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Actualités - OPINION

Le faux pas relatif à l’Isesco provoque des remous Berry souligne le caractère toxique du projet

Se confiant à un ministre ami, Nabih Berry indique qu’il a tout de suite compris que le projet de loi autorisant le gouvernement libanais à adhérer à l’Isesco (section pédagogique culturelle de l’Organisation islamique équivalant à l’Unesco) était une bombe à retardement. Susceptible de provoquer une violente discorde interne à caractère confessionnel. « Pour la toute première fois depuis douze ans que je dirige l’Assemblée, je décide de geler un projet de loi, de l’enfouir profondément dans un tiroir fermé à clé. Une clé que j’ai glissée dans ma poche, d’où elle ne sortira pas. Si on vous pose la question, répondez que le président Berry a posé les scellés sur le texte », dit-il en substance. Pour ajouter qu’à son avis, le document pèche surtout contre l’esprit même de la Constitution libanaise. Qui consacre la liberté d’enseignement, dans le cadre d’une saine préservation des spécificités enrichissantes du pluralisme. Berry conclut que sa décision ne risque pas d’être changée, car elle se fonde sur de vitales constantes nationales. Mais ce qui prête à sourire, ou à larmoyer, dans cette affaire, c’est son côté « surprises-surprises ». C’est-à-dire que les professionnels ne comprennent pas comment le projet de loi a pu parcourir tranquillement son petit bonhomme de chemin jusqu’à parvenir à la Chambre, sans être identifié comme un dangereux virus informatique capable de faire sauter la baraque. Le texte a été contresigné par le chef de l’État, le président du Conseil, le ministre de la Culture, le ministre des Finances et le ministre des Affaires étrangères, après approbation par tout le Conseil des ministres ! C’est à croire qu’il a été mal lu, mal compris, sauf par des éléments qui ont cru y déceler un apport à leurs thèses engagées. On ne voit pas trop du reste, en scrutant la composition idéologique ou politique du cabinet actuel, quels pourraient être ces déviants. Qui auraient applaudi aux attendus expliquant les principes de l’Organisation islamique. Principes qui se résument dans l’obligation, pour les pays adhérents, de faire de la culture islamique le pivot de leurs programmes éducatifs. Le papier est arrivé, le 3 janvier, place de l’Étoile, sa destination première étant les commissions parlementaires concernées. C’est-à-dire l’Éducation, les Finances et les AE. Dès une première lecture informelle, un membre de la commission de l’Éducation s’est précipité chez Berry pour le prévenir. Entre-temps, sur la scène publique, le Bloc national a poussé les hauts cris. Le plus troublant, dans ce raté, c’est qu’il peut en cacher bien d’autres. Des opposants se demandent en effet combien a-t-on pu faire passer à la sauvette des projets viciés. D’autant que les explications des officiels sont par elles-mêmes inquiétantes. On apprend en effet, par la bouche de certains ministres, que souvent, pour gagner du temps, des questions sont condensées, résumées, pour être soumises à l’approbation du Conseil des ministres. Dont l’ordre du jour est si chargé qu’il ne peut examiner en détail tous les points qu’il doit examiner. Ce que l’on appelle la routine, en somme. À partir de là, les gouvernants ne se sont pas méfiés lorsqu’on leur a glissé le projet d’adhésion à l’Isesco. Car, il convient de le relever, le Liban est déjà membre observateur de cette sous-organisation. Et il compte parmi les pays fondateurs, en 1969, de l’Organisation de la conférence islamique. Or ce sont les détails occultés ou vaporisés qui font toute la nocivité du projet de loi. Ses dispositions écrasent en effet les principes constitutionnels de liberté de croyance autant que d’enseignement. Elles stipulent que le seul objectif est de servir les aspirations de la nation islamique, en tant que support de la foi et de la pensée mahométanes. Et que seule la culture religieuse islamique doit animer les manuels scolaires, pour mieux cimenter les peuples croyants. L’exposé des motifs recèle nombre d’expressions traduisant une volonté d’hégémonisme culturel discriminatoire. Pour tout dire, une ligne contraire à la vocation même du Liban, creuset de rencontre. Sans compter, mais c’est là un détail, que l’adhésion à l’Isesco dans les conditions citées aurait ipso facto annulé d’innombrables accords internationaux, dont les protocoles avec l’Union européenne. Ou même le serment prêté à la Charte des Nations unies, qui sacralise les droits de l’homme ainsi que les libertés de base. Il y aurait eu également une violation du pacte de l’Unesco qui condamne tout apartheid culturel ou pédagogique. Bref, le tissu libanais aurait été en grand péril de déchirement. Les dirigeants, auxquels l’on a ouvert les yeux à travers nombre d’études précises, dont celle de la Ligue maronite, vont devoir aller plus loin que Berry, et faire machine arrière totalement, en retirant le projet. Selon certaines sources informées, le pas devrait être proposé lors du prochain Conseil des ministres par Karim Pakradouni. En fait, c’est juridiquement nécessaire. Car, si l’on y regarde de plus près (et c’est justement ce que l’on a pas su faire), la Constitution n’autorise pas le président de la Chambre à geler de son propre chef le projet de loi. D’après des juristes, on ne peut annuler une erreur par une autre, aussi bien intentionnée et positive qu’elle soit. Philippe ABI-AKL
Se confiant à un ministre ami, Nabih Berry indique qu’il a tout de suite compris que le projet de loi autorisant le gouvernement libanais à adhérer à l’Isesco (section pédagogique culturelle de l’Organisation islamique équivalant à l’Unesco) était une bombe à retardement. Susceptible de provoquer une violente discorde interne à caractère confessionnel. « Pour la...