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Actualités - OPINION

Dans le vent

Depuis des décennies que cela sentait le renfermé en Syrie, voici que l’on s’y décide enfin à ouvrir quelques fenêtres pour créer de salutaires courants d’air. Côté sud-ouest, le président Bachar el-Assad a entamé l’année nouvelle avec une offre de reprise des négociations de paix avec Israël chaleureusement saluée par la communauté internationale, États-Unis compris. En laissant officieusement entendre qu’il pourrait renoncer au vieil engagement des gouvernements travaillistes de restituer la quasi-intégralité des hauteurs du Golan, Damas mettait Ariel Sharon au pied du mur : de là où le chef du Likoud réclamait un dialogue sans condition d’aucune sorte, c’est lui-même qui se dédit en exigeant maintenant le préalable d’un arrêt de l’aide syrienne au Hamas et au Hezbollah. Versant Nord, Assad a réussi dernièrement à établir des relations de bon voisinage sinon d’amitié avec la Turquie, liée à Israël par un pacte de coopération militaire et qui, il y a quelques années, était sur le point de déclarer la guerre à la Syrie qu’elle accusait d’accorder asile aux indépendantistes kurdes : un contentieux qui n’a plus de raison d’être, maintenant que la Syrie, instruite de l’expérience irakienne, a elle-même intérêt (et l’Iran aussi) à décourager toutes sortes d’aspirations à l’autonomie. Plein Sud de même, c’est un retour à la normalité qu’annonce l’inauguration, lundi – avec un retard d’un demi-siècle sur le programme prévu ! – du projet de barrage garantissant un partage équitable des eaux de la rivière Yarmouk entre la Jordanie et la Syrie. Tout porte à croire en effet que le président Assad et le roi Abdallah de Jordanie sont résolus à faire une croix sur les rapports tantôt idylliques et tantôt orageux qu’entretenaient leurs dinosaures de pères et prédécesseurs. Et qu’ils entendent échanger, pour leur part, autre chose que de mensongers serments d’unité ou alors des invectives, menées subversives et autres entreprises de déstabilisation. À l’Ouest alors, rien de nouveau ? Pour s’en tenir aux relations extérieures de la Syrie, sans donc aborder ici les indispensables réformes internes, on peut se demander quelle politique d’ouverture serait effective et prise en compte si elle ne comportait un réel changement qualitatif dans ces relations syro-libanaises : lesdites relations étant à tel point « privilégiées », comme le dit la rhétorique officielle, que c’est un seul des deux partenaires qui, invariablement, rafle tous les privilèges. Et pour commencer le Liban, dans l’optique des dirigeants syriens, a-t-il jamais fait partie du monde extérieur ; ou n’est-il, malgré ses attributs de façade, qu’une province semi-autonome que l’on gouverne par télécommande, une affaire passablement domestique ? Pour faire face aux nouvelles réalités régionales créées par l’invasion américaine de l’Irak, la Syrie a le choix entre deux politiques : s’accrocher plus que jamais à sa chasse gardée libanaise, avec tous les risques de confrontation que cela implique avec Israël, du fait de la connexion Hezbollah, mais aussi avec les États-Unis qui brandissent le Syria Accountability Act ; ou, au contraire, jeter du lest. Et poursuivre, en l’amplifiant, l’amorce d’ouverture en direction de l’opposition chrétienne libanaise et de sa figure de proue morale, le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, illustrée il y a près de deux ans par la navette de l’ancien ministre Fouad Boutros et l’évacuation militaire de certaines positions : voilà qui serait franchement plus conforme à l’image nouvelle que s’emploie à se donner le régime de Damas. Que des personnalités libanaises soient conviées depuis quelques jours à défiler à la queue leu leu chez le président Assad n’est pas en soi chose trop extraordinaire, depuis le temps que le personnel politique local s’applique à marcher bien droit sur le chemin de Damas. Mais cette procession revêt un caractère particulier dans la perspective de la prochaine échéance présidentielle car c’est sur ce terrain précis que seront testées et révélées, avec le plus de netteté, les intentions libanaises du Raïs de Syrie. Or autant (et même davantage peut-être que nous-mêmes) les Syriens ont tout à gagner de l’élection d’un président libanais ami, certes, et néanmoins capable de rassembler autour de lui tous les Libanais : capable en particulier, de par sa crédibilité propre, de donner poids et consistance à celle, encore embryonnaire, de la Syrie new look, celle du XXIe siècle, si tant est que celle-ci est réellement au banc d’essai. Ouvrir les fenêtres pour aérer c’est très bien, c’est sain, cela fait bon effet auprès de tout le monde. Le faire avec précaution de peur que les brises printanières se muent en tempête, c’est normal après trente ans de sourcilleux autoritarisme baassiste. Mais à garder désespérément bloquée la lucarne libanaise, on n’aurait finalement récolté que du vent. Issa GORAIEB
Depuis des décennies que cela sentait le renfermé en Syrie, voici que l’on s’y décide enfin à ouvrir quelques fenêtres pour créer de salutaires courants d’air.
Côté sud-ouest, le président Bachar el-Assad a entamé l’année nouvelle avec une offre de reprise des négociations de paix avec Israël chaleureusement saluée par la communauté internationale, États-Unis...