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Actualités - ANALYSE

analyse - Pacte national, consensus et souveraineté : quelles relations dans le contexte actuel ?

La philosophie du pacte. Depuis l’indépendance, et plus précisément depuis le pacte national de 1943, un certain Liban y est attaché, bon gré mal gré, dans la mesure où cet accord non écrit a donné naissance à la culture et, partant, à la légitimité du consensus au Liban. L’importance du pacte de 1943, sans l’ombre d’un doute, résidait au niveau de la double renonciation historique qu’il comportait, celle des chrétiens à l’Occident et des musulmans au panarabisme. Un consensus, basé sur deux négations, à l’origine de la souveraineté libanaise. Même s’il fera l’objet, des années durant, et à plusieurs étapes de l’histoire du Liban, des critiques les plus acerbes, voire même de projets visant à le détruire, notamment avec l’éclatement de la guerre, à partir de 1973/1975. Le concept de souveraineté au Liban pose problème, à partir du moment où les éléments communautaire et identitaire ont progressivement créé « des » représentations de la souveraineté, différents de la conception territoriale, adoptée par le droit international public. Exemple : le problème palestinien, à partir de 1968. Pour le camp « libaniste », attaché à la souveraineté dans son sens « monopole de la violence légitime, libre décision et intégrité du territoire », les actions de l’OLP étaient vécues comme une atteinte à l’indépendance du pays. Pour les nationalistes arabes et la gauche, réunis au sein du Front des partis, puis, plus tard, du Mouvement national, la présence palestinienne n’était pas perçue comme une violation de la souveraineté, au nom de la solidarité interarabe, dans l’optique d’une culture spatiale, non territoriale, celle de la umma arabe et de l’universalisme humaniste de la gauche. La souveraineté limitée Après l’échec de l’accord tripartite, tentative d’imposer par le biais de certaines milices un pacte tronqué reposant sur une concession au niveau de la souveraineté, au nom des « relations privilégiées avec la Syrie, expression la plus marquante de l’arabité » du Liban, l’accord de Taëf cherche à renouer avec l’esprit du pacte national de 1943, en proclamant dans son préambule que « tout pouvoir qui viole le pacte de coexistence devient illégitime ». Mais, là aussi, le professeur Joseph Maïla se pose des questions concernant le sort réservé à la souveraineté (fondement du pacte de 43) à Taëf : c’est au titre de son arabité, dit-il, que le Liban « se retrouve très proche de la Syrie et en tant que tel tenu de coordonner de la manière la plus étroite sa politique avec celle de son voisin ». Selon lui, contrairement à 1943 où l’accent était mis sur une souveraineté « absolue », « la réaffirmation indépendantiste de 1989 est à comprendre dans un sens plus restrictif, celui d’une souveraineté limitée. Son message implicite serait, contrairement au “non au rattachement de 1943”, un “non au détachement”, au sens d’un éloignement politique, diplomatique et économique, avec la Syrie ». À l’issue de sa rencontre avec le patriarche maronite à Bkerké, une personnalité politique proche de Damas, le député Nasser Kandil, a proposé hier une nouvelle équation autour de la souveraineté, en faisant allusion au pacte national de 1943 et au célèbre article de Georges Naccache, « Deux négations ne font pas une nation ». Pour M. Kandil, ici porte-parole de tout un courant de pensée, la vision de la souveraineté libanaise est partagée entre deux « illusions » : l’une, chrétienne, se rapporterait selon lui « à la fin des relations avec la Syrie et au retrait syrien », l’autre, musulmane, serait relative à « l’abolition du confessionnalisme ». Et de trouver un compromis un peu facile, en se proposant de lutter contre « ceux qui tirent profit des relations avec la Syrie et ceux qui exploitent les communautés à des fins personnelles ». Ce discours cherche à lier, à travers le concept de souveraineté, l’abolition du confessionnalisme au retrait syrien du Liban, en renvoyant ces deux termes de l’équation aux deux communautés du pays, les chrétiens et les musulmans. Or c’est une fausse équation que propose M. Kandil. Et pour cause : ni le retrait syrien ni l’abolition du confessionnalisme sont véritablement l’apanage d’un groupe communautaire homogène et statique. Par ailleurs, les chrétiens ne réclament pas la fin des relations avec la Syrie, mais un rééquilibrage équitable des relations, basé sur l’indépendance des deux pays. Mieux encore, le lien effectué est douteux, et le fait de le rattacher à la souveraineté encore plus. En réalité, ce que ne dit pas ce discours est autrement plus important que ce qu’il dit : le fait qu’il faille renoncer, donnant, donnant, de part et d’autre, tant à l’abolition du confessionnalisme qu’au retrait syrien du Liban, par respect pour l’esprit du consensus. En d’autres termes, aboutir à un consensus « inversé », un compromis « négatif », garantissant la pérennité de l’influence syrienne sur le Liban, dans le cadre d’une souveraineté limitée. Michel HAJJI GEORGIOU
La philosophie du pacte. Depuis l’indépendance, et plus précisément depuis le pacte national de 1943, un certain Liban y est attaché, bon gré mal gré, dans la mesure où cet accord non écrit a donné naissance à la culture et, partant, à la légitimité du consensus au Liban.

L’importance du pacte de 1943, sans l’ombre d’un doute, résidait au niveau de la double renonciation...