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Actualités - ANALYSE

analyse - « Les opinions politiques opposantes ne peuvent pas être illégales dans un pays qui se veut démocratique », a dit le magistrat Pour que le jugement de Hani Habbal fasse jurisprudence

Les relations entre le judiciaire et la politique ont toujours été, sont et resteront plus ou moins troubles, ambiguës, turbulentes, houleuses même – que ce soit à l’étranger (l’un des derniers dossiers en date est celui d’Alain Juppé, en France) ou au Liban. Un pays où aucun débat digne de ce nom n’a encore eu lieu sur cette question finalement assez taboue ; un pays où chaque citoyen a eu l’occasion de relever, notamment ces deux dernières années et d’une voix plus ou moins assurée, les dégâts monumentaux de ce mal endémique : la politisation de la justice. Aussi, force est de relever la retentissante décision prise avant-hier par un magistrat venu rappeler à tout un chacun – à commencer par les responsables politiques – qu’au Liban, la justice se doit d’être (et entend bien l’être) indépendante, apolitique et dépolitisée, surtout en matière des droits de l’homme et des libertés publiques. Nayla Moawad a tenu a rendre hommage, hier, au juge unique de Beyrouth statuant en matière pénale, Hani Habbal, et à le féliciter chaudement. « Il nous a redonné l’espoir, il nous a prouvé qu’il existe encore, au Liban, des juges qui méritent le respect, et je salue son courage », a dit la députée de Zghorta. Souhaitant à juste titre que les dirigeants du pays prennent bonne note de ce jugement. Pourquoi Hani Habbal a-t-il créé l’événement ? Parce qu’il a estimé que les investigations dont faisaient l’objet, depuis près de trois ans, 11 partisans aounistes et FL, accusés après les événements d’août 2001 d’« appartenir à un parti non autorisé » et d’« avoir manifesté pour semer le trouble sur la voie publique », sont « nulles et non avenues ». Au même titre que les poursuites que risquaient d’encourir Chahid Daaboul, Rabih Aouad, Paul Hakim, Alfred Khaïrallah, Élie Abi-Rached, Rami Nahas, Élie Saber, Oussama Dayaa, Dimitri Hassoun, Joseph Wannis, Halim et Chadi Tannouri ainsi que Ghassan Lahoud. La raison de ce jugement est doublement simple. D’abord, ces investigations ont été menées par des enquêteurs militaires, alors que toute cette affaire « n’est pas du ressort de la justice militaire ». D’autant, a rappelé le magistrat, que c’est le code de procédure pénale qui définit les modalités des poursuites, et qu’« il ne faut pas essayer de trop interpréter ce code si l’on veut préserver les droits de l’homme et les libertés publiques ». Ensuite, a-t-il affirmé, « les opinions politiques opposantes ne peuvent pas être considérées comme étant illégales dans un pays dont le système est basé sur le principe de démocratie ». Et c’est là que son jugement a pris toute son ampleur. Même s’il s’avère toujours un peu absurde d’applaudir le ténor parce qu’il se racle la gorge avant de chanter – ou de féliciter un homme pour ce qu’il est censé, naturellement, faire –, force est de constater que le jugement de Hani Habbal, dans le fond, mais aussi, et surtout, dans la forme, détonne, surprend et résonne comme un réel camouflet aux volontés à peine voilées du pouvoir en place. « Le Liban est une République démocratique, parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques – la liberté d’opinion et de croyance en premier –, sur la justice sociale et sur l’égalité des droits et des obligations entre tous les citoyens, sans distinction ni préférence », dit le paragraphe C du préambule de la Constitution. Inattaquable parce que intrinsèquement constitutionnel, le jugement de Hani Habbal pourrait – et devrait – faire jurisprudence. Entraînant et installant ainsi la salutaire indépendance de la justice au Liban. Sauf qu’au regard de l’état actuel des relations entre les appareils judiciaire et politique, au regard, également, des mœurs politiques locales en usage depuis des décennies, c’est de l’intérieur même du troisième pouvoir que pourrait naître cette indispensable mutation. La création d’une cour libanaise des droits de l’homme, préconisée avant-hier par Salah Honein, pourrait d’ailleurs fortement y contribuer. Hani Habbal a mis la barre très haut. Sera-t-il suivi, écouté, entendu ? Échappera-t-il aux pressions diverses et variées qu’il ne manquera pas de subir ? Ou bien son jugement a-t-il été demandé, commandé par de petits et grands décideurs déterminés à s’attirer le maximum de sympathies de la part de Bkerké et de la rue chrétienne ? Dans tous les cas, la jurisprudence est souhaitable, et souhaitée. Ziyad MAKHOUL
Les relations entre le judiciaire et la politique ont toujours été, sont et resteront plus ou moins troubles, ambiguës, turbulentes, houleuses même – que ce soit à l’étranger (l’un des derniers dossiers en date est celui d’Alain Juppé, en France) ou au Liban. Un pays où aucun débat digne de ce nom n’a encore eu lieu sur cette question finalement assez taboue ; un...