Ocean’s Eleven*

Onze. Comme une équipe de foot. Depuis l’indépendance, nous avons eu onze présidents. Béchara el-Khoury, Camille Chamoun, Sleiman Frangié, Béchir Gemayel, Amine Gemayel, René Moawad, Élias Hraoui, Émile Lahoud. Puis Fouad Chéhab, Charles Hélou, Élias Sarkis. Classement erronné ? Pas du tout. Il ne suit pas l’ordre chronologique. Mais le schéma de génération par reproduction. Avec ou sans système de primogéniture, de loi salique, de droit d’aînesse et autres gentilles lentilles Esaü. Ou Esa tout court, comme le susurre un doctorant, néologisme barbare du new- age académique. C’est-à-dire que les trois derniers présidents cités sont les seuls à n’avoir pas eu de progéniture. Il se trouve, étrange coïncidence, que ce sont les trois présidents nahjistes que nous eûmes aux alentours de 1969, année érotique selon Gainsbourg. Un bon chamounien, fidèle à la joviale verdeur truculente du fondateur, estimerait qu’il leur a manqué quelque chose quelque part, comme Churchill le relevait à propos du pape. Il nous reste quand même assez de familles constituées (politiques ou génétiques) pour régler une fois pour toutes cette énervante, cette récurrente question de la présidentielle. Tout simplement par roulement de dynasties. On prend les mêmes et on recommence, par rotation. Comme cela se fait dans les vrais-faux royaumes îliens de l’Océan (Eleven) indien, où de pittoresques monarques se font couronner (les dents de la mer) à tour de rôle, tous les six ans. L’idée vaut donc d’être creusée. Et les jeunes loups en attente, ici ou là, sauraient mieux se préparer à leur destin national. Sans ce féroce esprit de concurrence qui en porte certains à multiplier les bêtises, pour occuper le devant de la scène. Fils, ou petit-fils, de président, président soi-même, quelle belle carte de visite et de naissance. Pour aller dans le monde, comme le chat botté. En découvrir l’essence. Et la beauté. Jean ISSA * 1960, réalisé par Lewis Milestone. Ce film-culte était en quelque sorte le manifeste hédoniste du fameux Rat Pack. Un label chipé à Bogart et Cassavetes par leur pote Sinatra. Qui y tenait donc la vedette, entouré de Dean Martin, Sammy Davis Junior, Peter Lawford, Cesar Romero, Akim Tamiroff et Angie Dickinson.