement, furieux, a menacé de partir en claquant la porte. La violente altercation entre MM. Berry et Husseini, qui a sans ambages accusé le président de la Chambre de « couvrir un gouvernement qui ne lui obéit même pas » et l’a qualifié de « loup », a incontestablement accéléré la fin d’une réunion qui n’aura finalement servi à rien, sinon à empêcher la formation d’une commission d’enquête et à permettre à l’opposition de marquer des points contre le gouvernement, mais aussi contre le Parlement dont elle a démontré les limites de l’action. Des limites somme toute connues de tous. Tilda ABOU RIZK Les altercations qui ont mis un terme au débat ont donné un peu de piment à une séance qui a quelque peu sombré dans la morosité et occulté l’appel lancé par six parlementaires, Mohammed Safadi, Mohammed Kabbara, Mohammed Fneich, Georges Kassarji, Oussama Saad et Antoine Haddad, pour la formation d’une commission d’enquête parlementaire sur la téléphonie mobile et la création d’une Autorité de réglementation des télécommunications (ART). Quinze députés seulement ont pris la parole, alors que la veille, mardi, une trentaine de parlementaires, dont des députés haririens, avaient inscrit leur nom pour pouvoir s’exprimer. Mais moins d’une heure après l’ouverture de la réunion, les sièges occupés par les députés des deux blocs Hariri et Joumblatt ont commencé à se vider. Premier à prendre la parole, M. Robert Ghanem évite de prendre position, rappelant seulement les irrégularités répercutées au sujet de la gestion du dossier du cellulaire, avant de poser les questions suivantes à l’adresse du ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi : « Est-ce que les recettes versées entièrement à l’État depuis le 1er septembre 2002 englobent tous les frais et sont donc correctes ? Est-ce que le tableau comparatif joint à la réponse du gouvernement et montrant les recettes du cellulaire avant – au moment où le Trésor percevait 20 % des recettes des deux opérateurs – et après que l’État ne reprenne le secteur de la téléphonie mobile, a pris en compte le nombre des abonnés au cours des deux périodes ? Quelle est la différence réelle dont il faudra tenir compte ? Est-ce que les rapports des inspecteurs ont confirmé l’exactitude de ces recettes ? En cas de réponse négative, quelles sont les mesures envisagées ? Est-ce que le service de l’impôt sur le revenu considère ces rentrées comme étant précises et juge qu’il a pu récupérer la totalité des droits du Trésor ? Pourquoi est-ce que le gouvernement n’a toujours pas créé l’ART qui peut garantir une protection réelle des consommateurs en l’absence d’une concurrence entre les opérateurs ? Pourquoi le gouvernement n’a pas entrepris de réduire la facture du cellulaire depuis qu’il a repris ce secteur ? » M. Ghassan Moukheiber, qui soutient l’interpellation présentée par le FRN, axe son intervention sur le respect des lois qui barrent la voie aux abus de pouvoir, en estimant que « l’important est de voir comment il sera possible, pour le moment et à l’avenir, de régler le problème du cellulaire, puisque tout indique que le gouvernement actuel restera en place ». Il évoque la loi sur l’enrichissement illicite, estimant que son mécanisme d’application est paralysé et que le Parlement se doit de la réviser et d’élaborer d’autres textes, afin d’empêcher tout enchevêtrement des intérêts publics et privés. M. Moukheiber met en garde contre un retour, par une voie détournée, des deux opérateurs actuels et s’interroge sur les raisons du gel de la loi sur les télécommunications, censée organiser tous les services en rapport avec ce secteur. À l’instar de M. Ghanem, il appelle à la mise en place de l’ART. M. Kassarji s’arrête sur la tarification élevée du cellulaire et stigmatise les divisions au sein du gouvernement, alors que M. Fneich met l’accent sur le déséquilibre dans les rapports entre l’Exécutif et le Législatif. « Si nous avions pu obtenir toutes les informations relatives au dossier du cellulaire et des décisions du gouvernement dans ce domaine, nous aurions pu éviter au pays, toutes ces polémiques et ces dégâts », dit-il, en se demandant qui peut être tenu pour responsable des irrégularités constatées au niveau de la gestion du réseau GSM. Pour lui, sanctionner politiquement le gouvernement et retirer la confiance qui lui a été accordée ne suffit pas : il faut qu’une commission d’enquête parlementaire soit formée. M. Safadi s’interroge sur le point de savoir quelles garanties possède l’État pour récupérer les 600 millions de dollars que les deux opérateurs lui doivent au cas où ils seraient exclus de l’adjudication, ou que l’arbitrage serait en sa faveur ? Il s’étonne de ce que le chef du gouvernement a résilié le contrat avec les deux opérateurs « pour des raisons personnelles sachant que la Cour des comptes avait auparavant relevé 25 infractions administratives et financières commises par les deux sociétés ». Le député de Tripoli demande que la poposition de former une commission d’enquête soit soumise au vote, non sans avoir auparavant relevé que le Parlement assume aussi une part de responsabilité