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POÉSIE - La première anthologie en traduction française de l’auteur irakien « L’obélisque d’Anaïl », de Chawki Abdelamir : la nostalgie de Sumer

L’Irak est le berceau de la civilisation, et le poète Chawki Abdelamir le sait par cœur. En exil depuis 30 ans à Beyrouth, où il est conseiller culturel auprès de l’Unesco, la Fondation arabe pour les études et la publication (FAEP) a fait paraître, en 2001, le premier volume des ses œuvres poétiques. L’éditeur français Mercure de France a suivi cet exemple et a publié, il y a quelques mois, L’obélisque d’Anaïl, une anthologie qui comprend également des textes en français et des traductions modifiées. À parcourir ces pages, l’on comprend que Chawki Abdelamir est un des plus beaux exemples de l’homme arabo-musulman, affecté de la même manière par les tragédies palestinienne ou irakienne et se prenant à rêver de la mythologie du Yémen, de l’Andalousie ou de Sumer. La réédition de ces poèmes est d’une triste réalité : les rêves, les révoltes et l’angoisse, indissociables de tout individu arabe, sont exactement les mêmes depuis plus de dix ans. Et l’Irak, la terre natale de l’auteur, né à Nasriya en 1949, en paie l’un des prix les plus forts : « Un sang coulait du cou d’une colombe sumérienne/égorgée entre mon lieu de naissance/ et ma naissance » (La montée du mont Sinaï). Les contours d’une terre aimée Poète en exil, Chawki Abdelamir, et c’est là, paradoxalement, sa force, donne à voir un Irak rêvé : les personnages antiques sont réveillés avec la même ferveur que l’évocation des héros de l’intifada (le recueil La pierre d’après le déluge, dédié au poète palestinien Mahmoud Darwich, leur est entièrement consacré). Ainsi, on peut lire : « J’ai vu Athtar s’agripper aux manches d’un village que le torrent déshabille » (Lorsque sur les hauteurs), et « La pierre/s’effondre/sous le choix du sens » (La pierre d’après le déluge). Tout le brassage gigantesque des civilisations passées traverse une terre désertique, qui se confond avec celle d’Aden ou du sud de l’Espagne. Comme l’ermite ou le prophète, le poète est apte à écouter les éléments et les choses impalpables, comme il le fait dans le recueil intitulé Parole après Sumer, et qui comprend « Parole du désert », « Parole du Qarmate », « Parole de l’illusion », « Parole du fleuve », « Parole du rêve » et « Parole de la nudité ». Ces appels symboliques, tantôt extatiques, tantôt déchirants, ne font que dessiner et dessiner encore les contours d’une terre aimée que la distance et la durée, « un rocher mâchant le vide » (Hadramawt), rendent de plus en plus flous et, par là même, de plus en plus offerts à l’imaginaire. Bémol « Parmi les couleurs / dans les océans de la douleur / dans les lignes noires d’une aube toujours fœtale / fleuves et continents du chaos arabe / un voile couvre la braise / Ce torrent de conscience pourra-t-il / ne serait-ce qu’une nuit / emporter / le rêve de l’assassin » (Samaraâ). Ce constat, beau et digne à la fois, constitue, en fin de compte, la ligne de fond de cette belle anthologie, séduisante à coup sûr quand on affectionne l’immense littérature issue de l’influence stylistique du Coran d’abord, des poètes arabes anciens ensuite. Un bémol cependant, et qui concerne le titre français de l’anthologie : il y est expliqué qu’« Anaïl est un nom créé par l’auteur et composé du nom arabe “ana”, signifiant “je”, et du pronom français “il”. Anaïl est la traduction que l’auteur a donnée au “Je est un autre” » de Rimbaud. La référence est belle, mais le pont établi par ce néologisme n’a pas de fondations puissantes. Mieux vaut s’attarder sur des titres de recueil comme Tard dans la blessure ou Lieux sans terre, qui racontent combien la nostalgie de Sumer est prégnante chez l’arabo-musulman un peu poète, un peu mystique et un peu guerrier qu’est Chawki Abdelamir. Diala GEMAYEL

L’Irak est le berceau de la civilisation, et le poète Chawki Abdelamir le sait par cœur. En exil depuis 30 ans à Beyrouth, où il est conseiller culturel auprès de l’Unesco, la Fondation arabe pour les études et la publication (FAEP) a fait paraître, en 2001, le premier volume des ses œuvres poétiques. L’éditeur français Mercure de France a suivi cet exemple et a...