dans tous les remous du cellulaire. La voyante « Lawahez » Au terme d’une intervention pseudo-lyrique et rimée de M. Sélim Saadé où il est question d’une voyante prénommée « Lawahez » et de « cellulaire atteint de grippe aviaire », M. Kabbara constate que le Premier ministre n’a pas répondu dans son intervention, mardi, aux accusations adressées au gouvernement et portant sur la violation des lois sur l’enrichissement illicite, la privatisation et les élections législatives. « Il est regrettable que le Parlement continue d’accorder sa confiance à un gouvernement pareil. Aucune considération politique, quelle qu’elle soit, ne doit primer les intérêts du peuple, sinon qu’on présente tous notre démission », conclut-il, avant que MM. Anouar el-Khalil et Jihad Samad n’interrogent le gouvernement sur les raisons pour lesquelles l’Exécutif n’a pas pris en considération l’avis formulé par le consultant, HSBC, sur la gestion du cellulaire. Entre-temps, Mme Nayla Moawad ne cesse d’attirer l’attenion du chef du Parlement sur le fait que l’hémicycle se vide progressivement. Sans succès. « Cela donne une jolie image du Parlement », finit-elle par commenter, sarcastique, devant l’absence de toute réaction de M. Berry. « Il ne faut pas tout mettre sur le dos du Parlement. Nous ne prenons pas de positions et nous ne nous laissons pas emporter. Vous verrez quand le moment de passer au vote viendra », réplique le président de la Chambre. MM. Jamal Ismaël, Oussama Saad, Antoine Haddad, Georges Frem et Abbas Hachem se succèdent à la tribune, puis M. Harb veut soulever un point de procédure et, c’est à ce moment-là, que tout bascule. Le député de Batroun fait remarquer qu’il a commis une erreur mardi en affirmant que les annonces pour les appels d’offres ont été seulement lancés dans les journaux libanais et qu’il souhaite se rétracter parce que son collègue Nabil de Freige lui a montré deux copies des quotidiens français, Le Monde, et britannique, Financial Times, où les annonces ont été publiées. M. Harb souligne ensuite qu’il veut répondre aux quelques points soulevés la veille aussi par le chef du gouvernement dans son intervention. En dépit des réserves qu’il exprime parce qu’il ne veut pas que la séance s’éternise ou que le débat reprenne, M. Berry lui concède trois minutes de temps de parole. À peine a-t-il noté que M. Hariri a estimé que la position de l’opposition porte atteinte au système économique libéral au Liban, que le Premier ministre bondit. « Moi aussi, j’ai le droit de répondre.Vous avez dit que le gouvernement s’est exprimé et qu’il n’a plus de droit de répondre et vous leur donnez (à l’opposition) quand même cinq minutes supplémentaires », proteste-t-il en s’adressant à M. Berry. Le débat vif sur ce point dure près d’un quart heure. « Moi aussi, je veux parler », intervient M. Karamé. « Mais laissez-moi finir », les interrompt le député de Batroun. « Je veux répondre à chaque mot qu’il va prononcer », fulmine M. Hariri. « Mais on n’en finira pas », proteste M. Berry qui finit par accorder la parole au député de Batroun, pendant que le chef du gouvernement saisit son dossier et s’apprête à sortir de l’hémicycle. Le chef du Parlement le persuade de rester, mais M. Hariri saisit le microphone et s’adresse au chef du Législatif sans que personne ne puisse l’entendre. « Mais c’est du court-circuitage », s’exclame M. Harb. Et les cris de MM. Berry, Hariri et Harb reprennent de plus belle. En guise de réponse, le député de Batroun reprend brièvement les grandes lignes de son discours de la veille, en insistant à nouveau pour que le gouvernement pose la question de confiance. M. Husseini veut ensuite soulever un point de procédure. Citant l’imam Ali, il déclare : « Si le berger est un loup, qui protégera les moutons ? » « Qui est le berger dans ce cas ? » s’interroge M. Antoine Haddad. « C’est moi », réplique sèchement M. Berry. Husseini : « C’est vous et les autres. Nous ne pouvons pas garder les bras croisés devant cette mascarade. Ce n’est pas nous qui ne vous obéissons pas. C’est le gouvernement que vous protégez qui ne vous obéit même pas. » Furibond, le président de la Chambre exige que ces propos soient effacés du procès-verbal de la séance et s’en prend violemment à son prédécesseur : « Je regrette que vous puissiez vous exprimer de la sorte. Il semble que vous êtes réellement attachés à l’histoire, même au niveau de votre pensée. Je vous interdit de continuer de parler et c’est mon droit ». Rouge de colère, le ministre de l’Agriculture Ali el-Khalil, proche de M. Berry, veut aussi répondre, mais le président de la Chambre l’en empêche et demande à savoir le nombre des députés présents. Il lève la séance aussitôt qu’il apprend qu’ils ne sont plus que 59.
Nous ne saurons rien sur les anomalies du dossier du cellulaire de plus que ce que nous savons déjà. La réunion parlementaire d’interpellation, axée sur cette affaire, s’est terminée hier en queue de poisson après de vifs échanges Berry-Husseini et Hariri-Harb, laissant ainsi le gouvernement, sérieusement malmené au cours des deux derniers jours, au banc des accusés....